La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : un dispositif introduit originellement en droit anglo-américain
Plus communément dénommé le plaider coupable, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) a été introduite, en droit français, par la loi du 9 mars 2004[1] « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ». Celle-ci trouve son fondement dans un procédé juridique d’origine anglo-saxonne.
Dans ces pays de Common Law que sont les Etats-Unis et le Royaume-Uni, la CRPC constitue un élément fondamental de la procédure pénale. Bien que celle-ci ait été peu codifiée, toute infraction peut faire l’objet d’une reconnaissance préalable de culpabilité, et ce, quelle qu’en soit sa gravité.
Un dispositif adopté initialement aux Etats-Unis
Le plea-bargaining constitue l’équivalent américain de la CRPC. Ce dispositif est apparu, au début du XXième siècle, afin de parer à la carence des tribunaux à traiter de tous les contentieux, devant un jury populaire. Ainsi, moyennant l’aveu de sa culpabilité, l’auteur des faits incriminés négocie, avec le procureur, soit une réduction des charges, soit sa promesse qu’il demandera au juge de faire preuve de clémence lors de son jugement.
S’agissant des caractéristiques de cette procédure, il est possible d’y recourir à tous les stades de la procédure. Même si la reconnaissance de culpabilité se déroule de façon informelle, l’accord obtenu doit être, nécessairement, présenté au juge en audience publique. Le magistrat va procéder à un contrôle, et homologuera, de facto, l’accord susmentionné selon son intime conviction. Force est de constater que, l’étendue du contrôle opéré varie d’un État à l’autre. Il existe, néanmoins, au niveau fédéral, des règles imposant au juge de s’assurer, d’une part, que la reconnaissance de culpabilité soit fondée, et d’autre part, que l’accusé en comprenne toutes les conséquences. En outre, le plea-bargaining impose une transaction. Si celle-ci échoue, lesdits aveux ne sont pas connus du tribunal.
Il convient de mentionner que, ce procédé juridique présente des effets néfastes. De prime abord, le coupable peut ne pas subir la peine réellement encourue, rendant, ipso facto, « la répression effective en apparence »[2]. De surcroît, le plea-bargaining peut inciter des innocents à s’accuser de crimes qu’ils n’ont pas commis, afin de leur éviter d’éventuelles condamnations plus lourdes, rendues à l’issue d’un véritable procès.
Cependant, il serait absurde de dénier reconnaître ses nombreux avantages. En premier lieu, la reconnaissance de culpabilité entraîne une réduction de peine. En second lieu, l’on peut constater une réduction de la durée de la détention entre la commission des faits, et le prononcé de la sanction pénale. En troisième lieu, cette procédure permet à l’accusé d’éviter une audience, ou celui-ci pourrait être condamné à une peine plus importante. En dernier lieu, et en conséquence à n’en pas douter, cela évite au procureur de prendre le risque à ce que ledit procès aboutisse, soit à une peine trop faible, soit à un acquittement.
Le plea-bargaining est utile, car la grande majorité des accusés choisit de plaider coupable, et ce, quelle que soit la gravité du fait qui leur est reproché. Il provoquerait, a priori, « en amont de l’audience l’évacuation de 90% des affaires ». Par ailleurs, il semblerait que « la réduction de peine consécutive d’une reconnaissance de culpabilité devant les juridictions fédérales soit d’environ 30% »[3].
Un dispositif adopté ultérieurement au Royaume-Uni
Qualifié par certains auteurs de guilty-plea, ce procédé juridique a été inscrit dans la loi anglaise, en 1994. Fréquemment utilisé, la jurisprudence est intervenue, en la matière, afin de déterminer des conditions très strictes, quant à l’octroi des réductions de peine. Celle-ci s’est opposée au fait que, le juge indique, au principal intéressé, la peine qu’il envisage, si ce dernier plaide non coupable. Plus précisément, les juges ont considéré, qu’il s’agissait d’une atteinte à la liberté qu’à l’accusé de plaider ou non coupable. En définitive, la finalité d’une telle position jurisprudentielle est d’exclure, ainsi, toute pression sur l’accusé, afin qu’il reconnaisse sa culpabilité.
Adrien CHAZE
Notes
[1] Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, J.O., 10 mars 2004, p. 4567. [2] PEREIRA B., Justice négociée : efficacité répressive et droits de la défense ?, in Dalloz, 2005, p. 2041. [3] PRADEL J., Observations brèves sur une loi à refaire, in Dalloz, 1993, p. 39. |
Pour aller plus loin PAPADOPOULOS I., « Plaider coupable » : La pratique américaine, le texte français, PUF, Paris, 2004.
VERNY É., De la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, in JCP, procédure pénale, 2006, fasc. n° 20, p. 2.
Études de législation comparée, Le plaider coupable, mai 2003, n° LC 122.
http://www.senat.fr/lc/lc122/lc122.pdf
Articles généraux comportant des développements très stimulants : PEREIRA B., Justice négociée : efficacité répressive et droits de la défense ?, in Dalloz, 2005, p. 2041.
PRADEL J., Observations brèves sur une loi à refaire, in Dalloz, 1993, p. 39. |