En 2008, la Cour de Cassation a rendu plus de 800 arrêts concernant le licenciement contre seulement une quarantaine en matière de transaction. La rupture conventionnelle, apparue dans les termes de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008 et repris par la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, a pour vocation d’endiguer ce flot de contentieux.
Il s’agit d’un contrat par lequel l’employeur et le salarié conviennent, en commun, des conditions de la rupture du contrat de travail, selon une procédure spécifique, entraînant des conséquences différentes des autres modes de rupture du contrat.
La procédure de la rupture conventionnelle
Le législateur n’a pas encadré l’entretien précédant la rupture conventionnelle d’un quelconque formalisme afin d’optimiser les chances pour les parties de parvenir à un accord. La rupture conventionnelle se faisant d’un commun accord, l’un des contrôles principaux de la Cour de cassation portera sur le caractère éclairé du consentement du salarié.
La procédure de rupture conventionnelle se déroule en quatre temps :
- Un ou plusieurs entretiens préparatoires pendant lesquels le salarié et l’employeur peuvent se faire assister à condition de s’en informer réciproquement ;
- Une signature de la convention de rupture (non obligatoire) dans lesquelles les parties définissent les modalités et conditions de la rupture, les parties en revanche sont tenues de remplir le formulaire d’homologation (modèle fourni par le ministère du travail) qui devra être envoyé à la Direction Départementale du Travail, de l’Emploi et de la Formation (DDTEFP) après le délai de rétractation ;
- Respect du délai de rétractation : à compter de la signature du formulaire de demande d’homologation, chacune des parties dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. La rétractation doit se faire de manière formelle (écrite) et n’a pas à être motivée ;
- Homologation administrative : la DDTEFP dispose d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception du formulaire pour instruire la demande d’homologation. L’examen effectué par l’administration du travail porte notamment sur les règles d’assistance, l’indemnisation de la rupture, le délai de rétractation, la procédure suivie ainsi que la liberté de consentement. Dans l’esprit de la loi, le contrôle de la DDTEFP doit se borner à vérifier l’absence de vice de consentement et ne doit pas prendre en considération les motifs ayant amené les parties à convenir de la rupture du contrat de travail.
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Distinction avec les autres modes de rupture du contrat de travail
La résiliation
Le recours à la rupture conventionnelle semble plus large sur certains aspects et plus restreint sur d’autres.
En effet, quant aux personnes pouvant conclure avec leur employeur une rupture conventionnelle du contrat de travail, le recours semble plus large. Alors que la résiliation amiable est impossible pour les salariés protégés, les salariés inaptes (inaptitude professionnelle ou non), les salariés victimes d’accident du travail ou de maladies professionnelles ainsi que les femmes enceintes, la rupture conventionnelle est, elle, possible. Les garanties de procédure et le fait que la rupture intervienne d’un commun accord, et non simplement sur initiative de l’employeur, justifie cette application plus large de la rupture conventionnelle.
En revanche, quant aux cas de recours à la rupture conventionnelle, ils semblent plus limités. Alors que la résiliation amiable est possible dans le cadre des gestions prévisionnelles de l’emploi et des compétences (GPEC), des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) et des contrats à durée déterminée (CDD), la rupture conventionnelle est elle cantonnée aux contrats à durée indéterminée (CDI) hors cas d’application de GPEC ou PSE.
Quant aux conséquences pécuniaires de ces deux modes de rupture du contrat de travail, elles sont très différentes. Dans le cas d’une résiliation amiable, seule l’indemnité de congés payés est obligatoirement reversée au salarié. En revanche, l’indemnité dans le cadre d’une rupture conventionnelle ne peut être inférieure à l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
La transaction
La rupture conventionnelle a pour but unique de mettre fin aux relations contractuelles des parties et non pas, contrairement à la transaction, de mettre fin par des concessions réciproques à toute contestation née ou à naître résultant de la rupture définitive du contrat de travail. De plus, la rupture conventionnelle ne peut intervenir alors que la rupture du contrat n’est pas encore survenue.
Enfin, la transaction nécessite des concessions réciproques, exigence que l’on ne retrouve pas dans la rupture conventionnelle ; seul le consentement éclairé et une procédure respectée subordonne la validité de cette dernière.
Finalement, la rupture conventionnelle n’a pas autorité de chose jugée. Cette précision est source d’inquiétude chez certains auteurs qui considèrent que la rupture conventionnelle n’emporte pas « sécurisation totale et définitive » de la rupture de la relation contractuelle.
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Les inquiétudes
La première inquiétude concerne l’homologation tacite. Cette disposition déroge à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leur relation avec l’administration qui prévoit que le silence gardé par l’autorité administrative vaut décision de rejet au terme d’un délai de deux mois.
La seconde concerne les dispositions de l’article 12 de l’ANI qui énonce que « ce mode de rupture (la rupture conventionnelle) est prévu sans remettre en cause les modalités de ruptures existantes du CDI ». Cette coexistence de notions proches risque de faire l’objet d’un abondant contentieux au regard de l’article 12 du Code de procédure civile qui énonce que « le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties aurait proposée ».
La troisième s’attache à l’absence de contrôle, par le juge, des motifs ayant incité les parties à conclure une convention de rupture conventionnelle. Cette procédure semble nier l’inégalité de fait qui existe entre l’employeur et le salarié. Le formalisme de la rupture conventionnelle, ayant pour objectif la protection du consentement des parties, et plus particulièrement celui du salarié, permet-il de justifier cette absence de contrôle ?
Tout laisse à penser que la rupture conventionnelle sera largement pratiquée grâce aux garanties qu’elle offre. Néanmoins, la transaction, qui conserve certains avantages indiscutables va perdurer, avec à ses côtés la résiliation amiable, très peu utilisée. Il s’ouvre désormais un large panel d’options afin de parvenir à la rupture du contrat de travail et les parties devront prêter une attention toute particulière afin d’utiliser l’instrument le plus adéquat eu égard à leur situation et aux objectifs poursuivis.
La rupture conventionnelle a pour principale ambition d’accroitre la sécurité juridique et d’endiguer le flot de contentieux du licenciement. Toutefois, le texte législatif paraît incomplet et dangereux sur certains aspects. Le droit du travail est le droit qui tend à régir les rapports entre deux parties inégales, c’est le droit du compromis. Consacrer le mutuus disenssus (dissentiment mutuel), notion supposant l’égalité des parties, dans un cadre professionnel qui se caractérise par l’inégalité des parties a-t-il un sens ?
Alexis Vaudoyer