Le 17 mai dernier le juge des référés était confronté en urgence à la question épineuse de savoir si l’interdiction de séjour de dix individus constituait une atteinte manifeste à leur liberté d’aller et venir.
Dernièrement, les manifestations contre le projet de loi travail se sont poursuivies dans la capitale. Alors que nous sommes encore en état d’urgence, il était impératif pour les autorités de limiter les risques.
Dès lors, dix arrêtés avaient été pris par le préfet de police de Paris le 14 mai 2016 afin d’interdire à des militants de séjourner dans des arrondissements où les rassemblements avaient lieu. Cela revenait à restreindre leur liberté d’aller et venir, mais aussi, indirectement, leur liberté de manifester lors de la grève annoncée du 17 mai.
Pour y parvenir, le préfet s’est fondé sur l’article 5 de la loi établissant l’état d’urgence du 3 avril 1955, dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2015 qui dispose que « la déclaration de l’état d’urgence donne pouvoir au préfet : (3°) D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics ». Ainsi, ce texte permet au préfet de porter atteinte à la liberté d’aller et venir. Pour cela il est nécessaire que l’entrave à l’action des pouvoirs publics soit constatée. Mais comment définir une telle entrave ? C’est de cette question que le juge des référés a été saisi.
Les précisions du juge des référés sur l’entrave à l’action des pouvoirs publics.
Dans cette affaire la preuve apportée par le préfet, sur la base de notes blanches, établissait la présence des requérants lors des précédentes manifestations, lesquelles ont généré des troubles. Ainsi, il semblerait que la seule présence de ces personnes constitue une entrave à l’action des pouvoirs publics.
Le juge des référés n’a pas suivi ce raisonnement. En jugeant que « le préfet de police ne produit aucun élément permettant de retenir que M.X a personnellement participé à ces dégradations et violences », il constate une atteinte illégale.
Le juge ne remet pas en cause l’utilisation des notes blanches ici, il précise que la seule participation aux événements ne suffit pas à constituer une entrave à l’action des pouvoirs publics mais qu’il faut nécessairement rapporter les éléments d’une participation personnelle aux précédents troubles. Cela a le mérite d’être clair car sans ces éléments d’individualisation, l’atteinte serait manifestement illégale. Ainsi, le juge a pu suspendre neuf des dix arrêtés.
Un seul arrêté a été maintenu
Pour le juge des référés, les autorités avaient rapporté la preuve d’une participation personnelle aux dégradations et troubles lors des dernières manifestations, celle du 30 janvier 2016 entre autres, car le requérant « a été identifié comme étant un des auteurs de violences volontaires à l’encontre de deux militaires ».
De plus, le fait de ne pas avoir été interpellé, mais seulement « identifié », n’a pas d’incidence puisque la participation personnelle était rapportée. Ainsi, il n’y a aucune atteinte manifeste.
A la lumière de ces ordonnances il faut avoir à l’esprit que les juges sont davantage vigilants concernant les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et sur la base de notes blanches. De telles dispositions ne peuvent servir de support à des atteintes trop manifestes aux libertés. Ainsi, le juge des référés a précisé la teneur de l’article 5 de la loi établissant l’état d’urgence.
Éléonore Arrial
En savoir plus :
> Ordonnances : n° 1607412, n° 1607416, n°1607418
> Site : www.paris.tribunal-administratif.fr – Actualités du Tribunal – Accès aux jugements – Arrêtés d’interdiction de séjour