Les messages électroniques échangés depuis l’ordinateur professionnel du salarié et émanant d’une messagerie personnelle sont couverts par le secret des correspondances. Ainsi, les pièces apportées aux débats correspondant aux communications extraites de la boîte mail personnelle du salarié ne peuvent être admises comme moyen de preuve valable par les juges du fond. C’est la décision de l’arrêt rendu le 26 janvier 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Cet arrêt n’est pas sans rappeler le célèbre attendu de principe de l’arrêt Nikon, rendu le 2 octobre 2001 par la haute juridiction qui accorde explicitement le droit pour le salarié de bénéficier « (…) même au temps et au lieu de travail, [du] respect de l’intimité de sa vie privée, que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances, que l’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels et identifiés comme tels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».
Ainsi, l’arrêt du 26 janvier 2016 veille à la préservation de la protection accordée au salarié en France. Il semble s’inscrire dans la lignée jurisprudentielle.
Toutefois, à la lumière d’une jurisprudence abondante sur le sujet, quelques nuances doivent être apportées à ce droit, dans la mesure où les courriers électroniques envoyés et reçus par le salarié à partir de l’ordinateur mis à disposition par son employeur sont présumés être à caractère professionnel (Cass. Soc. 16 mai 2013, n°12-11866). De plus, le salarié utilisant de manière abusive la connexion internet à des fins personnelles et durant les horaires de travail s’expose à un licenciement pour faute grave.
Aussi, dans une récente décision datant du 12 janvier 2016, la CEDH estime que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, la vérification par l’employeur des communications échangées par le salarié durant les heures de travail à partir de l’ordinateur mis à sa disposition est raisonnable. En effet, l’employeur peut être amené à vérifier si un travail effectif est bien réalisé durant les horaires et sur le lieu de travail. Dans cette affaire, les juges ont relevé que les juridictions compétentes n’avaient divulgué aucune information relative à l’identité, ou au contenu exact des communications apportées, et que le requérant avait été informé du règlement de l’entreprise.
Le problème juridique du secret des correspondances du salarié est une question toute aussi délicate que récurrente. Le juste équilibre veillant à préserver les intérêts juridiques des parties, mais surtout leurs droits respectifs semble avoir été trouvé à travers la décision de la CEDH.
Les limites à conférer au droit fondamental à la vie privée semblent aussi délicates à établir au regard des intérêts de l’employeur comme dans d’autres situations bien connues en droit telles que la liberté d’expression et le droit à l’information.
Pour conclure sur un ton plus léger et pour améliorer la clarté des frontières du secret des correspondances des salariés, il pourrait être envisagé de mettre en place des messages préventifs à tout contentieux en indiquant par exemple, sur le modèle du programme national nutritionnel, dans le règlement de l’entreprise : « Tweeter seulement 3 messages personnels par jour travaillé ».
À ce propos, dans son arrêt du 25 février 2016, la cour d’appel de Chambéry a estimé que l’envoi de 90 tweets personnels en l’espace de deux mois, soit 3 tweets par jour ou moins de trois minutes, par un salarié durant ses heures de travail, n’est pas constitutif d’une faute (notamment au regard des fonctions occupées par le salarié, qui l’obligent à être constamment connecté à internet).
Ambre de Vomécourt
Pour plus d’informations à propos de ces décisions voir le site : http://www.thierryvallatavocat.com