Depuis le 7 octobre 2016, la pratique compétitive de jeux vidéos est désormais reconnue officiellement par plusieurs mesures[i] qui posent un cadre juridique et légal à ce qui est communément appelé le « e-sport ».
A différencier avec les jeux de hasard, le e-sport est qualifiable d’activité sportive en raison de l’habileté, les capacités physiques et mentales des participants pour déterminer leur victoire ou défaite, au sein d’une enceinte accueillant des matchs et des compétitions, comme l’indique l’avocat Maître Thierry Vallat. Si le Gouvernement a fait le choix de consacrer le e-sport par cette loi, ce n’est pas uniquement pour mettre fin au cliché de « geeks coupés du monde qui seraient à l’exact opposé des athlètes traditionnels »[ii], mais surtout parce que c’est un secteur en pleine croissance. Un marché dont la croissance annuelle mondiale est de 30%, avec plus de 4 millions de téléspectateurs et 850 000 participants en France. Que vise exactement la loi ?
Sécuriser
Les compétitions physiques d’e-sport sont désormais légalisées, alors qu’auparavant elles étaient interdites car associées au régime des jeux de hasard, interdits en France[iii]. Ces manifestations sportives ne seront autorisées qu’à la condition que les droits d’entrée correspondent à l’organisation et ne permettent aucun profit. Dans cette même optique, les compétitions en ligne restent autorisées, sous réserve de l’absence de droit d’entrée. Un haut niveau de protection sera garanti pour les mineurs, dont les catégories d’âges seront déterminées et leurs gains déposés obligatoirement sur des comptes consignés à la Caisse des Dépôts et Consignations, débloqués à la majorité des joueurs.
Encadrer
La loi pour une République numérique vise à structurer le marché de l’e-sport. Les compétitions de jeux vidéo étant reconnues comme de véritables manifestations sportives, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devra alors contrôler leur retransmission, en veillant notamment à ce qu’elles ne soient pas des vitrines de publicité masquée par les sponsors. Les e-sportifs professionnels bénéficieront d’un CDD spécifique et d’une protection sociale. Les joueurs étrangers pourront obtenir de visas « passeports talents » pour rejoindre une équipe française d’e-sport. Enfin, l’État veut adopter une TVA à 5,5 % pour les droits d’entrée des manifestations d’e-sport. L’apport financier de cette activité est considérable et l’encadrement mis en place par le Gouvernement doit être donnant-donnant : d’une part l’État établit des structures plus accessibles au public, d’autre part les revenus générés par l’e-sport doivent être soumis à des mesures fiscales.
Développer
L’objectif principal de la loi soutenue par Axelle Lemaire est d’encourager ce secteur à forte potentialité. Une première mesure anticipée fut la création, le 27 avril 2016, de l’association France eSports qui a pour objet de « développer, promouvoir, encadrer la pratique des sports électroniques dans un esprit d’équité et d’épanouissement humain, s’inscrivant dans les valeurs et les principes fondamentaux de l’Olympisme »[iv]. Grâce à l’adoption de la loi le 7 octobre dernier, l’e-sport bénéficie d’une commission spécialisée au sein du Comité National Olympique français, destinée à développer la discipline selon les standards traditionnels du sport. Les e-sportifs, comme les athlètes traditionnels, s’entraînent, connaissent des transferts, deviennent des icônes. Il est d’ailleurs envisagé de saisir l’occasion de la candidature de Paris 2024 pour accueillir les premières épreuves olympiques de e-sport.
Romane Carron de la Carrière
Pour en savoir + :
[i] Loi pour une République numérique, 7 octobre 2016, articles 101 à 102.
[ii] Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, « E-sport – La pratique compétitive du jeu vidéo », Rapport intermédiaire à la Loi pour une République numérique soumis par Rudy Salles et Jérôme Durain, mars 2016.
[iii] Code de la sécurité intérieure, CSI, article L. 322-1.
[iv] Association France eSports, Statuts, article 1.