Face à la pandémie de Covid-19, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen promettait, le 13 mars dernier, une « flexibilité maximale » concernant les aides d’État afin de contrer les problèmes économiques causés par le coronavirus. Cette promesse n’a pas manqué d’être tenue.
La crise inédite actuelle frappe l’économie de diverses manières. Les entreprises font face à des difficultés économiques sans précédent. Certaines, qui étaient parfaitement saines, peinent aujourd’hui à sortir la tête de l’eau. On se doute bien qu’en cette période, l’ensemble des opérateurs économiques subissent les conséquences économiques de la flambée du Covid-19. Les États européens ont manifesté leur volonté de soutenir financièrement leurs entreprises nationales pouvant être touchées par les retombées économiques de la pandémie. Cependant, ces aides octroyées par les États aux entreprises auraient pu, en temps normal, être interdites car qualifiées d’aides d’État.
- La réaction de la Commission européenne par un régime plus souple des aides d’État
L’aide d’État, définie par l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), se caractérise comme étant toute aide accordée par les États au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions au détriment d’autres.
La Commission a adopté, le 19 mars dernier, un encadrement temporaire des mesures d’aides d’État pour soutenir l’économie dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19. Une révision de cette mesure est intervenue le 3 avril 2020. L’encadrement temporaire est fondé sur l’article 107§3 b) du TFUE, selon lequel une aide d’État peut être prononcée compatible avec le marché intérieur « si cette aide est destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre ».
La Commission a donc établi des catégories d’aides temporaires pouvant être autorisées conformément à l’article 107§3 b) du TFUE – elle fixe également les conditions de ces aides : aides sous la forme de subventions directes, d’apports de fonds propres, d’avantages fiscaux et d’avances remboursables ; aides sous la forme de garanties publiques sur les prêts contractés par des entreprises ; aides sous forme de prêts publics bonifiés octroyés aux entreprises avec des taux d’intérêt réduits ; aides sous forme de garanties et de prêts acheminés par les banques ; capacités publiques d’assurance-crédit à l’exportation à court terme.
La modification du 3 avril 2020 est venue ajouter les aides : en soutien à la recherche et au développement (R&D) liés au Covid-19 ; en soutien à la construction et au développement des installations d’essai pour les produits luttant contre le virus ; en soutien à la fabrication des produits/matériels nécessaires pour faire face à la pandémie de coronavirus ; sous forme de reports d’imposition ou de taxation et/ou de suspensions des cotisations de sécurité sociale (cotisations patronales) ; sous la forme de subventions salariales pour les salariés.
En outre, les aides ne peuvent être octroyées qu’à des entreprises qui n’étaient pas en difficulté au 31 décembre 2019. Enfin, elles ne peuvent être octroyées que jusqu’à la fin du mois de décembre 2020.
- Les mesures d’aides prises en France à l’aune de l’encadrement temporaire
« Aujourd’hui à l’échelle européenne, environ 3 200 milliards d’euros de liquidités ont été débloqués en aides d’État » rappelle Margrethe Vestager, la commissaire européenne chargée de la Concurrence, le 19 avril 2020 dans le quotidien l’Opinion.
Et pour cause, le 30 mars dernier, la Commission a autorisé, en vertu de l’encadrement temporaire des aides d’État, le « Fond de solidarité » d’un budget prévisionnel de 1,2 milliards d’euros. Ce fond, mis en place par la France, s’inscrit dans une politique de soutien des opérateurs économiques. En effet, les petites et micro-entreprises ainsi que les travailleurs indépendants sont particulièrement touchés par le contrecoup économique de la pandémie de coronavirus. Le soutien apporté par ce « Fond » consiste en l’octroi de subventions directes afin de permettre aux bénéficiaires de couvrir leurs coûts de fonctionnement. Par une décision du 15 avril 2020, la Commission a autorisé la prolongation et le renforcement du « Fond de solidarité », doté désormais d’un budget prévisionnel de 1,7 milliards d’euros pour mars 2020 et de 2,9 milliards d’euros pour avril 2020.
Mais encore, plus récemment, la France a notifié à la Commission un régime-cadre d’un montant colossal de 7 milliards d’euros. Ce régime-cadre vise à soutenir les petites et moyennes entreprises ainsi que les grandes entreprises touchées par la pandémie de coronavirus sur l’ensemble du territoire français. C’est le 20 avril 2020 que la Commission a estimé que cette mesure prise par la France était conforme aux conditions de l’encadrement temporaire et qu’elle était nécessaire, appropriée et proportionnée pour remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, conformément à l’article 107§3 b) du TFUE.
« Sans solidarité, nous perdrons la bataille contre le coronavirus » a affirmé Janez Lenarcic, le commissaire européen à la Gestion des risques. Les effets socio-économiques de l’épidémie de Covid-19 seront vraisemblablement significatifs. L’aide étatique n’étant qu’un moyen parmi d’autres d’atténuer les effets économiques de l’épidémie, nous constatons que dans l’urgence, elle apparaît comme la solution de premier rang afin d’éviter un bilan « trop désastreux ». On ne peut s’empêcher de s’interroger sur la suffisance de telles aides. Une solidarité et une cohésion entre États membres semblent nécessaires afin d’éponger la dette européenne, les dettes nationales et de surmonter la crise sanitaire.
Késiah Etame Yescot, étudiante en M2 juriste européen des affaires à l’Université Paris Nanterre
Pour aller plus loin :
• Communication de la Commission, Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État, 20 mars 2020 – 2020/C 91 I/01
• Communication de la Commission, Modification de l’encadrement temporaire, 3 avril 2020
• Commission européenne, Communiqué de presse « La Commission autorise un régime français de « Fonds de solidarité » », 30 mars 2020
• Commission européenne, Communiqué de presse « La Commission autorise la prolongation et la modification du « Fonds de solidarité », 15 avril 2020
• Commission européenne, Communiqué de presse « La Commission autorise un régime cadre français d’un montant de 7 milliards d’euros visant à soutenir l’économie durant la pandémie de coronavirus », 20 avril 2020
• Toute l’Europe, Revue de presse « Covid-19 : face à la crise économique, les dirigeants européens à l’épreuve de la solidarité », 20 avril 2020