La Côte d’Ivoire fait malheureusement l’actualité depuis novembre dernier. Fortement relayées par la presse internationale, les péripéties constitutionnelles du pays font l’objet d’indignations de tout bord. L’ONU notamment, prend parti pour l’un des protagonistes. La Côte d’Ivoire est pourtant un Etat, indépendant et maître de son territoire. Que penser de l’attitude interventionniste de la communauté internationale ?
Devant l’abondance de protestations et d’affabulations de toutes sortes, l’étude juridique d’un tel cas se doit de commencer par une remise en ordre claire et précise des faits et de leur chronologie.
I. Les faits
Dimanche 28 novembre 2010 se déroule le deuxième tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Le président sortant, M. Gbagbo, est opposé à M. Ouattara. Le scrutin est surveillé par une Commission Electorale Ivoirienne qui doit également en prononcer les résultats. Le jeudi 2 décembre, la CEI se réfugie, après des difficultés la veille pour prononcer les résultats, au QG de campagne de M. Ouattara pour indiquer que ce dernier a remporté l’élection avec 54% des suffrages. Mais le président sortant décide de ne pas quitter le pouvoir.
II. Eléments juridiques nationaux
Selon le code électoral de la Côte d’Ivoire, c’est à la CEI de surveiller le scrutin et d’en proclamer les résultats. Si, sous trois jours après la fin de l’élection, elle n’est pas en mesure de se prononcer, l’article 38 de la Constitution prévoit que la CEI puisse saisir le Conseil constitutionnel.
Mais le Conseil n’a pas attendu la saisine de la CEI, et s’est immédiatement prononcé pour la victoire de M. Gbagbo avec 51% des suffrages.
La question de la légitimité est ici pratiquement insoluble. Les opposants à M. Gbagbo arguent que le Conseil constitutionnel lui est entièrement acquis. Les opposants à M. Ouattara quant à eux, indiquent que la CEI est composée de membres proches de ce dernier.
Par dessus cette situation déjà extrêmement délicate se greffe une pression internationale constante.
III. Eléments juridiques internationaux
Le 3 décembre 2010, M. Ban Ki-Moon, Secrétaire général de l’ONU, « félicite M. Alassane Ouattara […] pour son élection et invite le président élu à œuvrer pour une paix durable, la stabilité et la réconciliation en Côte d’Ivoire ». Il « invite également le Président Laurent Gbagbo à jouer son rôle pour le bien du pays et à coopérer en vue d’une transition politique sans heurts en Côte d’Ivoire ». Depuis, une escalade de violence a été franchie : assassinats politiques, disparitions, attaques de convois de casques bleus… Et tandis que, le 14 janvier, l’ONU relève « les signes précurseurs d’un génocide », l’Union Européenne gèle les avoirs du clan Gbagbo après les avoir privé de visas européens.
La question est de savoir si l’ONU ou l’UE, mais aussi les Etats individuellement, ne provoquent pas une ingérence en prenant fait et cause pour l’un ou l’autre des protagonistes. L’article 2§7 de la Charte des Nations Unies dispose qu’ « Aucune disposition de la présente Charte n’autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État ni n’oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte », sauf bien sur, application des sanctions classiques du Chapitre VII. De même, un arrêt de la CIJ consacre le principe coutumier de non ingérence dans les affaires ressortissant de la compétence nationale d’un Etat (« Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », 27 juin 1986).
Si normalement, une ingérence suppose l’emploi de moyens matériels, elle peut prendre la forme d’une prise de position ou d’une invitation à suivre tel ou tel comportement. Elle est notamment jugée illicite dans des cas extrêmes (privation d’un droit par exemple).
Selon les canons du droit international, il n’y a aucun doute : l’affaire du deuxième tour des élections en Côte d’Ivoire et une affaire de droit national uniquement. Les interventions répétées de l’ONU et des autres membres de la communauté internationale constituent des ingérences, pour l’instant limitées, mais qui, avec l’attitude de l’Union Européenne, commencent à devenir sérieuses (mais ne concernent pas pour l’instant l’Etat ivoirien lui-même).
C’est ici que l’on remarque la fragilité du droit international. Car ici, d’autres concepts évanescents entrent en concurrence avec le principe de non-ingérence. Non seulement, l’idée d’opération de maintien de la paix (l’Opération des Nations-Unies en Côte d’Ivoire fonctionne depuis 2004), mais aussi, le droit d’ingérence humanitaire, selon lequel l’ONU se devrait d’intervenir dans certaines situations relevant pourtant du droit national.
Antoine Faye
L’UE gèle les avoirs du clan Gbagbo
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