Le gage sur stocks consiste à offrir en garantie à son créancier les stocks de son entreprise afin que celui-ci puisse se faire payer dessus par préférence en cas de défaillance du débiteur.
En droit positif, deux régimes cohabitent à propos du « gage-stocks » : le Code civil, qui s’intéresse au régime général du gage sur biens fongibles, et le Code de commerce, qui régit plus spécialement le gage sur stocks.
Le flou jurisprudentiel sur l’application de l’article L. 527-1 du Code de commerce
Traditionnellement, le régime du gage est régi par le Code civil[1] et permet d’apporter en garantie d’une obligation des biens matériels, pouvant être consentis avec ou sans dépossession. À côté de ce régime de droit commun, l’ordonnance du 23 mars 2006 a introduit un régime spécial du gage sans dépossession octroyé à un établissement de crédit en garantie d’un crédit que celui-ci aurait consenti, l’encadrant par des formalités imposées à peine de nullité, un délai d’enregistrement de l’acte particulièrement court et la prohibition du pacte commissoire[2].
La question du choix du régime applicable s’est vite posée, et si pour les praticiens et la majorité de la doctrine le gage-stocks du Code de commerce devait se lire comme une faculté offerte aux établissements de crédit, la Cour de cassation[3] est venue restreindre cette lecture de l’article L. 527-1. En effet, les juges ont considéré que, lorsque les établissements de crédit souhaitent porter à gage les stocks de leur emprunteur, l’application du Code de commerce est impérative. Dès lors, le banquier est soumis à non seulement un formalisme particulièrement lourd[4] mais aussi à la prohibition d’insérer un pacte commissoire (V. art. L.527-2). Or, le recours au pacte commissoire est le nerf de guerre du gage, permettant en cas de défaillance du débiteur de s’assurer de mettre la main sur les biens objets du gage.
La cour d’appel de renvoi est venue s’ériger en défenseur des praticiens, analysant la lettre de l’article L. 527-1 comme une faculté offerte aux parties. Ainsi, au nom de la liberté contractuelle, la cour de renvoi a pu conclure que les parties qui souhaitent placer le gage sur stocks sous l’empire du droit commun ont la possibilité d’effectuer ce choix indépendamment de l’article L. 527-1.
… vers un éclaircissement du régime
Finalement, les juges du Quai de l’Horloge se sont réunis le 7 décembre 2015[5], rejetant la position de la cour d’appel et imposant aux établissements de crédit qui souhaiteraient bénéficier d’un gage sur les stocks de leurs emprunteurs de se soumettre au régime du Code de commerce, aux dépens de la liberté contractuelle des deux parties, qui auraient préféré le régime, plus souple, de droit commun du Code civil.
Si le paysage jurisprudentiel semble alors s’éclairer, c’était sans compter l’intervention du gouvernement en la matière. En effet, la loi Macron venant autoriser la révision du gage-stocks par voie d’ordonnance a permis à l’exécutif d’accoucher d’un projet d’ordonnance[6]. Celui-ci, désormais adopté, prévoit notamment une option expresse entre le régime du gage du Code civil ou du Code de commerce, offre un formalisme simplifié, mais aussi et surtout accorde la faculté de recourir à un pacte commissoire, redonnant tout l’intérêt perdu au cours des affrontements jurisprudentiels à cette sûreté.
Emmanuel Le Galloc’h
[1] C.civ. Art. 2333 et suiv.
[2] Art. L. 527-1 C.com
[3] Cass. com. 19 février 2013, n° 11-21.766
[4] C. com art. L. 527-1 al. 3
[5] Cass. ass. Pl. 7 déc. 2015, n° 14-18.435
[6] Compte rendu du Conseil des ministres du 27 janvier 2016