La prévision de croissance 2011 a été ramenée de 2,5 % à 2 %, privant l’Etat de près de 4 milliards d’euros de recettes. Avec la diminution de plusieurs ressources fiscales ces dernières années et la volonté de réduire le déficit français, le gouvernement a cet été pris divers engagements visant à la suppression de 10 milliards d’euros de « niches fiscales et sociales » dans le budget 2011.
L’origine et le but des niches fiscales
Une niche fiscale est l’exemple parfait de la fiscalité née d’une volonté politique. Ces systèmes visant à la réduction d’imposition constituent un levier d’incitation utilisé en période de déficits chroniques. Il représente un manque à gagner pour l’Etat plutôt qu’un coût (de 75 milliards d’Euros en 2008).
Chaque année plus nombreuses, les 468 niches fiscales répertoriées en France correspondent à des réductions d’impôt accordées pour soutenir un secteur d’activité (restauration, immobilier, assurance, etc…) ou une catégorie de population (familles nombreuses, sportifs, etc…).
La première niche fiscale date de 1807, dans l’objectif de soutenir les agriculteurs en cas de perte de récolte ou de bétail. Près de la moitié d’entre elles ont été créées ces dix dernières années. Cela s’explique principalement parce que l’Etat a soumis l’ensemble de ses dépenses à une norme d’évolution (au rythme de l’inflation), à l’exception des niches fiscales.
Une atteinte au principe d’égalité devant l’impôt ?
Le principe d’égalité devant l’impôt veut que les différences de traitement fiscal se trouvent justifiées par des considérations objectives. Ces considérations peuvent relever de simples éléments de fait (par exemple la situation familiale ou géographique). Mais il peut aussi s’agir d’éléments de droit (statut juridique du couple, exploitation et gestion d’une entreprise…).
Lorsque l’Etat utilise sa politique gouvernementale au service d’un dessein économique, financier ou social, il dispose d’un puissant levier avec les modifications fiscales. « Instrument de régulation conjoncturelle1« , les mesures incitatives répondent à des besoins ou des attentes ciblées et font souvent office d’avantage pour une certaine catégorie de contribuables. On comprend alors tout de suite l’enjeu de telles mesures : si elles sont justifiées pour leurs objectifs économiques, ou de politique générale, ces mesures peuvent entrainer des atteintes au principe d’égalité devant l’impôt. Il ne serait pas étonnant de voir apparaitre des questions prioritaires de constitutionnalité réclamant l’annulation d’une mesure fiscale trop avantageuse. Le Conseil constitutionnel userait alors de sa jurisprudence classique sur le principe d’égalité pour observer si les traitements avantageux relèvent ou non d’éléments justifiables.
La mise en place récente d’un mécanisme de plafonnement (cf. infra) s’est accompagnée de la modification de nombreux dispositifs d’incitation fiscale. Ainsi, certaines déductions du revenu imposable ont été transformées en réductions d’impôt. Les objectifs recherchés par le législateur étaient de limiter l’avantage fiscal à la seule diminution de l’impôt sur le revenu et de permettre l’application uniforme du mécanisme de plafonnement.
Vers la diminution des régimes de faveur
Les rapports annuels de performances budgétaires pour 20092 apportent des informations concernant la réduction du coût des niches fiscales de 5 milliards d’euros sur 2011-2012. Ce sont celles qui présentent le moins de bénéfices sur le plan économique et social qui doivent être visées.
La loi de finance pour 20093 institue une mesure de plafonnement global des niches fiscales en matière d’impôt sur le revenu. L’avantage fiscal dont bénéficie le contribuable ne peut pas dépasser la somme des deux montants suivants : 25 000 euros ou 10% du revenu imposable global, après abattement. Le mouvement a été amplifié en 20104 5.
Source : lefigaro.fr
Les différentes niches fiscales sont contestées, notamment au regard du déficit budgétaire qui croît chaque année.
Tout d’abord, la plus coûteuse est la niche fiscale sur la TVA rénovation qui représente un coût de 5,1 milliards d’euros pour l’Etat. Créée en 1998 pour le logement social et étendue l’année suivante à toutes les habitations, elle croît régulièrement depuis 2000. Le taux réduit de 5,5 % – au lieu de 19,6 % – s’applique à la main-d’œuvre employée ainsi qu’aux matériaux achetés par leur intermédiaire. L’existence de cet avantage permet d’abord de lutter contre le travail au noir, un fléau dans ce secteur et incite surtout les particuliers à entretenir leur habitat. L’application de la TVA aux matériaux est cependant contestée. Elle ne crée pas d’emplois et incite certains artisans à récupérer une partie de l’avantage à leur profit, en augmentant le prix affiché au client. En conséquence, le gouvernement réfléchit à la possibilité de ne plus réserver la TVA réduite uniquement à la main-d’œuvre (gain potentiel de 1 milliard d’euros pour l’Etat).
D’autres niches sont également contestées. C’est le cas des pensions de retraites qui sont proposées depuis 1977, l’abattement de 10 % sur le montant des pensions de retraites bénéficiant à 13 millions de ménages. La prime pour l’emploi arrive en seconde position avec 8,9 millions de contribuables éligibles. L’abattement sur les pensions de retraites est identique à celui proposé aux salariés au titre de leurs frais professionnels par définition inexistants pour les retraités.
La niche fiscale concernant les plus-values de cession reste la plus remise en cause. Depuis 2007, les sociétés qui vendent une filiale ne sont plus taxées au titre de leurs plus-values, à condition de l’avoir détenue au moins deux ans. Le coût du dispositif est souvent qualifié de « superniche ». Il a généré un manque à gagner pour l’Etat de 3,4 milliards en 2007 et de 12,5 milliards en 2008.
Enfin, l’écologie ne sera pas épargnée par la baisse générale de 10% sur les niches fiscales. Le ministère du Budget, François Baroin, a assuré que les arbitrages définitifs devaient être rendus à la mi-septembre. L’Etat compte notamment réduire le crédit d’impôt qui incite les particuliers à rénover leur logement (isolation thermique, chauffage…) et celui sur les installations photovoltaïques. En 2009, elles ont représenté 15 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat.
Une mesure budgétaire
Si l’objectif est essentiellement économique et concerne plus les finances publiques (ramener le déficit public en dessous des 3 % à l’horizon 2013), les abus engendrés par la superposition de multiples avantages (certains contribuables parvenant à ne plus payer d’impôt) démontrent que le principe d’égalité devant l’impôt est aussi une motivation pour encadrer les mesures offrant des avantages fiscaux. Face à la volonté du gouvernement de faire tout son possible pour éviter de devoir augmenter les impôts, il faudra compter sur une loi de finances pour 2010 très riche en matière de suppression de niches fiscales.
Les économies réalisées par la suppression de plusieurs niches fiscales peuvent cependant menacer certains secteurs. Ainsi, le gouvernement a insisté sur le fait que les nouvelles mesures épargneront « tout ce qui est créateur d’emplois et tout ce qui soutient l’économie », a assuré le ministre du Budget.
A l’approche des premiers examens de la loi de finance pour 2011, des mesures semblent pourtant être déjà prises : la ministre des finances a annoncé les grandes lignes du projet de loi de finance pour 2011. Vingt-deux niches seront « rabotées de 10% », toutes entrant dans le champ de l’impôt sur le revenu (« IR ») et avaient couté 4,4 milliards au budget 2010 (contre 38 milliards au total des niches sur l’impôt sur le revenu). Vous pourrez retrouver l’ensemble des niches fiscales réduites sur le site du petit juriste : crédit d’impôt sur les équipements du logement en faveur du développement durable, investissement locatif et productive outre-mer, loi Scellier sur l’investissement locatif…d’une façon générale l’immobilier est le secteur le plus touché par les réductions proposées dans le projet de loi de finances.
Une fois encore, l’avenir promet d’être riche en matière de fiscalité. Il faudra compter sur les principes fondamentaux du droit fiscal pour encadrer ou développer des mesures fiscales adaptées au futur. Plus que jamais, le droit fiscal est une matière ancrée dans l’actualité.
Adrien Chaltiel
NDLR : « à l’heure ou nous mettons sous presse, le débat sur la suppression des niches fiscales est en cours. Les termes du débat auront peut-être été sensiblement modifiés lorsque vous lirez ces lignes ».
Pour en savoir plus
L‘épais maquis des niches fiscales – Samuel Laurent – quotidien Le monde du 9 avril 2010 ;
Niches fiscales : le bon grain et l’ivraie – quotidien Les Echos, 20 mai 2010 ;
Logement, emploi, écologie : le vrai coût des niches fiscales – quotidien Les Echos, 28 mai 2010 ;
Rapports annuels de performances budgétaires pour 2009 ;
29/01/2010 Diminution du montant du plafond global des niches fiscales (article 81) – JCP N Semaine Juridique (édition notariale et immobilière). |
Notes
[1] Précis de fiscalité des entreprises – Maurice Cozian, Florence Deboissy. 2009/2010, 33ème édition, Litec Fiscal
[2] La loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2009 et documents annexés ;
[3] Loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 – JORF n°0302 du 28 décembre 2008 ;
[4] Source : Loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 art. 35, 39 et 59
[5] Source : Loi de finances pour 2010 art. 23, 81 à 84, 86, 87 |