La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, a crée un nouvel article L533-12 du Code monétaire et financier relatif à l’interdiction de la publicité électronique de certains contrats spéculatifs et risqués comme les options binaires.
L’article dispose en effet que « Les prestataires de services d’investissement ne peuvent adresser, directement ou indirectement, par voie électronique, des communications à caractère promotionnel à des clients susceptibles d’être non professionnels, notamment des clients potentiels, relatives à la fourniture de services d’investissement portant sur des contrats financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, relevant de l’une des catégories de contrats définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers et présentant l’une des caractéristiques suivantes :
1° Le risque maximal n’est pas connu au moment de la souscription ;
2° Le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ;
3° Le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n’est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé ».
• Pourquoi cet article ?
Pour rappel, depuis l’entrée en vigueur de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers en 2007, qui a entraîné l’accessibilité de nouveaux produits financiers aux particuliers, les offres de contrats hautement risqués comme les options binaires et Forex se sont multipliées sur l’Internet.
Les options binaires ne sont pourtant pas adaptées aux particuliers, pour une raison simple : elles consistent à parier sur l’évolution d’un actif sur les marchés. Le particulier investisseur qui opte pour ces options doit parier, via son courtier, sur la direction que prendra l’actif avant l’expiration de l’option : s’il parie sur l’augmentation de la valeur de l’actif et qu’in fine, l’augmentation a lieu, le particulier se verra attribuer un gain conséquent. Mais à l’inverse, s’il opte pour l’augmentation mais que la valeur de l’actif diminue, il perdra toute sa mise et même plus…
On comprend dès lors que ces instruments financiers présentent un risque conséquent.
Et pour cause, dans une étude parue en octobre 2014 suite aux nombreuses plaintes reçues des clients ayant enregistré des pertes importantes en investissant dans les options binaires et FOREX, l’AMF a communiqué un chiffre alarmant : sur une période d’observation de quatre ans, le taux de clients perdants ayant investi dans les options binaires et FOREX est de 89% ; le résultat moyen de perte par client se chiffrant quant à lui à 10 887 euros. L’étude ajoute que « les investisseurs qui traitent le plus (en nombre de transaction comme en taille moyenne de transaction ou en volume cumulé) perdent le plus. Il en va de même pour ceux qui persistent dans la durée, illustrant ainsi l’absence d’effet d’apprentissage ».
En bref, les chiffres communiqués sont sans ambiguité ; il convient de préciser par ailleurs que cette étude ne porte que sur les prestataires régulés. Or les options binaires et FOREX sont tristement synonymes d’escroqueries, avec des sociétés fictives opérant depuis l’étranger et détournant les capitaux des clients qui ne sont en fait jamais investis sur les marchés.
De ce fait, l’AMF a lancé une campagne de sensibilisation à destination des particuliers tentés de recourir à ces sociétés, en les enjoignant à une forte précaution.
Mais l’Autorité n’en est pas restée pas là ; elle a obtenu, pour la première fois en septembre 2014, trois ordonnances du Tribunal de grande instance de Paris qui a prononcé une injonction judiciaire d’interdire l’accès de cinq sites Internet proposant des transactions sur le FOREX.
Elle a de son côté prononcé des sanctions à l’encontre de la société Forex Capital Markets Limited le 26 octobre 2015, un prestataire de services d’investissement britannique qui opérait en France en libre prestation de services et en libre établissement via une succursale ; il lui a été reproché de ne pas avoir vérifié que les sociétés qui lui apportaient des clients et qui lui transmettaient des ordres pour les comptes de ces derniers disposaient des agréments nécessaires et « de la qualité et des compétences nécessaires leur permettant de gérer les comptes des clients de la société Forex Capital Markets Limited au moyen d’automates de trading ».
Le nouvel article L533-12 du Code monétaire et financier a donc été crée dans ce contexte de protection des non-professionnels contre ces instruments financiers jugés trop risqués.
• Quel périmètre d’application ?
L’article donne trois critères cumulatifs pour qu’un instrument financier se voit appliquer l’interdiction de publicité électronique à destination des non professionnels. Ces critères sont au nombre de trois :
1. Le contrat financier ne doit pas être négocié sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation ;
2. Le contrat doit relever d’une des catégories de contrats définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Sur ce point, l’article 314-31-1 du règlement général de l’AMF ne liste pas des catégories de contrats mais donne plutôt des critères de définitions. Ainsi, sont dorénavant visés par l’interdiction les contrats suivants :
– « ils donnent lieu à l’expiration du contrat, selon qu’une condition fixée au contrat se réalise ou non, soit au versement d’un gain prédéterminé soit à la perte totale ou partielle du montant investi ;
– ils donnent lieu au versement de l’écart, positif ou négatif, entre le prix d’un actif ou d’un ensemble d’actifs sous-jacents à la conclusion du contrat et son prix à la clôture de la position, et ils contraignent, le cas échéant, le client à payer un montant supérieur au montant investi lors de la conclusion du contrat ;
– ils ont pour sous-jacent une devise ou un ensemble de devises ».
3. Il doit enfin présenter l’une des trois caractéristiques citées précédemment, à savoir que soit le risque maximal n’est pas connu, soit le risque de perte est supérieur au montant de l’investissement, soit le risque de perte rapporté aux avantages éventuels n’est pas en concordance au regard de la nature risquée du contrat financier. Le choix de poser des critères alternatifs et non cumulatifs est le fruit de la volonté du législateur de faire entrer dans le champ d’application de l’article un maximum de contrats financiers risqués possible.
Les acteurs concernés par l’article sont eux aussi largement visés. Ainsi, l’article s’applique non seulement aux prestataires de services d’investissement, mais également à n’importe quel émetteur de publicité et aux opérations de parrainage.
En bref, l’Autorité des marchés financiers multiplie les études, les campagnes publicitaires à destination des particuliers tout en tentant de renforcer en parallèle la prévention en appuyant des mesures législatives. Reste à savoir si ces efforts porteront leurs fruits ; la réponse sera probablement dans les prochaines études de l’AMF.
Rosa YILIGIN
Master 2 Droit des assurances
Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne
Sources :
– Pauline PAILLER, « Interdiction de la publicité relative à certains contrats financiers hautement spéculatifs et risqués », Revue de droit bancaire et financier, Septembre 2017.
– Marie-Elisabeth MATHIEU, « La commercialisation en ligne des produits financiers : cartographie de la protection des investisseurs en ligne après la décision de l’AMF du 26 octobre 2015 », Revue de droit bancaire et financier, Janvier 2016.
– Etude AMF, « Etude des résultats des investisseurs particuliers sur le trading de CFD et de Forex en France », octobre 2014.
– Consultation publique de l’AMF relative à l’interdiction de la publicité portant sur certains contrats financiers hautement spéculatifs et risqués.