Civ 1re, 16 mars 2016, n°15-13745, publié au Bulletin
Demeuré longtemps le parent pauvre de la jurisprudence, le droit des personnes hospitalisées sans leur consentement connaît, depuis quelques années, une certaine prégnance au nombre des sujets délicats qui bouleversent la conception classique des libertés individuelles en France. Cet arrêt, assez peu remarqué, participe au mouvement de la protection effective des droits des malades hospitalisés sous contrainte.
Les faits de l’espèce sont, somme toute, assez classiques : une personne sous curatelle fait l’objet d’une hospitalisation complète à la demande d’un tiers en vertu des dispositions de l’article L.3211-12-1 du code de la santé publique.
Afin d’effectuer le contrôle à douze jours, le directeur de l’établissement psychiatrique, qui souhaitait le maintien de la mesure, saisit le juge des libertés et de la détention ainsi que le prévoit l’article L.3211-12-1 du même code. Au cours des débats, la demanderesse fait valoir l’exception de nullité tirée de la convocation tardive de sa curatrice et du tiers demandeur à la mesure.
Un premier président de cour d’appel, qui devait alors se prononcer sur le recours exercé contre l’ordonnance du premier juge, rejette le moyen de nullité s’appuyant sur l’absence d’atteinte aux droits de la défense. Selon les motifs retenus par l’ordonnance confirmative déférée au juge de cassation, la curatrice et le tiers demandeur avaient certes été avisés tardivement, mais la demanderesse, quant à elle, avait été convoquée dans un délai raisonnable lui permettant ainsi d’être assistée par un avocat de telle sorte qu’aucun grief ne pouvait être relevé.
La cassation totale est prononcée au visa des articles 468 du Code civil, R. 3211-11 et R. 3211-13 du Code de la santé publique, ensemble les articles 117 et 118 du Code de procédure civile. Les juges du quai de l’Horloge se prononcent en des termes on ne peut plus limpides : la convocation tardive du curateur équivaut à une absence de convocation constitutive d’une irrégularité de fond.
La solution retenue par la Première Chambre civile appelle plusieurs séries de remarques. D’abord, la sanction du défaut de convocation n’est pas nouvelle si l’on met en relief cette procédure avec les règles applicables au droit commun de l’action en justice. Pour cause, on sait que par principe, la personne faisant l’objet d’une mesure de curatelle est frappée d’une incapacité d’exercice. Aussi, ne pouvant exercer seul ses droits, le majeur protégé doit être assisté de son curateur aussi bien dans le cadre de l’introduction de l’action que dans le cadre de sa défense (C.civ., art. 468, al 3 et 469,al.1er), le curateur ne pouvant par ailleurs se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom (Cass. com., 12 juill. 2011, n° 10-16.873: JurisData n° 2011-014343). Or, le couperet procédural en ce domaine réside dans l’irrégularité de fond qui affecte l’entière procédure (C.proc.civ., art.117, al 1er) et, dès lors, l’on s’étonnera des motifs retenus par les juges du fond pour rejeter l’exception de nullité par l’absence de grief. La sanction d’une telle irrégularité procédurale demeure commune à la procédure civile régie par le régime de la nullité de fond qui vicie la procédure même en l’absence de grief. Du reste, les juges de cassation ont pris le soin de viser l’article R.3211-11 du code de la santé publique qui prévoit la communication de la requête au curateur ou tuteur, ce qui souligne l’impérativité de ses dispositions.
Ensuite, si l’on compare cette matière à la matière pénale, notamment au regard des droits fondamentaux, la détention d’une personne pratiquée en vertu d’un titre nul équivaut à une détention arbitraire. Or, on se souvient que l’article 66 de la Constitution énonce précisément la prohibition des détentions arbitraires dont la garantie est assurée par l’autorité judiciaire en ce qu’elle est « la gardienne de la liberté individuelle ». Par conséquent, le maintien des personnes en hospitalisation sous contrainte malgré la nullité du titre a de quoi surprendre, et la protection du malade contre lui-même ne saurait justifiée que les vices affectant la procédure soient balayés d’un revers de main.
Enfin, et de façon plus pragmatique, il convient de relever que les services des greffes judiciaires attachés au juge des libertés et de la détention devront faire montre de plus de vigilance, car c’est à ces derniers qu’incombe la tâche d’aviser toutes les parties à la procédure.
Kevin Leclère-Vue
(Auditeur de Justice)