L’enregistrement sonore des débats de la cour d’assises a été mis en place par la loi n° 81-82 du 2 février 1981 et ne relevait jusqu’en 2014 que d’une faculté de son président. La sanction en cas de non-respect de son obligation vient de connaître une modification considérable à la suite d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 20 novembre 2015.
L’article 308 du Code de procédure pénale, prévoyant cet enregistrement, dispose notamment que les débats de la cour d’assises font l’objet d’un enregistrement sonore sous le contrôle de son président et que les supports de cet enregistrement sont placés sous scellés et déposés au greffe de la cour d’assises.
Cet enregistrement sonore peut être utilisé dans plusieurs circonstances :
- devant la cour d’assises, jusqu’au prononcé de l’arrêt
- devant la cour d’assises statuant en appel
- devant la cour de révision et de réexamen saisie d’une demande en révision
- devant la juridiction de renvoi, après cassation ou annulation sur demande en révision
Après présentation des scellés, le premier président fait procéder par un expert à une transcription de l’enregistrement qui est jointe au dossier de la procédure.
Le dernier alinéa dudit article précise également que l’enregistrement sonore des débats de cour d’assises n’est pas prescrit à peine de nullité de la procédure.
Un enregistrement sonore devenu obligatoire depuis 2014
L’enregistrement des débats de la cour d’assises a été rendu obligatoire par la loi n° 2014-640 du 20 juin 2014.
Son article 2 modifie, ainsi, l’article 308 du Code de procédure pénale et prévoit qu’« à l’avenir, les débats de la cour d’assises feront systématiquement l’objet d’un enregistrement sonore, sous le contrôle du président » et que cet enregistrement pourra être utilisé devant la cour de révision.
Un objectif précis : permettre un recours effectif
Céline Parisot, secrétaire nationale de l’Union syndicale des magistrats (USM), précise que « les procès-verbaux des audiences d’assises sont très rudimentaires [et] ne comportent pas le contenu des échanges ».
La mise en place systématique de cette procédure d’enregistrement correspond, dès lors, à une finalité déterminée, celle de faciliter la procédure de révision et de réexamen devant la Cour de cassation.
Une circulaire de la Chancellerie du 24 septembre 2014 a également indiqué que les enregistrements sonores des débats ont « vocation à être utilisé[s] le cas échéant dans une éventuelle procédure de révision, afin de déterminer […] si un élément présenté comme nouveau à l’appui de la demande de révision a ou non été débattu par la cour d’assises et porté à la connaissance des jurés ».
Ces enregistrements permettent ainsi de faciliter la preuve de l’élément nouveau dans le cadre de ces procédures et de contrôler les éléments abordés ou non au cours de l’audience.
Ils présentent, dès lors, un impact décisif sur l’appréciation de la recevabilité des recours.
L’enregistrement des débats de la cour d’assises a, néanmoins, fait l’objet de controverses et de multiples débats.
Une mise en place limitée de la procédure d’enregistrement
Tout d’abord, certains magistrats déplorent que seuls les enregistrements sonores soient concernés par le recours systématique et souhaiteraient que l’obligation des enregistrements sonores soit étendue aux enregistrements audiovisuels, qui demeurent quant à eux facultatifs.
Cela avantagerait la retranscription des émotions des parties et des réponses parfois gestuelles de ces dernières dont la portée ne saurait être limitée
De plus, les enregistrements sonores présenteraient un effet certain sur les professionnels du droit qui se montreraient davantage méticuleux et mesurés dans la préparation de leurs interventions.
Il semble également que la mise en place d’une procédure d’enregistrement sonore systématique doive affronter un manque de moyens considérable du côté des juridictions dont certaines demeurent inéquipées matériellement.
Le ministère de la Justice signale, ainsi, que « sur trente cours d’appel sondées (sur les 36 existantes), la moitié (50,6 %) des salles dédiées aux assises sont équipées en matériel d’enregistrement sonore ».
Le ministère semble, cependant, avoir prévu une vague d’installation de dispositifs au niveau national, pour l’année à venir, afin de remédier à ce manque de matériel certain, mettant en péril la mise en place de la procédure d’enregistrement sonore.
Enfin, l’enregistrement sonore des débats en cour d’assises ne se trouve pas prescrit à peine de nullité, comme l’indique le dernier alinéa de l’actuel article 308 du Code de procédure pénale.
Ainsi, la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement sonore n’emporte aucune sanction.
L’intérêt de l’obligation prononcée en 2014 s’en trouve, dès lors, affecté.
L’avocat François Saint-Pierre estime sur ce point qu’« il appartient aux avocats et également aux avocats généraux de déposer des conclusions pour protester contre cette absence d’équipement, en faisant acter que la procédure n’est pas régulière afin de la faire soumettre à la Cour de cassation ».
Le revirement opéré par la décision du Conseil constitutionnel du 20 novembre 2015 : La caractérisation d’un droit à l’enregistrement sonore des débats de cour d’assises
C’est sur cette question de non-sanction de l’absence d’enregistrement sonore des débats de cour d’assises qu’a dû se prononcer le Conseil constitutionnel le 20 novembre dernier.
La constitutionnalité du dernier alinéa de l’article 308 du Code de procédure pénale a ainsi été remise en question par Patrice Spinosi.
L’avocat au conseil a formé une question prioritaire de constitutionnalité sur le fait de savoir si les dispositions du dernier alinéa de l’article 308 du Code de procédure pénale, en ce qu’elles prévoient que l’enregistrement sonore devant la cour d’assises n’est pas prescrit à peine de nullité, porteraient atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au droit à un recours effectif ainsi qu’au principe d’égalité devant la justice garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Selon Patrice Spinosi, une rupture d’égalité est ainsi caractérisée.
Il serait, de ce fait, vivement critiquable qu’un individu, jugé dans une cour d’assises ayant l’équipement nécessaire pour enregistrer les débats, soit favorisé par rapport à un autre justiciable, jugé dans une cour non équipée, au vu des effets accordés à ces enregistrements, notamment en matière de preuve d’éléments nouveaux et de recours en révision.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 novembre 2015 relative à la question prioritaire de constitutionnalité posée par Me Spinosi, rappelle que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 prévoit que toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
Cet article garantit ainsi, selon le Conseil, « le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ainsi que le respect des droits de la défense qui implique le droit à une procédure juste et équitable ».
Il est, de ce fait, relevé que « le législateur a conféré aux parties un droit à l’enregistrement sonore des débats de la cour d’assises » et « qu’en interdisant toute forme de recours en annulation en cas d’inobservation de cette formalité, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ».
Le Conseil constitutionnel prononce alors l’inconstitutionnalité des dispositions du dernier alinéa de l’article 308 du Code de procédure pénale.
Il est, cependant, précisé que l’abrogation immédiate de l’alinéa litigieux aurait des « conséquences manifestement excessives », en ce qu’elle engendrerait « la nullité ou [l’empêchement de] la tenue d’un nombre important de procès d’assises et, de plus, remettrait en cause l’absence de sanction par une nullité procédurale de la méconnaissance des dispositions de l’article 308 du Code de procédure pénale autres que celles de son second alinéa ».
L’abrogation du dernier alinéa de l’article 308 du Code de procédure pénale ne sera, de ce fait, que prononcée à partir du 1er septembre 2016.
Les arrêts de cour d’assises délivrés jusqu’à cette date ne pourront ainsi être remis en question sur le fondement de la décision d’inconstitutionnalité rendue par le Conseil constitutionnel.
Camille BERTHON
Bibliographie
n°81-82, 2 Février 1981
n° 2014-640, 20 juin 2014
Ministère de la justice, Circulaire du 24 Septembre 2014
Cour de cassation, Chambre criminelle, QPC, 9 Septembre 2015, n° 15-81.208
Conseil Constitutionnel, 20 novembre 2015, n° 2015-499
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