Nul doute que la déontologie notariale constitue la pierre angulaire de la profession de notaire. En effet, investi d’une mission d’autorité publique et assurant ainsi aux actes leur caractère authentique, le notaire est le garant de la stabilité des relations économiques et sociales.
Déontologie : nom féminin, du grec deon, deontos : devoir et logos : le discours. Ensemble des devoirs inhérents à l’exercice d’une activité professionnelle libérale, et le plus souvent définis par un ordre professionnel.
Telle est la définition que donne le Vocabulaire Juridique développé par Gérard Cornu. Cet ouvrage opère un renvoi aux mots disciplinaire, conscience et honneur. Ces indications sont des indices des composantes de la déontologie. Elles se matérialisent dans des serments (serment d’Hippocrate pour les médecins), dans des chartes (charte de Munich pour les jour- nalistes), des codes (codes de déontologie).
Qu’elle soit imposée ou non par la loi, la déontologie constitue la morale d’une profession. La déontologie est donc fondamentalement liée à un ordre professionnel, et son contenu varie en fonction des différentes professions (juristes, avocats, notaires) mais aussi selon le temps. Voici donc, pour vous éclairer, un panorama de l’état de la déontologie au XXIème siècle chez les juristes, les avocats et les notaires.
Pour maintenir l’unité morale du notariat, il fut nécessaire d’établir des règles strictement définies afin d’assurer la sécurité juridique de la vie contractuelle et de pouvoir conseiller au mieux les personnes physiques ou morales de droit privé et de droit public. Afin de ré- pondre à ces objectifs, le décret relatif aux actes établis par les notaires entrait en vigueur le 26 Novembre 1971.
Ledit décret dispose en son article 26 que « Le conseil supérieur du notariat peut établir, en ce qui concerne les usages de la profession à l’échelon na- tional et les rapports des notaires établis dans des ressorts de cours d’appel différentes, un règlement qui est soumis à l’approbation du garde des sceaux, ministre de la justice. »
Dès lors, le Conseil Supérieur du Notariat pris acte de cette faculté qui lui permettait d’établir un Règlement National ainsi qu’un Règlement National Inter-Cours.
Ainsi, le premier régissait les règles morales et professionnelles qui s’imposaient à tous les notaires; le second traitait des rapports entre notaires résidant dans des cours d’appels de ressort différents. De nombreux décrets vinrent modifier les textes alors en vigueur.
Aujourd’hui, la pratique et la jurisprudence jouent un rôle prépondérant dans l’évolution de la déontologie notariale.
Il a fallu s’adapter à la conjoncture économique actuelle ainsi qu’à l’évolution des mœurs et, surtout, faire face à un climat de méfiance vis-à-vis du pouvoir exécutif, le notaire étant en contact direct avec les citoyens.
Il existe de nombreux principes de déontologie, gage de sécurité juridique contractuelle au bénéfice de chaque partie à un contrat.
Quatre d’entre eux sont primordiaux, et illustrent incontestablement la relation de confiance qui doit s’établir entre le notaire et son client.
LE DEVOIR DE CONSEIL
Celui-ci peut être considéré comme étant l’élément absolu de la pratique notariale. Pour assurer l’efficacité de sa prestation, le notaire garantit ce devoir envers ses clients. Ses limites et son champ d’application sont encadrés par la jurisprudence.
Depuis quelques années, nous assistons à une recrudescence de l’engagement de la responsabilité notariale.
En effet, avant 1995 la Cour de Cassation avait admis que les compétences personnelles du client pouvaient écarter le devoir de conseil du notaire. Aujourd’hui, en raison de son statut d’officier public et de la tendance jurisprudentielle actuelle, le notaire est tenu à des obligations de conseil qui vont bien au-delà d’un simple devoir d’information.
Face à la sévérité des juges de la Haute Cour, la pratique de la profession requiert beaucoup de prudence, eu égard à une clientèle de plus en plus craintive et exigeante.
Aussi, le notaire diligenté par une partie doit agir dans l’intérêt de celle-ci, de la manière la plus impartiale qui soit.
La Cour de Cassation n’hésite pas à l’exprimer de façon non équivoque en énonçant que le notaire ne peut se soumettre à la rédaction d’un acte qui irait à l’encontre « des intérêts d’une cliente occasionnelle pour favoriser des clients habituels » (Cass. 1e civ. 14 février 1950 : Bull. civ. I n° 44). Toutefois, un écart est susceptible de se creuser entre la jurisprudence et la pratique.
En effet, avant d’être un officier public, le notaire est guidé par la nature humaine. Sans entrer dans les extrêmes, il est universellement admis que l’Homme est plus empreint de sollicitude pour certaines personnes que pour d’autres, et cette notion d’impartialité peut parfois paraître comme étant trop idéaliste.
LE RESPECT DU SECRET PROFESSIONNEL
Il s’agit d’un élément qui fait également partie intégrante de la profession. Initialement, ce principe consiste à « refuser de donner communication des actes déposés en son office, sauf aux parties elles-mêmes, leurs héritiers ou ayants droit, ou encore leurs mandataires, ou toute per- sonne autorisée par la loi ou par décision judiciaire, qui auront à justifier de leur identité et de leur qualité « (loi du 25 Ventôse, an XI, article 23).
De plus, cette règle est également illustrée par une impossibilité de rendre public des actes concernant seulement les clients signataires de l’acte.
Aujourd’hui, le sens du terme s’est étendu à toutes les informations intéressant les parties au contrat.
Cependant, il existe des atténuations, comme la demande faite au client par autorisation écrite de divulguer des informations le concernant, permettant au notaire de se décharger d’une éventuelle responsabilité qui pourrait être engagée à son encontre.
L’état du secret professionnel reste constant, et le notaire, avant tout conseiller des familles et des entreprises, reste attaché au désirde protection de la vie privée.
LA TRANSPARENCE DE SA RÉMUNÉRATION
Enfin, le notaire assumant sa mission de service public dans le cadre d’une activité libérale, la profession trouve son essence dans la transparence de sa rémunération.
En effet, elle fait l’objet d’une tarification nationale éta- blie en Conseil d’Etat (décret n° 78-262 du 8 avril 1978 portant fixation du tarif des notaires).
Cependant, il est nécessaire de distinguer les actes tari- fés de ceux qui ne le sont pas. Dans le premier cas, le notaire perçoivent des émoluments, les remises partielles étant alors interdites, sauf si la Chambre dont il relève l’y autorise.
Dans le second cas, les actes non tarifés font l’objet d’honoraires libres selon l’article 4 dudit décret.
Actuellement, la Commission Européenne appelle à réformer les professions réglementées afin de renforcer une éventuelle compétitivité des services. Cette volonté affichée va clairement à l’encontre de la définition de la profession qui est au cœur du système juridique roma- no-germanique. À travers une fausse tentative de relance économique, et une idée sous-jacente de s’inspirer du modèle anglo-saxon, cette réforme affecterait sans aucun doute la sécurité juridique des contrats.
De plus, le modèle du notariat français se diffuse bien au-delà de nos frontières, ce qui démontre qu’il est bel et bien acteur d’une stabilité économique et sociale.
LE DEVOIR D’INVESTIGATION
En sus de ces principes strictement encadrés, le notaire est de plus en plus contraint d’effectuer un devoir d’investigation. La mouvance perpétuelle des textes en vigueur l’oblige à s’adapter quotidiennement pour assurer au mieux la stabilité de la vie économique et sociale dont il est le garant.
La corrélation entre la pratique professionnelle et la tendance législative à une protection accrue des parties (acquéreurs et emprunteurs) n’est, dès lors, pas des plus aisées. Il lui est d’autant plus difficile de faire face à la dilution constante des valeurs et normes sociales tout en conservant l’unité morale de la profession.
Clémence MAUREL