Le 11 octobre dernier, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a déclaré la loi du 13 juillet 2011 relative aux gaz de schiste conforme à la Constitution. Cette décision confirme l’interdiction du recours à la fracturation hydraulique dans ce domaine et l’abrogation des permis d’exploration délivrés aux entreprises recourant à cette technique.
Alors que les gaz de schistes sont au centre de polémiques dans de nombreux pays, en France, la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique, semblait clore le débat.
L’article 1 de cette loi dispose qu’« en application de la Charte de l’environnement de 2004 et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration ou l’exploitation des mines d’hydrocarbures (…) par des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche sont interdites sur le territoire national. » Aussi, l’article 3 de la même loi prévoit une obligation pour les titulaires de permis d’exploration, dans les deux mois suivant la promulgation de cette loi, de remettre « un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités ». En l’absence de ce rapport ou si celui-ci mentionne un recours à la fracturation hydraulique, les permis concernés sont abrogés.
Face à l’abrogation de ses deux permis de prospection, la société américaine Schuepbach Energy LLC a cependant déposé une QPC que le Conseil d’Etat a transmise au Conseil Constitutionnel par une décision du 12 juillet 2013. Ce dernier a finalement rejeté tous les moyens :
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Sur l’absence de rupture d’égalité devant la loi : les spécificités de l’utilisation de la fracturation hydraulique en matière de gaz de schiste justifie un traitement différent de l’utilisation de cette technique dans le domaine de la géothermie, qui elle est légale.
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Sur la liberté d’entreprendre : l’atteinte a ce principe ne présente pas un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi.
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Sur le droit de propriété : « les autorisations de recherche minière (…) ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété. »
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Sur la méconnaissance de la Charte de l’environnement :
1) Le Conseil Constitutionnel rappelle que le devoir des politiques publiques de promouvoir un développement durable, prévu par l’article 6 de cette Charte, est exclu des droits ou libertés garantis par la Constitution et susceptibles de fonder une QPC1.
2) Le Conseil Constitutionnel évite de se prononcer sur la nature du principe de précaution, prévu par l’article 5, en constatant que la méconnaissance de ce principe est « en tout état de cause inopérant » puisque la dispositions législative contestée n’est pas prise en application de ce principe.
Le Conseil Constitutionnel confirme donc la constitutionnalité de cette loi tout en se réservant de consacrer le principe de précaution comme un droit dont la méconnaissance pourrait être invoqué à l’appui d’une QPC. Il évite ainsi d’encourager une multiplication des QPC fondées sur ce principe qui le placerait en arbitre constant devant concilier précautions environnementales et intérêts économiques et sociaux.
Ce litige, toujours pendant devant les juridictions administratives, souligne en même temps l’archaïsme actuel du Code minier qui n’intègre pas suffisamment les problématiques environnementales et dont la réforme, en cours, devrait aboutir prochainement.
Pierre Bourdier
1DC n°2012-283 QPC du 23 novembre 2012, M. Antoine de M. (Classement et déclassement de sites)