Formation :
- DEUG à l’université du Maine.
- Année en ERASMUS à l’université de Saint-Jacques de Compostelle.
- Maîtrise en droit des affaires.
- DEA en droit communautaire à l’université Rennes I.
- Doctorat en Droit à l’université Rennes I (thèse sur l’anti-dumping).
- Stage puis VIE dans le cabinet GIDE à Bruxelles.
- Obtention du CAPA.
Carrière :
- Consultant dans l’équipe « trade » (commerce international) chez GIDE
- Référendaire au Tribunal de l’Union européenne
Le Petit Juriste : Vous avez débuté votre carrière comme consultant en Trade à Bruxelles. En quoi cela consiste-t-il ?
Alexandre Thillier : J’ai effectivement travaillé six ans au sein du cabinet GIDE comme consultant dans l’équipe commerce international. Mon activité était centrée sur la politique commerciale de l’Union européenne. Globalement, cela consiste à représenter les intérêts des entreprises ou des États dans le cadre des relations commerciales que l’Union européenne entretient avec les pays tiers. Le cas récent et médiatique de la Chine et de ses importations massives de panneaux solaires, qui a abouti à l’imposition de droits de douane supplémentaires à l’importation dans l’Union européenne, illustre bien cette activité. En pratique, la mise en œuvre des instruments de défense commerciale débute le plus souvent par le dépôt d’une plainte auprès de la Commission européenne. Nous assistions donc nos clients depuis le début de la procédure jusqu’à la fin de celle-ci et l’imposition éventuelle de droits de douane supplémentaires à la frontière. Ces procédures ne sont pas contentieuses mais elles peuvent le devenir par l’introduction d’un recours contre la Commission européenne (qui décide d’imposer – ou pas – des droits de douane supplémentaires) devant le Tribunal de l’Union européenne.
LPJ : En tant qu’enseignant dans des masters de droit européen, quelles sont les études qui vous semblent les plus utiles pour travailler dans le domaine du droit de l’Union européenne ?
AL : Je recommanderais un master en droit de l’Union européenne pour s’imprégner des mécanismes de base. Il faut notamment choisir son Université en fonction des enseignants-chercheurs qui sont impliqués dans ces masters. A Rennes I, par exemple, le master est particulièrement reconnu pour l’enseignement des « relations extérieures » de l’Union européenne. Il s’appuie également sur un Centre d’Excellence Jean Monnet. L’Université de Strasbourg est aussi reconnue par la qualité de ses enseignements et sa proximité avec les institutions européennes (le Parlement). Les masters de Paris I et Paris II ont comme atout la richesse des diplômes et des enseignements mais je pourrais aussi citer les Universités d’Aix-en-Provence et de Bordeaux. Les étudiants doivent avoir conscience que les Universités françaises proposent de très bonnes formations en droit de l’Union européenne.
Ce qui pourrait aussi avoir un intérêt pour un étudiant serait de coupler deux formations : débuter avec une formation générale et se spécialiser par la suite. Par exemple, un étudiant peut effectuer un master I en droit de l’Union européenne et s’orienter par la suite vers un master II plus spécialisé, par exemple en droit européen des affaires.
LPJ : Quels sont les sujets de mémoire qui doivent être privilégiés ?
AL : Un sujet de mémoire est utile lorsque l’étudiant peut le valoriser dans sa carrière professionnelle (au moins au début de celle-ci). Il faut d’abord se renseigner sur l’actualité au niveau européen et se poser la question de savoir quels sont les sujets « porteurs ». Par ailleurs, un mémoire étant l’occasion de faire des recherches, il faut (idéalement) que le sujet permette d’explorer de nouvelles questions. Enfin, et ce point est important, il faut que le sujet intéresse l’étudiant. C’est la clé de sa motivation.
Dès que le choix est fait, il faudra réaliser un travail de qualité. Certains recruteurs peuvent porter un intérêt au mémoire et en demander une copie. En master II notamment, le choix du mémoire peut déterminer en partie la carrière de l’étudiant et sa spécialisation (en particulier dans l’optique d’une thèse). Il est important que ce choix soit judicieux et réfléchi assez tôt pour ne pas se tromper.
Aujourd’hui, au niveau européen les problématiques sont diverses. On peut notamment évoquer la lutte contre le terrorisme, l’énergie, les transports, les services financiers et les télécommunications. En général, les secteurs dits « réglementés » sont assez porteurs.
Pour ma part, par exemple, ma thèse portait sur l’anti-dumping et j’ai travaillé quotidiennement six ans sur ce sujet et j’enseigne encore cette matière à l’Université. Le choix d’un mémoire ne peut pas être négligé !
LPJ : Quels seraient les conseils que vous donneriez à des étudiants qui souhaitent postuler à des stages qui touchent au droit de l’Union européenne ?
AL : Aujourd’hui les stages sont fondamentaux. Je le remarque par la durée des stages qui augmente puisqu’en moyenne les étudiants font un, voire deux ans de stages dans diverses structures. C’est pour cela qu’il faut prévoir où l’on veut faire son stage puisque, comme pour le mémoire, cela peut avoir une influence sur une carrière. Lorsque les étudiants ont des idées assez claires sur leurs souhaits de stage, il faut qu’ils aillent à la rencontre des personnes concernées et ne pas hésiter à faire des demandes spontanées (sans être trop pressants néanmoins). Ils peuvent aussi demander des conseils à des professionnels et se fixer un objectif à atteindre.
Plus précisément, pour obtenir un stage à la Commission européenne il existe des étapes. Une des plus importantes est celle de la pré-sélection qui permet d’être inscrit sur le « Blue Book » (livre bleu). Une fois cette pré-sélection passée, l’étudiant devra « démarcher » les diverses Directions Générales de la Commission en fonction, notamment des souhaits indiqués au départ. Une fois encore, l’option choisie au départ est importante et l’étudiant pourra essayer de mettre en cohérence son sujet de mémoire, ses autres stages et son stage à la Commission européenne. Plus un parcours est cohérent, plus un recruteur sera susceptible d’être intéressé.
LPJ : Comment faire en sorte que le droit de l’Union européenne soit promu en France ?
AL : La difficulté avec le droit de l’Union européenne est sa proximité tant avec le droit public qu’avec le droit privé. Il est difficile d’appréhender concrètement ce que recouvre ce droit et, notamment, les débouchés qui s’offrent aux étudiants. Il faudrait expliquer davantage quels sont les métiers du droit de l’Union européenne et les intérêts de travailler dans un milieu multiculturel (ce qui est le cas notamment à Bruxelles). Bien sûr, lorsque l’on évoque les métiers de l’Union européenne, on pense aux institutions européennes à Bruxelles. Il existe toutefois d’autres métiers. Par exemple, de nombreux postes s’ouvrent dans les agences décentralisées. Dans ces agences, les postes à pourvoir sont le plus souvent contractuels et ne nécessitent pas de passer un concours.
Il faut aussi que les étudiants sachent que le droit de l’Union européenne s’exerce notamment en tant qu’avocat. Il y a beaucoup de cabinets (entre autres français) qui sont implantés à Bruxelles et qui recherchent des collaborateurs spécialisés en droit de l’Union européenne. D’autres cabinets ont des départements spécifiques dans les capitales (comme à Paris).
LPJ : Quels seraient les moyens pour « démocratiser » le droit de l’Union européenne ?
AL : Pour démocratiser le droit de l’Union européenne il faudrait créer davantage de lieux de réflexion publique. Par exemple, l’Université de Rennes I organise les « Rendez-vous d’Europe », qui offrent des conférences gratuites de professionnels ou d’universitaires sur des sujets déterminés. Ainsi, en 2015, six conférences ont été organisées autour du thème de « l’Europe sociale ».
Les opinions exprimées dans cet entretien le sont à titre personnel.
Propos recueillis par Inès Rodriguez