La crise des migrants, une nouvelle réalité humaine

Aujourd’hui, apparaît avec force une crise humanitaire qui peut mettre en difficulté le système français d’accueil des réfugiés. Suite aux images des foules qui cherchent secours en Europe et celle du petit Syrien Aylan Kurdi âgé de 3 ans retrouvé mort sur une plage turque, l’occasion semble rêvée pour vérifier l’efficacité du système promulgué le 29 juillet 2015.

L’efficacité du système d’asile exigée

En principe, les Etats souverains possèdent le libre choix d’accorder la protection que procure le droit d’asile. En droit international, la Convention internationale relative au statut des réfugiés dite Convention de Genève (mais aussi la Convention de Bellagio applicable aux évènements survenus après 1951) pose une obligation pesant sur les Etats signataires de protéger les personnes rentrant dans la définition de réfugié.

En effet, l’article 1A de ladite convention définit un réfugié comme la personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

Par ailleurs, la lenteur de la procédure de demande d’asile inquiète depuis des années les politiques français et les défenseurs des libertés. En effet, bon nombre de fois et, suite à des arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’Homme, la France a été condamnée pour non respect de la convention de 1950 au regard des conditions de vie des demandeurs d’asile ou de détention des résidents illégaux.

Pour améliorer son système, par une réforme du Ministère de l’Intérieur promulguée le 29 juillet 2015 (loi n°2015-925 modifiant les règles relatives au droit d’asile) la durée d’étude de la demande d’asile a été raccourcie et repensée. Ainsi, au lieu d’un an voir deux ans d’attente d’une réponse de l’Administration, les demandeurs d’asile auront une réponse sous 9 mois. Un objectif de deux mois d’attente a été envisagé pour la suite. De plus, des aides telles que l’allocation temporaire d’attente et l’allocation mensuelle de subsistance qui s’élèvent à 340 euros par personne jusqu’à 718 euros par famille sont mises en place. Cependant, au vu du grand nombre de demandes et des événements récents le budget de l’Etat dédié à ces aides devra augmenter. 

En effet, dans sa déclaration de rentrée, le président de la République le 7 septembre 2015 a déclaré vouloir que la France accueille d’ici deux ans 24 000 réfugiés et un millier d’urgence. On est amené à penser que le nouveau dispositif mis en place cet été devra faire ses preuves très rapidement.

Les certitudes jurisprudentielles

Parallèlement, est en vigueur depuis le 18 février 2003, un règlement européen dit « Dublin II » qui détermine les critères du pays responsable de l’examen de la demande d’asile. Ce règlement dont la cour veille à l’application peut être dérogé par le pouvoir souverain de l’Etat. Si ce règlement était réellement mis en place, le danger serait que chaque pays européen renverrait aux pays frontaliers de l’Union européenne (comme la Grèce, l’Espagne ou l’Italie) les migrants entrés illégalement. La solidarité prônée comme valeur de l’Union doit aujourd’hui plus que jamais transparaitre. 

Mais depuis un arrêt MSS contre la Grèce et la Belgique de la Cour européenne des droit de l’Homme, ce renvoi peut se faire qu’après analyse des conditions de vie dans le pays responsable de la demande d’asile remettant en cause le principe de confiance mutuelle de l’Union. C’est pourquoi, Michel Sapin, ministre des Finances déclara qu’« en Allemagne, à l’inverse de la France, il y a un manque de main d’œuvre ».  Par conséquent, ce qui prédomine est bien entendu la protection des droits et libertés des personnes même ceux vivant dans l’illégalité temporaire comme les demandeurs d’asile. En effet, les politiques français feront face à des réfugiés prima facie, ce qui veut dire q’ils n’auront pas besoin d’apporter la preuve de leur persécution car il existe déjà une reconnaissance internationale de leur situation.

Cette présomption de persécution est sans équivoque pour les demandeurs d’asile venant de la Syrie, de l’Irak, de l’Erythrée ou encore de l’Afghanistan cependant, pour les migrants venus chercher un espoir économique leurs demandes seront rejetées.

Indirectement une forme de discrimination va apparaître, et par conséquent, entre un Sénégalais et un Syrien, c’est bien le Syrien qui sera privilégié.

Un statut convoité et élargi

Il existe bien des alternatives comme l’asile constitutionnelle du préambule de 1946 et définit dans la Constitution comme la protection d’une personne se battant « en faveur de la liberté ».

De plus, selon l’article L.712-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), la protection subsidiaire permet de protéger les personnes ne rentrant pas dans la définition de réfugié.

En effet, une personne risquant de subir dans son pays des atteintes graves peut bénéficier de cette protection dans trois cas :

  • Une condamnation à la peine de mort ou à l’exécution,
  • En cas de torture ou de traitements inhumains et dégradants,
  • Et de « menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne ou international ». En d’autres termes, les personnes fuyant la guerre.

En principe, le demandeur d’asile doit individualiser ses craintes pour obtenir la protection subsidiaire, mais dès lors que le conflit s’intensifie et devient non discriminatoire, l’individualisation n’est plus requise, c’est ce qui explique que certains syriens bénéficient de cette protection aujourd’hui.

Kelly JOSEPH

Pour en savoir plus :

Vosdroits.service-public.fr -> demande d’asile

LeMonde.fr -> Les décodeurs -> « Migrants » ou « réfugiés » : quelles différences ?

Cour EDH, G.C. 4 novembre 2011 Tarakhel C. Suisse – n° 29217/12

Cour EDH, G.C. 21 janvier 2011, M.S.S c. Belgique et Grèce – n° 30696/09

Site de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) -> Demandeurs d’asile

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