La citoyenneté européenne entre mythe politique et réalité juridique

 

 


 

Entre le 4 et le 7 juin prochains, nous, citoyens européens, seront appelés aux urnes pour élire nos eurodéputés. A moins d’un mois de ce moment démocratique transnational, il semble opportun de dresser un bilan de la notion de citoyenneté européenne qui, à bien des égards, demeure encore mal connue.

 


 

 

La citoyenneté européenne fut consacrée par le traité de Maastricht et insérée dans le traité instituant la Communauté européenne (TCE) dans son article 17, pour développer un sentiment d’appartenance à l’Union nécessaire à la poursuite du processus d’intégration tel qu’initié par les traités communautaires. Dans cet esprit, le statut de citoyen européen était censé matérialiser l’émergence d’une communauté politique européenne cohérente. Dix-sept ans plus tard, les résultats de cette entreprise ne sont guère concluant alors que, paradoxalement, la citoyenne européenne est une réalité juridique, « le statut fondamental des ressortissants des Etats membres »1. Tout le paradoxe de la citoyenneté européenne réside ainsi dans le décalage évident entre son inopérance politique (I) et son effectivité juridique (II).

 

I L’insuffisance de la citoyenneté européenne comme instrument de cohésion des peuples européens

 

En tant qu’instrument fédératif des peuples européens, la citoyenneté européenne souffre de deux limites : sa nature et son faible contenu.

 

Contrairement à la citoyenneté nationale, la citoyenneté européenne ne traduit aucun lien d’appartenance à une nation européenne. Au contraire, celle-ci est une citoyenneté dérivée de la citoyenneté nationale puisque « est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre »2 et une citoyenneté complémentaire qui « complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas »3.

 

L’insuffisance de la citoyenneté européenne procède également de sa faible densité. Le patrimoine juridique du citoyen européen est strictement circonscrit à un droit de circulation et de séjour sur le territoire des Etats membres4, à un droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et européennes5, à la possibilité de bénéficier de la protection diplomatique et consulaire d’un État membre sur le territoire d’un État tiers où l’État dont le citoyen est ressortissant n’est pas représenté6, et à un droit de pétition et de saisine du Médiateur européen7.

 

Ces droits ne sont valables que dans le champ d’application du droit communautaire, autrement dit, dans le cadre des déplacements du citoyen européen sur le territoire communautaire et de ses relations avec les Etats membres et les institutions communautaires. En outre, ces droits ne connaissent aucune contrepartie en termes d’obligation.

Insatisfaisante en tant qu’instrument d’unification du corps social européen, la citoyenneté européenne est pourtant une réalité juridique dont l’effectivité ne cesse de s’affirmer.

 

 

 

 

II L’effectivité juridique de la citoyenneté européenne, « statut fondamental du ressortissant communautaire »

 

La reconnaissance de l’effet direct de principe du droit communautaire8 a érigé les ressortissants des Etats membres au rang de sujets de droit de l’ordre juridique communautaire. Avec la citoyenneté européenne, une nouvelle étape est franchie ; le ressortissant communautaire voit son patrimoine juridique complété par des droits nouveaux qui débordent la sphère économique.

 

Bénéficiant d’une garantie juridictionnelle, ces droits ont acquis une effectivité considérable, notamment le droit de séjour et de circulation. Appliqué par la Cour en combinaison avec le principe d’égalité de traitement consacré à l’article 12 TCE, celui-ci a permis une extension du champ d’application du droit communautaire à des domaines y échappant a priori9 et a corrélativement imposé de nouvelles obligations à la charge des Etats membres. Le point d’orgue de ce processus est le développement jurisprudentiel de droits sociaux attachés à la citoyenneté européenne10.

 

 

Aurélie Paricio


 

Notes

    [1] CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C-184/99, rec., p. 06193.

    [2] Article 17 TCE.

    [3] Ibid,.

    [4] Article 18 TCE.

    [5] Article 19 TCE.

    [6] Article 20 TCE.

    [7] Article 21 TCE.

    [8] Voir CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, rec., p. 3.

    [9] La Cour a reconnu le droit pour les enfants disposant de la double nationalité de l’Etat de résidence et d’un autre Etat membre d’avoir un nom patronymique conforme à la tradition et au droit de ce second Etat (CJCE, 2 octobre 2003, Garcia Avello, aff. C-148/02, rec., p. 1613).

    [10] A propos d’une allocation d’éducation, voir CJCE, 12 mai 1998, Martinez Sala, C-85/96, rec., 2691 ; à propos d’une allocation garantissant un minimum de moyens d’existence, voir CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, préc. ; à propos de l’attribution d’une aide aux étudiants, voir CJCE, 15 mars 2005, Bidar, aff. C-209/03 et enfin, plus récemment voir, à propos d’une aide à la formation, CJCE, 23 octobre 2007, Morgan, aff. C-11/06, rec., p. 09161.

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