Une étude du « Boston Consulting Group » nous indique que près de 50 % des sociétés en Leverage Buy-Out (LBO) pourraient connaître des difficultés financières au cours des trois prochaines années.
Un LBO peut être défini comme l’achat d’une entreprise saine, financé partiellement par des emprunts, dans le cadre d’un schéma financier, juridique et fiscal spécifique où les dirigeants repreneurs sont associés en partenariat avec des investisseurs financiers spécialisés en vue de réaliser ensemble une plus value à moyen terme.
Inquiets par la viabilité de leurs investissements, certains fonds d’investissement se sont intéressés aux politiques mises en œuvre par les dirigeants de ces entreprises dont ils sont propriétaires et ont, dans certains cas, participé activement à la gestion de l’entreprise et aux prises de décisions importantes. Dans le cas d’une liquidation judiciaire entraînant un licenciement pour motif économique, les salariés concernés n’ont pas hésité à engager la responsabilité des investisseurs en vue d’obtenir le paiement des indemnités et accroître la solvabilité de leurs débiteurs.
Or, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, les procédures collectives ne peuvent être étendues aux investisseurs en raison du défaut de confusion de patrimoine. Les Conseils de Prud’hommes (CPH Lens, 28 novembre 2008 ; CPH Lens, 14 novembre 2008 ; CPH Lens, 27 juin 2008), afin d’obtenir l’extension de la procédure collective aux investisseurs, ont décidé de reconnaître à ces derniers la qualité de co-employeurs et ainsi les contraindre au versement de dizaines de milliers d’euros à chaque salarié licencié. Cette qualité est, pour les conseillers prud’homaux, justifiée par l’ingérence du représentant du fond dans la gestion de l’entreprise. En effet, dans l’affaire « Sublistatic » du 28 novembre 2008, le représentant du fond d’investissement témoignait, lors des réunions, de son emprise sur le fond lorsqu’il énonçait notamment « nous devons peut-être vendre autre chose que du papier, nous avons des idées sur ce que nous allons faire ». Les indemnités attribuées au bénéfice des salariés ont pu atteindre des sommes très importantes, allant de 37 000 à 220 000 euros par salarié pour chacun des 160 salariés licenciés !
Néanmoins, à la lumière de la position actuelle de la Cour de cassation, ces décisions ne semblent pas fondées juridiquement. En effet, la Haute Cour distingue entre la possibilité, accordée au représentant, d’influer sur la politique générale de l’entreprise via des directives données au directeur général et l’exercice d’un véritable lien de subordination. Comme nous vous l’avons rappelé dans le numéro précédent, l’exercice de ce lien est caractérisé par un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction exercé à l’encontre des salariés de l’entreprise (Arrêt Cour de cassation, « Société Générale », 13 novembre 1996). Or, les directives données par le représentant du fond ne permettent pas d’établir la présence de ce lien de subordination permettant de caractériser l’existence d’un contrat de travail et ainsi constituer le fondement juridique du co-emploi. Il est donc possible de s’interroger sur la pérennité de ces décisions rendues par le Conseil de Prud’hommes de Lens.
Ces jugements rendus par les conseillers prud’homaux s’inscrivent dans un contexte d’implication croissante des fonds d’investissements dans la gestion des entreprises justifiée par une volonté de contrôler et limiter leurs pertes, alors que la crise financière fait rage. Une trop grande immixtion dans la gestion des entreprise risque donc de les amener à contribuer au paiement des conséquences financières des plans sociaux pour un montant pouvant atteindre des montants très importants.
Alexis Vaudoyer
Pour en savoir plus : |
Lettre des juristes d’affaires, « Quand les fonds d’investissement doivent payer les plans sociaux », 16 mars 2009. |