La loi relative au renseignement jugée conforme à la Constitution

Dans sa décision du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel, saisi par 60 députés, a jugé le projet de loi relative au renseignement (adopté le 24 juin 2015) conforme à la Constitution à l’exception de quelques censures. L’occasion de revenir sur les principales dispositions de cette loi.

La loi crée tout d‘abord un livre VIII intitulé « Du renseignement » dans le Code de la sécurité intérieure.

Ce livre s’ouvre par un titre Premier qui énonce les principes et les finalités de la politique publique de renseignement. Ainsi, par exemple, l’article L. 811-1 garantit le respect de la vie privée, notamment le secret des correspondances et l’inviolabilité du domicile, en prévoyant qu’il ne peut y être porté atteinte que dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi, dans le respect du principe de proportionnalité.

Les motifs d’intérêt public justifiant le recueil de renseignements sont limitativement énumérés (notamment sécurité nationale, intérêts essentiels de la politique étrangère, prévention du terrorisme, de la criminalité organisée ou encore des violences collectives pouvant porter gravement atteinte à la paix publique) et ont été validés par le Conseil Constitutionnel.

Le titre II définit la procédure applicable pour recourir aux techniques de recueil du renseignement prévues par la présente loi. Ainsi, L’article L. 821-1 soumet la mise en œuvre de ces  techniques à une autorisation du Premier ministre accordée, sauf urgence absolue après consultation d’une autorité administrative indépendante auquel le titre III de la loi est consacré.

Cette disposition était parmi celles soumises au contrôle de constitutionnalité. Les sages ont ainsi jugé qu’elle ne portait pas d’atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Ils ont en revanche censuré l’hypothèse « d’urgence opérationnelle » qui permettait de déroger à l’autorisation préalable.

Il sera dressé à chaque mise en œuvre du recueil de renseignements, un relevé indiquant la date de début et de fin et la nature des renseignements recueillis.

Ces derniers devront par ailleurs être détruits au bout de douze mois à compter de leur recueil. Cette durée maximale est toutefois réduite à un mois, s’il s’agit d’interceptions de sécurité, ou portée à cinq ans, s’il s’agit de données de connexion. Si les renseignements sont chiffrés, le délai peut être prolongé pour les besoins de leur analyse. Les durées de conservation ont été jugées conformes à la Constitution.

Le titre III de la loi crée la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Elle succède à la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Sa composition a été jugée conforme à la Constitution malgré la saisine des députés qui y voyaient une atteinte à la séparation des pouvoirs. La CNCTR peut être saisie d’une réclamation individuelle tendant à vérifier la régularité de la mise en œuvre d’une technique ou peut aussi agir de sa propre initiative (article L. 833‑3).

Elle publie un rapport d’activité annuel et peut être saisie pour avis par le Premier ministre ainsi que les présidents des assemblées parlementaires et de la délégation parlementaire au renseignement.

Les membres et agents de la CNCTR peuvent pénétrer, aux fins de contrôle, dans les locaux des opérateurs et des prestataires de service. La CNCTR peut recommander l’interruption de la technique de recueil de renseignements et si elle n’est pas suivie, décider de saisir le Conseil d’Etat (article L. 821-6). La commission siège systématiquement en formation plénière en cas de mise en œuvre d’une technique de renseignement à l’encontre d’un membre du Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste, laquelle ne peut intervenir à raison de l’exercice du mandat ou de la profession.

Le titre IV de la loi envisage le contrôle juridictionnel. Il donne tout pouvoir au Conseil d’Etat pour exercer un contrôle juridictionnel renforcé sur la mise en œuvre des techniques de renseignement. En effet, le Conseil constitutionnel a jugé que le recueil de renseignements relève de la seule police administrative et ne peut ainsi avoir d’autre finalité que de préserver l’ordre public et de prévenir les infractions. Il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs.

Le titre V envisage les techniques spéciales de recueil du renseignement dont la mise en œuvre est soumise à autorisation. Il prévoit notamment  l’accès administratif aux données de connexion, la localisation en temps réel un véhicule ou un objet, et des interceptions de communications électroniques, qui succèdent au régime institué par la loi du 10 juillet 1991.

Est autorisé le recours à des appareils enregistrant les paroles ou les images de personnes et les logiciels captant leurs données informatiques. Cette mise en œuvre est limitée à deux mois, en raison du caractère intrusif de cette technique et elle n’est possible que si aucun autre moyen légal n’est possible pour obtenir le renseignement recherché.

 De même, l’introduction dans un véhicule ou un lieu privé pour installer les dispositifs de captation n’est autorisée que si aucun autre moyen légal n’est possible pour obtenir le renseignement recherché.

Le Conseil constitutionnel a en revanche les dispositions relatives aux mesures de surveillance internationale, car le projet de loi ne définissait ni les conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés, ni celles du contrôle par la Commission.

Le code de justice administrative est modifié pour fixer les règles applicables au contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement. Ces dernières relèvent de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d’Etat (article L. 311-4-1).

 La loi précise que les affaires seront examinées par une formation de jugement particulière du Conseil d’Etat, avec possibilité de renvoyer à la section ou à l’assemblée du contentieux les affaires dont l’importance le justifie.

Pour préserver le secret de la défense nationale, des aménagements au caractère contradictoire des débats, à la publicité des audiences et au principe de motivation des décisions peuvent être effectués.

La CNCTR sera informée de toute requête émanant d’un particulier et pourra présenter ses observations.

Le Conseil d’Etat pourra annuler une autorisation jugée irrégulière, ordonner la destruction des renseignements recueillis et  indemniser le requérant. Il peut aviser le procureur de la République lorsque des faits lui semblent susceptibles de constituer une infraction.

Les compétences de « Tracfin » sont renforcées et cette cellule peut recueillir auprès des entreprises de transport ou des opérateurs de voyage et de séjour des données identifiant leurs clients ou concernant les prestations qu’ils leur ont fournies.

La loi modifie le code pénal pour exonérer les agents habilités lorsqu’ils portent atteinte, pour des motifs d’intérêt public limitativement énumérés, à des systèmes d’information situés hors du territoire national.

Deux nouveaux articles concernent la surveillance des détenus, placée sous le contrôle du procureur de la République. Désormais, l’administration pénitentiaire disposera des prérogatives nécessaires à la détection, au brouillage et à l’interruption des correspondances illicites émises ou reçues par les détenus. Elle pourra également utiliser un dispositif permettant de recueillir les données de connexion ou celles relatives à la géolocalisation des équipements utilisés. Les ordinateurs des personnes détenues pourront être contrôlés, y compris en temps réel, pour détecter une connexion illicite.

Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015 – Loi relative au renseignement

 

 

PEREIRA-ENGEL Evane

Elève avocate

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