Par un arrêt publié le 8 juillet 20151, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les effets d’un arrêt maladie sur la période de protection relative d’une salariée.
Le Code du travail prévoit certaines dispositions afin de protéger les femmes durant la maternité mais aussi après celle-ci, notamment contre le licenciement ou même toute forme préparatoire de licenciement2. Pendant la maternité, la femme enceinte bénéficie d’une protection dite absolue, interdisant totalement à l’employeur de licencier la salariée3. Une fois le congé maternité terminé, une autre période de protection dite « relative » de quatre semaines subsiste4. Elle est dite relative car l’employeur ne peut licencier la salariée qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat de travail. La sanction de ces dispositions est la nullité du licenciement.
En l’espèce, une salariée en congé maternité du 12 mars au 21 juillet 2008, puis en arrêt maladie du 22 juillet au 22 août, a ensuite utilisé des congés-payés avant de reprendre le travail durant la première semaine de septembre. Elle a été licenciée le 11 septembre au motif de divergences d’opinions persistantes. Un an et demi après l’arrêt maladie, le médecin de la salariée a attesté que l’arrêt maladie avait été délivré suite à une pathologie liée à la maternité. La salariée a été déboutée de ses demandes en appel. Elle a alors formé un pourvoi en cassation. Selon le moyen de la salariée, sa mise en arrêt maladie ainsi que ses congés payés auraient eu pour effet de suspendre sa période de protection relative. Ainsi son licenciement serait nul au motif qu’il serait intervenu durant la période de protection relative de 4 semaines.
La Cour de cassation déboute la salariée. Après avoir confirmé l’absence de valeur probante de l’attestation postérieure du médecin, la Cour de cassation précise qu’un arrêt maladie non lié à la maternité, contrairement à la prise de congé-payés, n’a pas pour conséquence de suspendre la période de protection post-maternité. Ainsi, la Cour d’appel avait bien décidé que la période de protection de la salariée était terminée. Le licenciement ne pouvait donc être nul sur cette base juridique.
La Haute juridiction effectue une distinction explicite entre la conséquence de prise de congés payés et la mise en arrêt maladie juste après la fin du congé maternité. La Cour de cassation avait décidé dans un arrêt précédent que la prise de congés payés suivant la fin du congé maternité avait pour effet de suspendre la période de protection post-maternité5. Dès lors, la période de protection est repoussée de la durée des congés payés et ne commence que lors de la reprise effective du travail. Le licenciement d’une salariée durant les 4 semaines suivant la fin des congés congés payés est donc nul. Selon M. Hautefort, l’employeur qui licencierait durant la période de congé payés, où la salariée n’est pas protégée par la protection relative celle-ci étant suspendu, commettrait un abus de droit qui résulterait en un licenciement nul6. Néanmoins, la Cour de cassation n’applique pas ces mêmes effets aux arrêts maladie non liés à la maternité et énonce que ceux-ci n’ont pas pour effet de suspendre la période de protection relative. Celle-ci commence donc à courir dès la fin du congé maternité, même si la salariée n’a pas à proprement dit repris le travail. C’est certainement pour clarifier l’absence de remise en cause de la jurisprudence de 2014 concernant les congés payés que la Haute juridiction effectue explicitement la distinction avec les arrêts maladie.
Cette interprétation de l’article L.1225-4 du Code du travail peut s’expliquer de différentes manières.
L’article L.1225-21 du même code prévoit qu’en cas de pathologie liée à la maternité, la salariée peut avancer de 2 semaines le départ en congé maternité, ou augmenter celui-ci de 4 semaine après la date de fin du congé maternité. Un état pathologique lié à la maternité est donc expressément requis par le texte. Il est ainsi possible d’interpréter qu’a contrario, selon le vœu du législateur, un état pathologique non lié à la maternité ne permettrait pas d’obtenir un congé maternité plus long.
Par ailleurs, selon M. Hautefort, la Cour de cassation a pu vouloir « couper court aux abus qui permettraient un allongement abusif de la période de protection »7. En effet, hors convention collective plus favorable, les congés-payés sont de 5 semaines par an tandis qu’un arrêt maladie, par l’effet des renouvellements, est potentiellement illimité.
En cas de fin d’un congé maternité suivi d’un arrêt maladie, il est désormais nécessaire pour les femmes de s’assurer que la qualification de leur état est liée à leur maternité. Surtout qu’une « ratification » postérieure risquera, comme en l’espèce, d’être dépourvue de toute valeur probante.
Jérôme Verneret
1 Cass. Soc., 8 juillet 2015, n°14-15.979
2 Cass. Soc., 15 sept. 2010, n°08-43.299
3 Article L.1225-4 alinéa 1 du Code du travail
4 Article L.1225-4 alinéa 2 du Code du travail
5 Cass. Soc., 20 avril 2014, n°13-12.321
6 M. Hautefort, Jurisprudence Sociale Lamy – 2015 n°394
7 M. Hautefort, Jurisprudence Sociale Lamy – 2015 n°394