Lieux historiques, patrimoine architectural et scènes de nombreux affrontements médiatiques, les palais de justice français sont également le décor au sein duquel évoluent quotidiennement de nombreux acteurs, comme les magistrats, les avocats accompagnés de leurs clients, les représentants des forces publiques ainsi que les greffiers.
Avant le lancement de la réforme de la carte judiciaire début 2008, la France comptait 1200 juridictions réparties sur 800 sites, et même s’il est question de supprimer plus de 300 juridictions sur environ 3 ans, cela fait autant de lieux, regroupant dans les différentes villes de France, Tribunaux d’Instance, Tribunaux de Grande Instance, Cour d’Appel, Cour Administrative d’Appel, Cour de Cassation, Conseil d’Etat, etc., parmi lesquels il est aisé de s’égarer.
Suivre les indications du présent guide permettra aux jeunes avocats de se frayer un chemin, et peut-être même de se distinguer, dans cet immense espace de droit qu’est le palais de justice.
I / Que voir?
Chaque palais de justice a ses propres caractéristiques, et si certains d’entres eux sont modernes et allient fonctionnalité et confort à une architecture contemporaine recherchée, comme à Nantes, Grenoble, Avesne sur Helpe ou Besançon, d’autres sont en revanche très anciens, comme à Rouen, Paris, Reims ou Nîmes, et, en plus d’être des attractions touristiques très courues, sont des témoins de l’histoire judiciaire française.
Les jeunes avocats ne manqueront pas de se rendre régulièrement à la bibliothèque des Avocats (il y en a une dans chaque palais de justice) afin d’y puiser leur inspiration et de s’assurer de la pertinence de leur argumentation. Ces bibliothèques permettent la consultation de nombreux ouvrages, revues et offrent généralement un accès internet.
Il sera également très instructif pour les jeunes avocats de se rendre au greffe des différentes juridictions devant lesquelles ils auront à plaider ou à effectuer diverses démarches.
Les greffiers ont pour fonction d’assister les présidents et les juges des tribunaux. Parfois qualifiés de « scribes » de la justice, ils rédigent les décisions rendues par les juridictions et sont aussi de véritables techniciens de la procédure en charge du respect de son authenticité.
Il est très utile, et même déterminant, d’entretenir de bonnes relations avec les greffiers car ce sont les interlocuteurs privilégiés des justiciables et des avocats qui les contactent quotidiennement afin, notamment, d’obtenir confirmation de leurs dates d’audiences, de s’enquérir de l’état d’avancement d’un dossier et de connaître les noms des présidents et procureurs à qui adresser leurs écritures avant les audiences.
Les greffiers peuvent par ailleurs recevoir les demandes de renvoi des avocats si le président de la juridiction concernée n’est pas disponible. C’est également auprès du greffe que les avocats peuvent demander la communication des certificats de non-appels ou de non-pourvoi. Ces documents sont essentiels lors de la phase d’exécution des décisions de justice, généralement confiée aux huissiers mandatés par les avocats, si le justiciable à l’encontre duquel ladite décision a été rendue fait défaut.
Ensuite, un détour par la salle des référés s’imposera. C’est un lieu incontournable où les jeunes avocats pourront se rendre avant de débuter l’épreuve des plaidoiries afin d’observer les joutes verbales auxquels s’adonnent leurs confrères.
Il s’agit d’une salle où les audiences ont trait à des affaires en général urgentes qui justifient des délais très courts entre l’introduction de la requête et l’audience. Le nombre des dossiers traités et l’urgence imposent une grande discipline aux avocats qui plaident en référé. Ils doivent arriver à l’heure, noter le numéro de leur affaire sur le rôle et se présenter sans attendre à l’huissier. Ce dernier déterminera l’ordre de passage des affaires en fonction de l’heure d’arrivée des parties. Les avocats se présentent à lui en indiquant leur nom, le nom de leur cabinet, leur numéro de toque ainsi que le nom de l’affaire et les parties qu’ils représentent.
Enfin, les jeunes avocats devront être attentifs à la multitude de détails, d’informations et de salles pour accomplir au mieux la mission qui leur aura été confiée par leurs clients.
II / Que faire?
Lorsqu’un client souhaite assigner un tiers du fait d’un différent ou d’un conflit les opposant, son avocat doit tout d’abord rédiger l’assignation puis obtenir l’approbation de son client sur son projet.
Une fois l’assignation finalisée, un premier original est délivré par huissier au défendeur, tandis que le second original permet au demandeur, par le biais de son avocat, de saisir le Tribunal. Pour ce faire, l’assignation, sur laquelle l’avocat a préalablement mis un timbre BRA/BSA (taxe perçue par les ordres au profit de la Caisse nationale des barreaux français), est déposée au greffe civil du Tribunal.
Dans les jours suivant le dépôt de l’assignation, l’avocat reçoit le bulletin de convocation à la première audience sur lequel figurent le Tribunal, la chambre et la section chargés de l’affaire ainsi que le numéro de RG (Rôle Général).
Dans l’hypothèse inverse, un client peut être le destinataire d’une assignation, dans ce cas, il n’est plus demandeur mais défendeur. A compter de la signification de l’assignation, le client dispose d’un délai de 15 jours pour que son avocat se constitue, c’est-à-dire qu’il fasse savoir au Tribunal concerné et à la partie adverse qu’il intervient au soutien des intérêts du défendeur.
A partir de ce moment, l’avocat du demandeur ne s’adresse, en principe, plus directement au client (défendeur) mais à son avocat dans le respect des règles déontologiques.
L’avocat en charge du dossier doit contrôler les dates de procédure et envoyer les pièces et écritures aux autres parties dans les délais impartis. Le strict respect de la procédure et de ces délais est fondamental dans la mesure où, à ce niveau de sa mission, l’avocat doit répondre d’une obligation de résultat, et le simple fait de manquer une date peut être à l’origine de l’engagement de sa responsabilité professionnelle.
Enfin, il est important de souligner que les conclusions rédigées et validées par le client doivent être signifiées comme suit: 2 exemplaires pour le Tribunal sur lesquels est apposé le tampon « pour le tribunal »; 1 exemplaire pour l’avocat ayant déposé les conclusions avec le tampon de son cabinet, son numéro de toque, le timbre et le tampon de la juridiction; 1 exemplaire par avocat de(s) partie(s) adverse(s) avec le tampon « signifié » et la mention « laissé copie à », qui est complétée à la main avec le nom de l’avocat destinataire, son barreau ainsi que son numéro de toque. Il est d’usage que les exemplaires destinés aux avocats soient pliés en deux.
Les avocats peuvent se rendre au bureau des huissiers audienciers pour que ces derniers vérifient que leurs conclusions sont bien signées et régulièrement tamponnées. Ensuite, les avocats ont le choix, soit de laisser leurs conclusions aux huissiers audienciers qui en assureront la distribution, soit de remettre directement en mains propres lesdites conclusions au greffe de la juridiction concernée.
Quelques jours après la signification des conclusions, les avocats reçoivent à leur toque, ou à celle de leur cabinet, un exemplaire tamponné avec mention du nom de l’huissier qui a procédé à la signification ainsi que la date de ladite signification. Cette date est primordiale eu égard aux délais à respecter tout au long de la procédure.
En principe, dans le palais de justice du ressort de son barreau, chaque avocat ou tout du moins chaque cabinet a sa toque, c’est-à-dire sa case, dans laquelle les juridictions et les autres avocats peuvent déposer des actes ou documents d’information. Il est possible de demander à un tiers d’aller ramasser sa toque, toutefois, il est plus sûr d’aller relever cette toque soi-même régulièrement pour ne pas avoir de mauvaise surprise, notamment en ce qui concerne le respect des dates et délais de procédure.
Il reste maintenant aux jeunes avocats à monter sur les planches pour plaider et défendre les intérêts de leurs clients (cf. Le Petit Juriste n° 09/2010 [A compléter avec la bonne référence du numéro], Recette pour une bonne plaidoirie)
L’activité contentieuse des jeunes avocats les amènera à se déplacer très régulièrement et ainsi à faire la visite de nombreux palais de justice. Une fois l’audience terminée, le stress de la plaidoirie évacué et le train ou l’avion de 5h55 du matin oublié, les jeunes avocats ne manqueront pas de profiter de ces déplacements pour se restaurer en goûtant les spécialités régionales (de bonnes brasseries et restaurants jouxtent souvent les palais de justice) et s’instruire en découvrant une nouvelle ville, une autre histoire.
Marie-Charlotte DAVID
Avocat à la Cour
Cabinet Normand & Associés