Le CNE – Chronique d’une mort annoncée

 

 


 

« Le CNE est totalement derrière nous ! ». C’est par ces mots, sonnant comme une épitaphe inscrite sur une pierre tombale, que Xavier Bertrand alors ministre du travail annonça la mort du CNE. Ce contrat créé par le gouvernement Villepin en 2005, contesté dès son entrée en vigueur, n’aura donc survécu que quelque mois avant que son sort ne soit définitivement scellé.



 

 

Pourquoi le CNE a-t-il été tué ?

 

 

En 2005, le taux de chômage frôlait les 10%, touchant de nombreuses catégories de population et majoritairement la classe des jeunes. En effet, en raison des incertitudes liées à l’évolution du marché du travail, les chefs d’entreprises étaient souvent récalcitrants à l’idée de recruter les nouveaux arrivants sur ce marché. Le CNE fut alors imaginé pour faire face à ces réticences.

 

Ce que l’on retiendra du CNE, c’est surtout en effet ses aspects négatifs. Deux points sont surtout mis en avant par les différentes juridictions de l’ordre national et par l’organisation internationale du travail pour expliquer ce désamour :

 

  • Le CNE – destiné aux PME de moins de 20 salariés qui à l’époque représentait 30% de l’emploi salarié – offrait la possibilité pour l’employeur de licencier son salarié dans un délai de deux ans sans avoir à motiver ses décisions. La durée manifestement déraisonnable de ce délai fut ainsi souvent pointée du doigt par les défendeurs du droit des salariés.

  • Le CNE exonérait l’employeur d’une procédure de licenciement longue et lourde (entretien préalable, lettre de licenciement, justification du motif de licenciement…), ce qui fut aussi jugé contraire au droit positif.

 

 

 

 

Comment le CNE a-t-il été tué ?

 

 

C’est par le conseil des prud’hommes de Longjumeau qu’est venue la révolte. Par deux arrêts du 24 février et du 28 avril 2006, il fut en effet décidé que le contrat nouvelle embauche ne répondait pas aux exigences de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (l’OIT) prévoyant l’obligation pour l’employeur de motiver le licenciement de son salarié et d’offrir à celui-ci des moyens valables de défense. Ce même juge requalifia d’ailleurs le CNE litigieux en CDI de droit commun, ouvrant par là même le champ à toutes les juridictions de remettre en cause ces contrats pourtant défendus par les plus hautes têtes pensantes de notre chère république.

 

La décision du conseil des prud’hommes fut alors appuyée par les Cours d’appel de Bordeaux et de Paris en juin/juillet 2007 puis par la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juillet 2008, jugeant tous que le CNE était contraire aux dispositions du droit international.
La décision de la juridiction suprême de l’ordre judiciaire fit suite à l’avis de l’OIT de novembre 2007 concluant également que le contrat n’était pas conforme à sa convention n°158.

 

Devant l’acharnement des juridictions françaises et internationales, le gouvernement ne pouvait maintenir ce contrat. En incluant dans l’article 9 de la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 une disposition abrogeant les dispositions du code du travail relatives au CNE, l’exécutif français acheva d’enterrer un contrat à l’agonie.

 

 

Quel avenir est réservé aux CNE en cours ?

 

 

Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance en 2005, 900000 CNE furent signés et sont donc concernés par la réforme de juin 2008.

 

L’article 9 de la loi portant modernisation du marché du travail dispose donc dans son alinéa deux : « Les contrats nouvelles embauches en cours à la date de publication de la présente loi sont requalifiés en contrat à durée indéterminée de droit commun dont la période d’essai est fixée par voie conventionnelle ou, à défaut, à l’article L. 1221-19 du code du travail. »

 

Il résulte de ces dispositions que les nombreux contrats nouvelles embauches en cours restent valables et ne peuvent être remis en question. L’employeur doit cependant revenir à la procédure légale de licenciement. Toutes ruptures unilatérales de CNE ne se basant pas sur un motif réel et sérieux, ou ne prenant pas en considération la totalité des diligences prévues par le code du travail, seront dès lors sanctionnées. Est ainsi consacrée la solution dégagée par le conseil des prud’hommes de Longjumeau devenu, depuis ses décisions de 2006, l’épicentre du monde pour les adeptes de droit du travail.

 

 

Paul Romatet

 

 

Pour en savoir plus :

Voir la loi portant modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 (n°2008-596) (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019066178&dateTexte=)

Arrêt du TGI Longjumeau 20 février 2006

Cass. Soc. 1er juillet 2008 (N° 07-44.124) (http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/arret_no_11710.html)

Convention 158 de l’OIT – http://www.ilo.org

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