La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’est pas assimilable à la Convention Européenne des Droits de l’Homme. C’est là un constat qui s ‘impose d’emblée. En effet, même si en 2000, il avait alors été jugé nécessaire de combler le déficit démocratique affectant l’Union Européenne sur ce point précis, cela en rédigeant un texte consacrant les principaux droits fondamentaux garantis en son sein, force est de constater que les conditions de mise en œuvre de ce qui deviendra « la Charte » relativisent quelque peu les aspirations « humanistes » originelles.
La seule lecture des ordonnances rendues par la C.J.U.E. le 17 juillet 2014 (« Milika Siroka » aff. C-459/13 et « Levent Redzheb Yumer » aff C-505/13) par lesquelles, la Cour a, une nouvelle fois, rappelé les conditions d’application de la Charte suffiront, s’il en était besoin, à s’en persuader.
Dans un premier temps, la Cour réitère les termes de l’article 51§1 de ce texte lequel s’adresse en effet non seulement aux « institutions et organes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité », mais aussi aux « Etats membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union », et c’est précisément le second destinataire de cet article qui la retient ici.
Depuis le 26 février 2013 ( « Akerberg Fransson » aff. C-617-10), La C.J.U.E. livre en effet de cette disposition une interprétation relativement extensive. C’est que « mise en œuvre du droit de l’Union » doit être entendue non seulement de façon stricte comme exigeant la présence d’un acte national de transposition communautaire, mais encore et en l’absence précisément d’un tel acte, comme nécessitant simplement que l’acte national concerné relève du champ d’application du droit de l’Union. Cela étant, dans les deux cas, encore faut-il qu’une disposition communautaire « tutrice » puisse être invoquée pour que la Charte des droits fondamentaux puisse concrètement s’appliquer.
Ainsi, dans la première ordonnance, concernant une obligation nationale de vaccination imposée par une loi Slovaque, la Cour a estimé que l’article 168 TFUE n’imposait pas d’obligation à la charge des Etats membres. Et, dans la seconde affaire, relative à une réduction d’impôts autorisés par la loi Bulgare sur les revenus des agriculteurs, elle a estimé que l’article 2 TUE ne s’appliquait nullement au cas d’espèce. Dans les deux cas, la Cour a donc décliné sa compétence faute de fondements juridiques conventionnels avérés.
La précision est importante car la Cour rappelle que « les dispositions de la Charte ne sauraient à elles seules, fonder la compétence de l’Union ». C’est dire que l’invocation exclusive de la Charte ne permet ni d’établir ni de justifier son application corrélative. Encore faut-il établir un lien manifeste entre un article de la Charte et une disposition conventionnelle tirée du droit originaire et/ou dérivé.
Si une telle limitation des conditions d’application de ce texte se fait en réalité l’écho des craintes réitératives des Etats membres quant à une extension des compétences de l’Union à leur détriment, force est cependant de constater que celle-ci joue aujourd’hui au détriment d’une protection optimale des droits fondamentaux au sein de l’ Union. Mais, dès lors, comment envisager que la Charte puisse avoir un jour un impact significatif sur les Etats alors que ceux ci se voient ainsi offrir par la Cour la possibilité d’y déroger ?
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Cécile BRIONES