Les affaires d’espionnage industriel sont toujours très médiatisées mais très difficiles à appréhender pour le grand public. Ainsi l’actualité récente et notamment l’affaire Renault témoigne de la difficulté qu’éprouvent les États et les entreprises à lutter contre la fuite de leurs technologies.
L’affaire Renault n’est qu’un exemple parmi d’autres plus célèbres, on pourrait citer l’affaire du Tupolev Tu-144, avion Russe dont la ressemblance avec le Concorde était si frappante qu’il fut surnommé Concordski.
Si l’espionnage industriel est réprimé par la loi, l’intelligence économique est une pratique courante des entreprises et des Etats. Néanmoins la frontière entre ces deux pratiques est extrêmement fine voire même inexistante dans certains cas. Ce « flou artistique » est le résultat du dilemme éprouvé par les Etats entre la nécessité de protéger leurs entreprises contre une pratique et leur volonté d’obtenir des informations stratégiques.
Un arsenal législatif qui atteint ses limites
Cependant, indirectement, le droit français dispose d’un grand nombre de moyens préventifs pour lutter contre l’espionnage industriel. Tout d’abord les contrats de travail peuvent contenir des clauses de confidentialité et des clauses de non-concurrence. Ces clauses permettent de sanctionner le salarié qui se livrerait à des activités d’espionnage. Il existe aussi des dispositions répressives qui peuvent permettre aux entreprises de lutter contre la fuite de leurs informations protégées, il en est ainsi de l’article 445-1 du Code Pénal qui permet de lutter contre la corruption, ou encore de l’article L. 1227-1 du Code du Travail sur la révélation des secrets de fabrique.
S’il existe un arsenal législatif qui permet aux entreprises de se protéger contre l’espionnage industriel, on peut se poser la question de son efficacité. En effet il semble que les moyens répressifs ne soient pas suffisamment dissuasifs dès lors que les entités se livrant à l’espionnage industriel disposent de moyens importants et que les bénéfices qu’elles peuvent tirer de l’espionnage soient bien supérieurs aux conséquences juridiques et économiques induites par la sanction de cette activité.
De nouvelles armes contre l’espionnage industriel
Ce constat de fait a conduit l’Etat français à se doter d’un arsenal juridique efficace. Ainsi, le 17 juin 2009, un projet de loi relatif à la protection des informations économiques a été déposé à l’Assemblée Nationale. Ce projet de loi sur le secret des affaires, calqué sur le Cohen Act américain, permettrait d’adresser directement le problème de l’espionnage industriel. En effet en l’état actuel du droit positif, on peut imaginer que la plupart des affaires se rapportant à l’espionnage industriel seraient tranchées devant le tribunal des Prud’hommes comme une violation du contrat de travail ce qui apparaît être une réponse assez peu efficace au problème.
Le dispositif mis en place au travers de ce projet de loi semble plus efficace, dotant la justice de moyens répressifs plus importants. En effet elle prévoit en son article 1er des peines pouvant aller de 1 à 4 ans d’emprisonnement pour quiconque se rendant coupable : « d’appréhender, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée ».
En plus de ce dispositif, la loi Loppsi 2 apparaît aussi comme un moyen supplémentaire de lutter contre l’espionnage industriel. Suite à l’affaire Renault, le gouvernement, notamment à travers la voix du Ministre de l’industrie, Monsieur Eric Besson, a annoncé sa volonté de renforcer le dispositif existant.
En conclusion, il semble que, malgré l’existence d’un grand nombre de moyens préventifs et répressifs pour lutter contre l’espionnage industriel, d’aucun ne semble être en mesure d’adresser le problème de manière suffisamment efficace. Or avec le développement des technologies de communication, le patrimoine des entreprises semble être de plus en plus en danger.
Tristan Lemonnier
Pour en savoir plus
Article 445-1 du Code Pénal
Article L. 1227-1 du Code du Travail
Projet de loi du 17 juin 2009 relative à la protection des informations économiques
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