La déductibilité de la TVA liée aux frais de cession/acquisition est une problématique classique que rencontrent les Holdings. La décision rendue le 23 janvier 2015 (n°365520) par le Conseil d’État semble implicitement revenir sur la jurisprudence Air Liquide.
Les acquisitions ne sont pas des activités économiques au regard de la TVA, donc sont hors du champ de la TVA. Quant aux cessions, si elles constituent bien des opérations dans le champ de la TVA, elles en sont exonérées par l’article 13-B-d de la directive TVA.
En conséquence, dans tous les cas, la TVA relative aux frais grevant des acquisitions et des cessions (frais de conseil, frais d’étude de marché etc.) ne devrait pas être déductible car elle a un lien direct soit avec une opération hors du champ, soit avec une opération dans le champ mais exonérée.
Toutefois la jurisprudence admet au cas par cette déductibilité et sous certaines conditions.
Les conditions de déductibilité de la TVA relative aux frais d’acquisition/cession de titres.
S’il existe un lien entre les frais de cession ou d’acquisition d’une part et l’ensemble de l’activité taxable d’autre part, alors les frais doivent être vus comme des dépenses de frais généraux et à ce titre donnent droit à déduction.
La jurisprudence va donc être régulièrement amenée à se positionner sur les cas dans lesquels ces frais doivent être qualifiés de frais généraux (donc ouvrent droit à déduction) ou comme liés à une opération non taxée (donc n’ouvrent pas droit à déduction).
Tout d’abord, il convient de distinguer les frais de cession des frais d’acquisition.
- D’une part, dans le cadre des frais de cession, la décision du Conseil d’État du 23 décembre 2010 (n°307698, Pfizer) distingue deux types de dépenses : les dépenses préparatoires qui vont être présumées des frais généraux (donc déductibles), sauf les cas où ces frais sont intégrés dans le prix de cession (CE, 4 février 2015, n°370525) ou si la cession est patrimoniale ; à l’inverse les dépenses inhérentes à la cession sont présumées frais de cession (donc n’ouvrent pas droit à déduction).
- D’autre part, dans le cadre des frais d’acquisition, la Cour de justice de l’union européenne, le 27 septembre 2001 (C-16/00, Cibo Participations) considère qu’il n’y a plus à distinguer dépenses préparatoires et dépenses inhérentes à la cession. En effet, toute entrée au capital d’une société qui permet de continuer l’activité taxable est une dépense de frais généraux.
Ensuite, il s’agit de déterminer si les dépenses de cession/acquisition doivent être engagées par les filiales qui réalisent l’acquisition/la cession ou si elles peuvent être engagées par la holding au nom du groupe.
Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur ce point dans l’arrêt Air Liquide du 24 juin 2013, n°350588. Dans cette espèce, la société Air Liquide (holding assujetti redevable partiel à la TVA), avait supporté tous les coûts (notamment de frais de conseils et d’étude de marché) en vue de l’acquisition de 11 sociétés cibles et déduit la TVA y afférant. Finalement, ce ne sera pas la holding mais une filiale qui procédera à l’acquisition des cibles et pour uniquement 5 sur les 11 prospectées.
Pour le Conseil d’Etat, la holding peut déduire la TVA grevant les coûts d’acquisition même s’il s’agit d’une filiale qui réalise l’acquisition alors que les dépenses ont été engagées par la holding ; et même si uniquement 5 des 11 cibles prospectées ont été acquises. En effet, puisque la tête de groupe se rémunère au moins en partie en rendant des services à ses filles, le fait qu’une fille développe son activité va donc bien permettre à la tête de groupe de continuer son activité économique taxable. En ce sens, la tête de groupe peut déduire la TVA grevant une opération d’acquisition réalisée par une fille.
Cependant, dans la décision toute récente du 23 janvier 2015, le Conseil d’Etat a semblé implicitement fragiliser la jurisprudence Air Liquide.
Dans l’espèce du 23 janvier 2015, la holding Lagardère SCA (ci-après : « la Mère ») fournit des services à ses filiales sous la forme de concession de marque et perçoit en contrepartie des redevances entrant dans le champ d’application de la TVA. Elle est donc à ce titre redevable partiel. Dans le cadre d’opérations de fusions et d’acquisitions réalisées par le groupe dans les années 2000, la Mère a acquitté des factures relatives à des missions de conseil, confiées à des banques et à des cabinets d’avocats. Jusqu’ici le cas d’espèce est relativement proche de celui d’Air Liquide.
En revanche contrairement à Air Liquide, la Mère a par la suite refacturé ces différents frais à ses filiales, puis déduit la TVA grevant ces opérations.
Le service des impôts ainsi que les juges de première et seconde instance ont contesté cette déduction au motif que les opérations n’étaient pas réalisées par la mère dans le cadre de son exploitation propre mais pour le groupe dans son ensemble. La question de droit est donc la même que dans la jurisprudence Air Liquide et le Conseil d’Etat répond à nouveau par l’affirmative. Ainsi, si la présente décision ne constitue certes pas un revirement flagrant, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un cas dans lequel les services étaient refacturés aux filiales alors qu’ils n’avaient pas besoin de l’être dans Air Liquide.
Nous sommes donc en droit de nous demander s’il s’agit d’un revirement implicite ? En effet, si à l’avenir la holding ne refacture pas les frais d’acquisition à ses filiales, mais supporte les frais au nom du groupe, pourra-t-elle toujours déduire la TVA comme la société Air Liquide avait été autorisée à faire?
Le contentieux sur ce sujet étant très prolixe, le Conseil d’Etat se prononcera certainement très prochainement sur ce point.