A quelques semaines de la fin de son mandat, Madame Christiane Féral-Schuhl Bâtonnier du Barreau de Paris a accepté de rencontrer Le Petit Juriste afin de faire le bilan de cette année riche en projet. Création de l’école du barreau entrepreneurial, rayonnement international du Barreau et discussions sur l’avenir de la profession, Madame le Bâtonnier nous offre un extrait de ce qui fut une année très mouvementée.
A Paris, le 13 novembre 2013
Durant votre mandat vous avez créé un barreau entrepreneurial, en quoi cela consiste exactement ?
Le barreau entrepreneurial intègre ce qu’on a appelé l’école du barreau entrepreneurial. L’objectif ici est d’accompagner les jeunes installés, dans leur démarche libérale. S’installer ne s’improvise pas, il y a un certain nombre de démarches à faire et aujourd’hui même en micro- structure il faut être un entrepreneur. De plus, nous pensons que le lien inter- générationnel doit s’établir à travers le temps, entre ceux qui sont en train de sortir de la profession et ceux qui entrent dans la profession.
Vous savez dans un cabinet c’est quand même très difficile de se renseigner auprès d’un autre collaborateur. Vous êtes forcément en concurrence pour devenir associé. Donc on regroupe ces informations à droite à gauche pour les mettre à disposition des jeunes avocats. L’idée là c’est vraiment de pouvoir se dire « j’ai un projet d’association, quelles sont les bonnes questions à se poser ? » et d’obtenir auprès du Barreau Entrepreneurial les bonnes réponses.
Aujourd’hui les résultats d’admissibilité à l’école du Barreau sont tombés, néanmoins, on discute beaucoup de la recrudescence du nombre d’avocat ces derniers temps, savez-vous si des restrictions vont avoir lieu ? Le rapport est sorti aujourd’hui.
Nous avons étudié un rapport hier au Conseil de l’Ordre, rapport qui a mis très longtemps à sortir puisqu’il nous aura fallu presque 14 mois pour pouvoir le consolider.
Ce rapport est intéressant parce qu’il donne une bonne image du nombre de personnes qui rentrent dans la profession et du nombre de personne qui sortent. On n’a pas analysé dans ce rapport les raisons du départ. Nous savons, nous, qu’une raison du départ est liée aux difficultés que peuvent rencontrer les jeunes dans la profession. Il y a toujours plusieurs cause, il y a ceux qui se sont trompés, en étant confronté à une dimension stress, charge de travail qui les fait partir. Souvent des femmes qui trouvent que la conciliation vie privée/vie professionnelle est trop compliquée.
Lors de ma prise de fonction au Bâtonnat j’avais pour ambition de rendre compte de la situation du Barreau de Paris. A Paris, nous sommes 26 000 avocats, ce qui n’est pas loin de la moitié des avocats de France ! On s’est alors demandé s’il fallait ouvrir la profession, c’est- à- dire est- ce qu’aujourd’hui nos avocats s’orientent d’avantage vers un travail en entreprise, vers des métiers encore plus diversifiés ? Ce constat pourrait nous amener à réfléchir sur un concours permettant d’exercer une série de métier divers un peu comme sur le modèle allemand. Ou bien est- ce que nous voulons être plus sélectif à l’entrée ? Dans ce cas là, il faudrait mettre en place un concours, pour une mise en adéquation des pratiques universitaires et des attentes professionnelles. Aujourd’hui il y a beaucoup de jeunes dans la profession qui après quelques années d’exercice reviennent vers moi en disant « vous nous avez laissé rentrer dans la profession, donc maintenant qu’est-ce que vous faites pour nous ? ». C’est à ce titre et en tant qu’élue que j’ai une responsabilité d’alerter sur ce problème. Je n’ai peut-être pas la bonne réponse, mais je demande à ce qu’on réfléchisse sur l’ensemble de ces dossiers.
Il y a par exemple, beaucoup de gens qui rentrent dans la profession, qui se sont trompés d’orientation. Est-ce qu’il n’y a pas un travail à faire en amont, est-ce qu’il n’y a pas une sélection à faire beaucoup plus tôt ? Mais il n’a jamais été question de limiter le nombre de places, il y a juste à dire : attention on est en train de partir dans une direction qui peut vite devenir dangereuse.
Il s’agit de ne pas créer de désillusions. Il s’agit d’une très belle profession dans lequel beaucoup trop de personnes s’égarent.
Il faut qu’on arrive à travailler avec les Universités pour mieux orienter les jeunes plus tôt, il y a plein de nouveaux métiers où les places sont extrêmement nombreuses.
Par rapport au rayonnement du barreau de Paris, on voudrait savoir comment ce rayonnement s’est étendu grâce à votre action et quelles seront les futures retombées pour le Barreau de Paris ?
Il y a tout d’abord le rayonnement traditionnel du barreau de paris, notamment par les actions relatives aux droits de l’Homme. Le Barreau de Paris est un barreau Lumières, il s’est toujours mobilisé dès qu’une violation des droits de l’homme est constatée à travers le monde.
Sous mon bâtonnat les actions les plus marquantes ont été :
– le déplacement en Tunisie au moment de l’assassinat de Chokri Belaid, pour être aux côtés de nos confrères dans l’hommage qui lui a été rendu.
– L’invitation des témoins en provenance du Sud Caucase ainsi que le recueil de témoignages, pour faire avancer un observatoire qui a pour objectif de mesurer les développements de toute cette région en matière de Droits de l’Homme, par rapport à la CESDH.
– Le 8 mars 2013 un hommage rendu à 5 femmes qui sont venues de différents pays et qui sont investies dans la défense des droits de l’homme. Le message de cette journée était que les avocates portent aussi la défense des Droits de l’Homme. A cette occasion nous avons accueilli Shrin Ebadi, prix Nobel de la paix, ancienne Magistrate qui s’est reconvertie pour porter la défense. Nous avons également accueilli Valdenia Paulino, une brésilienne qui au péril de sa vie défend les jeunes filles qui sont prises dans les réseaux de prostitution. Alba Cruz, très investie dans la défense des femmes. Karina Moskalenko qui a fait condamné la Russie plus de 60 fois pour violation des Droits de l’Homme. Et Christina Swarns qui a fait sortir du couloir de la mort de nombreux condamnés aux États- Unis.
Il y a également eu la remise de la médaille du barreau de Paris à Malala. On a été les premiers à lui remettre une médaille le 8 mars 2013.
Ensuite il y a l’action du rayonnement international et j’ai souhaité apporter une approche un petit peu différente. Il m’a semblé qu’une opération qui pourrait être marquante dans les esprits pourrait être de créer un campus international qui tourne à travers le monde dans différentes régions et qui aurait trois objectifs :
– le premier c’est en partenariat avec l’association Henri CAPITANT de discuter sur des thématiques de droit comparé intéressant le pays d’accueil.
– Le deuxième objectif est de permettre aux avocats du Barreau de Paris de rencontrer leurs alter egos déjà installés dans la région pour pouvoir s’installer, amorcer une installation.
– Et troisièmement, accompagner des entreprises françaises, et c’est la raison pour laquelle nous nous sommes adossé au forum des affaires UBIFRANCE.
L’une de mes grandes satisfactions c’est de savoir qu’il va y avoir un prolongement puisque mes successeurs ont décidé de poursuivre, en déployant le campus et envisagent d’en faire plusieurs. Le prochain est prévu au Cambodge en février 2014, et il y a déjà 60 inscrits.
Toujours dans le rayonnement et le déploiement, l’autre initiative que j’ai souhaité prendre c’est de faire des déplacements ciblés. En petite délégation de trois/ quatre personnes nous sommes allés à Londres, New-York, Varsovie, Beyrouth, Montréal, Hanoi. Chaque fois l’opération consistait à nouer des relations étroites. Ceci nous a permis d’avoir toute une série de rendez-vous localement et de mieux établir des liens de partenariats.
Un dernier mot pour les futurs admis à l’EFB ?
L’avenir vous appartient, vous êtes sur le point d’entrer dans une profession attractive dans laquelle vous pourrez exprimer pleinement vos talents !