(Résumé)
Les dispositifs médicaux constituent, avec les médicaments, les deux principales catégories de produits de santé.
Avant leur mise sur le marché et toute évaluation nationale, ils doivent se conformer à certaines exigences européennes afin d’être déclarés conformes et “marqués CE”.
Par la suite, ils feront l’objet d’évaluations nationales : une évaluation médico-technique et une évaluation médico-économique effectuées selon des critères précis par deux commissions de la Haute Autorité de Santé (HAS).
C’est en se fondant sur les avis rendus par ces commissions que le Comité économique des produits de santé (CEPS) fixera les prix des dispositifs médicaux remboursés.
Et les résultats de ces évaluations seront aussi utiles au Ministre de la Santé, qui prendra éventuellement la décision d’inscrire les dispositifs sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), afin qu’ils soient pris en charge.
Enfin, leur taux de remboursement sera fixé par l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM).
Les dispositifs médicaux, avec les médicaments, forment les deux grandes catégories de produits de santé, auxquels la cinquième partie du Code de la Santé Publique (CSP) est consacrée.
Un dispositif médical se définit comme “tout instrument, appareil, équipement, matière, produit, à l’exception des produits d’origine humaine, ou autre article utilisé seul ou en association, y compris les accessoires et logiciels nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci, destiné par le fabricant à être utilisé chez l’homme à des fins médicales et dont l’action principale voulue n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens” (1) .
Il s’agit par exemple de lits médicaux, de lunettes ou lentilles correctrices, de prothèses, d’appareils, d’imagerie médicale, de seringues ou encore de pansements.
Bien qu’il ne s’agisse pas de normes impératives, on aurait pu penser que le principe de démocratie sanitaire, renforcé en 2016 (2), ainsi que le droit à la protection sociale, affirmé par le préambule de la Constitution de 1946, pourraient impliquer une prise en charge d’un certain niveau, la participation des usagers au fonctionnement du système de santé, ainsi qu’une compréhension aisée des processus de décision par les patients
Et pourtant, la fixation des prix des dispositifs médicaux ainsi que leur éventuelle prise en charge relèvent de procédures complexes présentant souvent un caractère unilatéral; et, de plus, ces procédures aboutissent à une prise en charge assez restreinte, laissant à la charge du patient une part élevée du financement, et ce même pour des produits pourtant nécessaires au quotidien comme des lunettes ou des prothèses dentaires.
Il faut donc s’intéresser au parcours d’un dispositif médical.
Avant de faire l’objet de deux évaluations nationales sur lesquelles seront fondées les décisions relatives à la fixation de leurs prix et à leur éventuelle prise en charge, les dispositifs médicaux doivent se conformer à certains prérequis européens avant leur mise sur le marché (I).
Nous verrons ensuite comment les prix de ces dispositifs médicaux sont fixés (II) avant de nous intéresser aux différentes manières dont ils peuvent être pris en charge (III).
I. Les prérequis européens et les évaluations nationales des dispositifs médicaux
Certains prérequis européens sont nécessaires avant la mise sur le marché de tout dispositif médical (A), puis des évaluations nationales conditionneront leur éventuelle prise en charge par l’assurance maladie (B).
A. Les prérequis européens à toute mise sur le marché d’un dispositif médical
L’Union Européenne ne s’intéresse ni aux conditions de prise en charge des dispositifs médicaux par les régimes nationaux d’assurance maladie, ni à leur régulation économique, cette compétence restant dévolue aux États membres. Elle s’intéresse uniquement aux préalables nécessaires à la mise sur le marché des différents produits de santé.
Trois directives européennes ont longtemps régi la matière (3), mais elles ont désormais vocation à être abrogées et remplacées par deux règlements européens du 5 avril 2017, le plus général et important des deux entrant en vigueur à compter du 26 mai 2020 (4).
Ces normes européennes ont deux intérêts concernant notre étude :
– En premier lieu, les normes européennes définissent la notion de dispositif médical. La définition instaurée par le règlement n°2017/745 élargit l’ancienne définition de dispositif médical, elle inclut désormais les logiciels autonomes ainsi que des produits qui n’ont qu’une fonction esthétique (implants, lentilles oculaires de couleur non correctrices). Cette nouvelle définition sera bientôt d’applicabilité directe en France.
– En second lieu, les normes européennes définissent les exigences essentielles de sécurité et de performance que doivent respecter les dispositifs médicaux pour être mis sur le marché européen, et mettent en place les procédures nécessaires au respect de ces exigences.
Le respect de ces exigences européennes en matière de sécurité et de performance, ainsi que l’obtention d’une déclaration européenne de conformité du dispositif médical, sont des préalables nécessaires à toute prise en charge ou fixation du prix d’un dispositif médical au niveau national puisqu’elles conditionnent la mise sur le marché du dispositif.
Une fois déclarés conformes par des organismes indépendants, les produits sont “marqués CE” et peuvent faire l’objet d’une évaluation nationale.
B. Les évaluations nationales des dispositifs médicaux
L’évaluation nationale des dispositifs médicaux est quant à elle destinée à répondre aux problématiques de prise en charge et de tarification des produits. Elle s’intéresse au bénéfice clinique des produits et à leur plus-value par rapport à l’arsenal existant.
Elle s’effectue en deux temps :
– L’évaluation médico-technique par la CNEDiMTS (5) ,
– Et, dans certains cas, l’évaluation médico-économique de la Commission Évaluation Économique et de Santé Publique (CEESP) (6) .
1) L’évaluation médico-technique de la CNEDiMTS (7)
Lorsqu’un fabricant ou un distributeur fait une première demande d’inscription de produit sur la LPPR l’évaluation se fait en deux étapes :
– Dans un premier temps est effectuée l’évaluation du service attendu (SA), fondée sur l’intérêt du produit au regard de son effet thérapeutique ainsi que de ses effets indésirables et au regard de son intérêt attendu en santé publique (8) ;
– Dans un second temps, seulement si le service attendu est suffisant pour justifier l’inscription au remboursement, aura lieu l’évaluation de l’amélioration du service attendu (ASA), évaluation faite par rapport à un produit comparable (9). Cette évaluation conduit à considérer l’ASA comme majeure (I), importante (II), modérée (III), mineure (IV) ou à en constater l’absence (V). Évidemment, pour une même catégorie de dispositifs médicaux, les niveaux d’ASA attribués par la CNEDiMTS évoluent au regard de l’arsenal disponible et de l’acquisition de données nouvelles.
Et en cas de demande de renouvellement d’inscription, la CNEDiMTS évalue cette fois le service rendu (SR) du dispositif ainsi que l’amélioration du service rendu (ASR) en tenant compte des nouvelles données disponibles (10) .
2) L’évaluation médico-économique de la CEESP
Cette évaluation est requise dans un objectif de pérennité du système de santé lorsqu’un dispositif médical revendique une ASA de I à III (majeure, importante ou modérée) et est susceptible d’avoir un impact significatif (11) sur les dépenses de l’Assurance Maladie .
La Commission évaluation économique et de santé publique (CEESP) (13) de la HAS évalue alors l’efficience du produit c’est à dire la mesure de l’intérêt pour la société du nouveau produit par rapport à l’existant en comparant les moyens employés (le coût) avec les résultats obtenus.
Les industriels et les distributeurs peuvent éventuellement compléter le dossier d’efficience par une analyse d’impact budgétaire de l’introduction de leur produit sur le marché.
II. La fixation des prix des dispositifs médicaux
Pour ce qui est des produits non remboursables, la fixation des prix est libre, le principe de la liberté du marché s’applique (14) .
En revanche, la fixation des prix des dispositifs médicaux remboursés est l’oeuvre du Comité économique des produits de santé (CEPS) (15), dont la fonction est donc de donner accès aux produits au meilleur coût possible pour la collectivité.
Il faut préciser que ni les représentants du secteur du dispositif médical ni les syndicats professionnels de ce domaine ne siègent au CEPS.
En se fondant (sans qu’il soit lié) sur l’avis consultatif de la CNEDiMTS rendu après étude du dossier médico-technique, sur l’avis d’efficience consultatif du CEESP rendu après étude du dossier médico économique, ainsi que sur le dossier économique transmis directement au CEPS par le fabricant, le distributeur ou le prestataire, le CEPS fixe :
● Le tarif de responsabilité (TR) : c’est le tarif sur la base duquel intervient le remboursement de la sécurité sociale (16),
● Le prix limite de vente (PLV) : il correspond au prix maximum de vente du produit au public (17) .
La différence constitue le “reste à charge” du patient.
Les prix ou les tarifs sont fixés de préférence par la voie de conventions conclues entre le CEPS et les entreprises commercialisant les produits ou, pour certains dispositifs médicaux, avec les organisations professionnelles représentatives de ces entreprises, mais en cas d’échec des négociations le CEPS prendra une décision unilatérale (18).
Le CEPS, dans sa décision, prendra notamment en compte l’amélioration du service médical rendu (ASR) ou du service attendu (ASA), le prix des produits à même visée clinique, les volumes de vente envisagés, ainsi que la population cible et les prix pratiqués à l’étranger (19).
III. Les différentes modalités de prise en charge des dispositifs médicaux
Il existe différentes formes de prise en charge des dispositifs médicaux par l’assurance maladie. Nous développerons d’abord les formes dérogatoires de prise en charge avant de nous intéresser au principe.
D’abord, les dispositifs médicaux utilisés en établissements de santé sont financés par groupe homogène de séjour (GHS), c’est à dire que les dépenses des dispositifs médicaux sont en principe directement intégrées dans les prestations d’hospitalisation. Exceptés pour quelques dispositifs dangereux (20) inscrits sur une liste dite “intra-GHS” (21), aucune évaluation spécifique n’est en principe ici réalisée pour la prise en charge. Il appartient en effet aux commissions médicales des établissements de santé d’élaborer la liste des dispositifs dont l’utilisation est préconisée dans l’établissement, le tarif du dispositif médical étant ensuite directement négocié avec chaque acheteur.
Ensuite, les dispositifs médicaux à usage individuel utilisés pour ou pendant la réalisation d’un acte par des professionnels de santé, et dont l’action ne s’exerce pas au-delà de l’intervention médicale, sont financés à travers ces actes professionnels, un peu à l’instar des dispositifs médicaux utilisés en établissements de santé dont le financement est intégré au coût de la prestation médicale.
Enfin, afin de favoriser l’innovation, un forfait spécifique permet la prise en charge dérogatoire et temporaire d’un dispositif médical particulièrement innovant, conditionnée à la réalisation d’une étude pertinente visant à fournir des données cliniques ou médico-économiques manquantes. Cette prise en charge est décidée par la publication d’un arrêté spécifique du ministre chargé de la Santé, pris après avis de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Exceptées ces possibilités spécifiques, le principe pour les dispositifs médicaux individuels en ville est le financement par la liste des produits et prestations remboursables par l’Assurance Maladie (LPPR) : “Le remboursement par l’assurance maladie des dispositifs médicaux à usage individuel (…) est subordonné à leur inscription sur une liste établie après avis d’une commission de la Haute Autorité de santé” (22) .
L’inscription a en principe lieu sous forme de description générique avec l’indication du produit selon ses spécifications techniques, ce qui permet, en cas de demande d’inscription d’un produit conforme au libellé et aux spécifications techniques minimales de l’une des descriptions génériques déjà inscrites sur la LPPR, que le produit ne fasse pas l’objet d’une évaluation lors de l’inscription.
L’inscription peut également avoir lieu de manière transitoire (23) sous nom de marque lorsque le produit est innovant, il sera alors évalué par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) (24) .
En se fondant sur les évaluations effectuées par les commissions de la Haute Autorité de la Santé (HAS), le Ministre de la santé prend la décision finale d’inscription ou de renouvellement d’inscription du dispositif médical sur la LPPR.
Il faut enfin préciser que le taux de remboursement des dispositifs sera fixé par l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM). Il se situe en principe entre 50% et 60% (25), cette latitude assez restreinte illustrant le pouvoir de l’UNCAM plus réduit dans le domaine des dispositifs médicaux que dans celui des médicaments.
Louise SINGLER et Ruben ATLANI
M2 Droit social (recherche)
(1) CSP, art. L. 5211-1
(2) Loi du 26 janvier 2016 n°2016-41, JO du 27 janvier 2016
(3) Directive 90/385/CEE du 20 juin 1990, directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et directive 98/79/CE du 27 octobre 1998
(4) Règlement n°2017/745
(5) CSS, art R. 165-11 et R. 165-11-1
(6) CSS, art. L. 161-37
(7) Composée de 21 membres titulaires ayant voix délibérative (20 ayant des compétences scientifiques ou techniques dans le domaine des produits et prestations de santé et 1 représentant d’une association de malades et d’usagers), 7 suppléants, et 7 membres ayant une voix consultative (représentants des directions du ministère chargé de la Santé, de l’ANSM et des 3 principaux régimes de l’Assurance Maladie) (CSS, art. R. 165-18)
(8) CSS, art. R. 165-2
(9) CSS, art. R. 165-11
(10) CSS, art. R. 165-6
(11) Notion précisée par le collège de la HAS dans une décision n°2013.0111/DC/SEESP du 18 septembre 2013
(12) Décret n° 2012-1116 du 2 octobre 2012 relatif aux missions médico-économiques de la Haute Autorité de santé
(13) Composée de 33 membres permanents choisis par le collège de la HAS pour leur compétence dans le domaine de l’évaluation économique et de la santé publique ayant une voix délibérative; et des membres ponctuels ayant une voix consultative (toute personne compétente dont la contribution est jugée utile)
(14) CSS, art. R. 165-14
(15) Composé d’un président et de 2 vice-présidents choisis par l’autorité compétente de l’Etat en raison de leur compétence dans le domaine de l’économie de la santé, 4 représentants de l’Etat, 3 représentants des caisses nationales d’assurance maladie et 1 représentant de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (CSS, art. L. 162-17-3)
(16) CSS, art. L. 165-2
(17) CSS, art. L. 165-3
(18) CSS, art. L. 165-4
(19) CSS, art. L. 162-16-4 et L. 165-2
(20) Produits définis par un arrêté du 28 novembre 2013, modifié par les arrêtés du 2 décembre 2015 et du 29 janvier 2016
(21) CSS, art. L. 165-11, introduit par la loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
(22) CSS, art. L. 165-1
(23) CSS, art. R. 165-3
(24) CSS, art. R. 165-7
(25) CSS, art. R. 160-5 8°
Bibliographie :
Articles
-D. Blanc, Qualité et libre circulation des produits de santé en droit de l’Union européenne, RDSS, 2014, p. 1031
-E. Garnier, A-C Perroy, Le Règlement européen n° 2017/745 sur les dispositifs médicaux : une clarification des responsabilités des opérateurs économiques, RDSS, 2018, p. 19
-C. Maurain, I. Moine-Dupuis, Le « reste à charge », participation du patient aux frais d’acquisition des produits de santé, RDSS, 2017, p. 175
-F. Midy et al., Avis d’efficience relatifs aux produits de santé à la Haute Autorité de santé : bilan et perspectives, Santé Publique, 2015/5 (Vol. 27), p. 691-700
-J. Peigné, Le nouveau cadre juridique des dispositifs médicaux, RDSS, 2018, p. 3
-J. Peigné, La notion de dispositif médical issue du règlement (UE) 2017/745 du 5 avril 2017, RDSS, 2018, p. 5
Sites Internet
-Comité Economique des Produits de Santé, Questions-réponses & Données statistiques
-Haute Autorité de Santé, Journée d’information des fabricants, 20 janvier 2012
-Haute Autorité de Santé, Parcours du dispositif médical en France : Guide pratique, novembre 2017
-M. Aulois-Griot, Fasc. 6-10 : LES DISPOSITIFS MÉDICAUX, LexisNexis
-Ministère des Solidarités et de la Santé, CEPS (Comité économique des produits de santé)
-Ministère des Solidarités et de la Santé, Détermination des tarifs et des prix des dispositifs médicaux