Face au dernier phénomène social lancé par le réseau Facebook, la polémique est lancée en France. Allant d’interdictions en interdictions, l’évènement dérange. Est il alors possible de faire d’un apéro géant prévu sur le web, une rencontre réelle et légale ?
Le développement des réseaux sociaux a contribué à la création d’évènements réunissant des milliers de personnes. Si les rassemblements de cette envergure ne sont pas nés d’hier, les modalités d’organisation sont au contraire nouvelles et déroutantes. L’autorité publique craint légitimement les débordements qu’ils risquent de créer. Récemment, lors d’une de ces mobilisations Facebook, un jeune a trouvé la mort. Lié à Facebook ou non, l’autorité publique a jugé bon d’interdire tout « apéro géant », ce qui engendre une tension sociale à laquelle un remède doit être rapidement trouvé. Pour cela, il s’agit de comprendre ce qu’est la nature de ces rencontres, afin de lui appliquer la loi correspondante.
Facebook remet au goût du jour l’exercice de la liberté de réunion. Ce nouveau type de rencontre est en général une manifestation prévue sur la voie publique. Il est légal d’organiser cet évènement, qui est soumis au régime de la déclaration préalable, prévu par le décret-loi du 23 octobre 1935. En effet les organisateurs de la manifestation doivent faire connaître au préfet leur identité et lui annoncer leur intention de réunir sur la voie publique un rassemblement de personnes pour une occasion définie. L’évènement ne fait pas partie de nos us et coutumes. Sa mise en œuvre fait donc l’objet d’une procédure particulière, à savoir celle de la déclaration préalable. Ce régime est généralement le plus favorable à l’exercice de la liberté, car il ne nécessite pas la délivrance d’une autorisation.
Toutefois, la liberté sous-tend des limites, que l’arrêt « Benjamin » du Conseil d’Etat du 19 mai 1933 s’efforce de rappeler. Le dépositaire de l’autorité publique (maire, préfet) peut interdire une manifestation, à condition de faire en sorte de concilier au mieux la liberté de réunion avec la gravité du trouble à l’ordre public.
Si le préfet juge effectivement qu’il y a un risque de trouble à l’ordre public, celui-ci peut parfaitement interdire la manifestation. La preuve en est des désastres que certaines de ces rencontres ont pu causer d’ores et déjà, à savoir la consommation excessive d’alcool qui a donné lieu à de multiples comas éthyliques, le décès d’un participant, les bagarres… Et c’est ce qui cause des mécontentements de la part des organisateurs et de ceux qui souhaitent y participer. Des tensions naissent entre les partisans d’un tel rassemblement, et l’autorité publique.
Malgré ces désaccords majeurs, des solutions peuvent cependant exister.
Dans le principe il s’agit clairement d’une atteinte grave à la liberté de réunion que de voir ces manifestations systématiquement interdites. Il faudrait que les pouvoirs publics se dotent de moyens permettant à la manifestation de se réaliser dans des conditions de sécurité optimales. Il est certain que les interdictions automatiques ne sont pas une solution. Elles ne sont susceptibles que d’entraîner une amplification du phénomène pouvant déboucher sur des réunions illégales, dangereuses, et incontrôlées.
Le recours au médiateur de la République par les organisateurs pourrait constituer un premier pas. Cela faciliterait les rapports entre les parties et empêcherait à un lourd contentieux de se mettre en place. Cette conciliation permettrait aux rencontres Facebook de se dérouler dans le respect de l’ordre public.
Néanmoins, si aucune issue ne se profile, le recours au Conseil d’Etat semble indispensable.
Protecteur des libertés, il a fait ses preuves en 1997* dans une affaire similaire où des manifestations étaient à chaque déclaration, interdites. Le juge administratif a alors contrôlé la décision d’interdiction d’une manifestation de façon poussée en décidant que celle-ci devait se montrer strictement nécessaire. Selon le juge, l’autorité publique ne peut interdire une manifestation en se basant uniquement sur son appréciation discrétionnaire.
A partir de cette jurisprudence, un recours devant le conseil d’Etat peut donc s’avérer efficace. Ainsi, pour prévenir le trouble à l’ordre public, l’administration et les organisateurs doivent collaborer et trouver un terrain d’entente au lieu de s’affronter.
Barbara Quinones
Notes
* CE. 12 nov. 1997, Min de l’Intérieur c/ Assoc. « Communauté tibétaine en France et ses amis ». |