En octobre 2017, à la suite d’accusations portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, des témoignages dénonçant les agressions sexuelles et le harcèlement dont font l’objet les femmes au quotidien, et plus particulièrement en milieu professionnel, ont été rendus publics et diffusés sur les réseaux sociaux, notamment par les hashtag #BalanceTonPorc et #MeToo.
C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles porté et présenté par Marlène Schiappa en Conseil des ministres le 21 mars 2018.
Ce que prévoit le projet de loi Schiappa
Ce projet propose de fixer l’âge du consentement sexuel à quinze ans, âge de la majorité sexuelle en France et en-dessous duquel « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu’il soit constituera un viol, lorsque l’auteur connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime », tel que l’avait annoncé la secrétaire d’État dans un article du Monde datant du 8 mars 2018. De plus, toute atteinte sexuelle commise par un majeur sur un mineur constituera une agression sexuelle. Cependant, une plainte restera nécessaire pour que des poursuites soient engagées. La pénalisation ne serait donc pas automatique. Marlène Schiappa a déclaré qu’il « est insupportable pour l’opinion publique que le fait de violer un enfant puisse être qualifié d’atteinte sexuelle, au seul motif que l’enfant avait l’air consentant. »
Cependant, certaines dispositions inquiètent les magistrats, notamment quant à la présomption de culpabilité, bien que la secrétaire d’État assure que ces derniers garderont un pouvoir d’appréciation. Par exemple, si une « histoire d’amour » est identifiée entre deux personnes de 18 et 14 ans, les juges pourront abandonner les poursuites.
De plus, le projet de loi propose d’allonger le délai de prescription des crimes sexuels commis à l’encontre des mineurs à trente ans après la majorité de la victime, contre vingt actuellement.
Enfin, le Gouvernement a décidé, sur proposition d’un rapport parlementaire sur le harcèlement de rue, de créer une infraction « d’outrage sexiste » pouvant être sanctionnée d’une amende de 90 à 750 euros. Cette amende de quatrième classe sanctionnerait les comportements dits déplacés. Marlène Schiappa a qualifié cette amende de « pédagogique » et préventive. Cette mesure comporte deux volets dont un relatif au flagrant délit. La secrétaire d’Etat est également favorable à un stage de sensibilisation à l’égalité femmes-hommes.
Le Haut Conseil, plus sévère, a préconisé d’étendre l’agissement sexiste prévu dans le Code du travail à tous les espaces publics, et de le sanctionner d’une amende allant jusqu’à 1 500 euros, amende de cinquième classe. En cas de récidive, celle-ci irait jusqu’à 3 000 euros et serait accompagnée d’un stage de responsabilisation.
Mme Schiappa a également ajouté à son projet de loi un quatrième volet concernant le cyberharcèlement visant à en renforcer les condamnations et sanctions, notamment en élargissant la définition du harcèlement en ligne.
La prévention contre le sexisme depuis l’École
Parmi les mesures annoncées, certaines concernent les écoles, milieux où l’éducation des futurs citoyens se déroule. Le projet de loi prévoit la nomination de référents dans chaque établissement chargés d’identifier et de faire remonter les problèmes liés à l’inégalité femmes-hommes.
De plus, des séances d’éducation à la sexualité ont été demandées par la secrétaire d’État ainsi que par le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.
L’article 2 du projet de loi
Dans la nuit du 15 au 16 mai 2018, l’Assemblée nationale a adopté l’article 2 du projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes. Avant d’être adopté, l’article a fait polémique, ayant été remis en cause par plus de deux cent cinquante personnes le jugeant peu protecteur des mineurs victimes d’agressions sexuelles et de viols. L’article controversé a cependant fait l’objet d’un contresens, l’associant à tort à un rétrogradation de crime en délit.
L’article dispose que « lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de 15 ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes . »
L’article renforce la définition de « contrainte morale » ou de « surprise », qui sont avec « la violence » et « la menace » les quatre alternatives de la constitution du viol. La contrainte morale pourra désormais découler de l’âge de la victime. Selon l’avocate pénaliste Delphine Meillet, « le juge [d’instruction] a toujours l’opportunité de requalifier les faits. Avec ce projet de loi, il en aura l’obligation. Ce qui signifie que toutes les fois où les magistrats estimeront que la qualification de viol ne correspond pas à l’infraction commise, ils auront l’obligation de requalifier en délit d’atteinte sexuelle. » Le texte n’a donc pas l’intention de requalifier les viols en délits, comme l’ont affirmé les opposants, mais à obliger les juges, lorsque les conditions du viol ne sont pas réunies, à se prononcer sur un délit d’atteinte sexuelle sur mineur. Cela éviterait donc l’acquittement.
Marlène Schiappa a réaffrimé ces propos devant la Commission des lois en expliquant que le texte permettrait soit « une condamnation pour viol, y compris lorsque l’on soutient que l’enfant ne s’est pas débattu, car avoir moins de quinze ans, c’est constitutif de la définition du viol », soit une condamnation pour atteinte sexuelle ce qui permettrait d’éviter l’acquittement.
Un adulte ayant eu une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans risquerait non plus cinq ans d’emprisonnement mais dix, s’il y a eu pénétration. Selon l’article 2, en cas de non pénétration, la peine passe de cinq ans à sept. Le projet de loi vise donc à durcir la loi et renforce la protection des mineurs.
Lola Perez
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