Certitudes médicales nécessaires en cas d’arrêt de traitement

Le Conseil d’Etat dans sa décision rendue en référé du 8 mars 2017 (1) précise que les certitudes médicales sont nécessaires en matière d’arrêt de traitement dans la mise en œuvre de la procédure collégiale par les professionnels de santé.

L’affaire en question

En l’espèce, il est question d’un enfant admis en septembre 2016 dans un hôpital de Marseille en ayant contracté un virus. L’enfant est victime d’un entérovirus entrainant des lésions neurologiques définitives dans la zone du bulbe et de la moelle cervicale haute du cerveau entrainant un polyhandicap majeur avec une paralysie des membres nécessitant une ventilation mécanique et une alimentation par voie entérale2. Face à la situation, les médecins décident de mettre en œuvre la procédure collégiale prévue à l’article L 1110-5-1 du code de la santé publique.

Cette décision de mettre en œuvre cette procédure collégiale est prise par les médecins après constatation d’une « obstination déraisonnable ». Le 4 septembre 2016, les médecins décident à l’unanimité l’arrêt des soins du patient, mais les parents opposent leur refus. L’affaire est alors portée devant le tribunal administratif de Marseille.

Pour fonder son argumentation, l’assistance publique-Hôpital de Marseille, représentant des médecins, met en avant que tous les efforts nécessaires ont été mis en avant et que la poursuite des soins constitue une« obstination déraisonnable ». Un rapport est également fourni par le corps médical en charge du patient qui fait état d’un « enfant conscient mais atteint d’un déficit moteur majeur », « irréversible » et d’une « atteinte neurologique sévère ». Trois experts indépendants viennent confirmer le premier rapport interne de l’hôpital en faisant état d’un « pronostic clinique extrêmement négatif » dont il résultera un enfant « grabataire ». Pourtant le tribunal administratif requiert la poursuite des soins en se fondant sur le fait que la décision d’arrêter les traitements était prématurée car prise au terme d’un délai qui n’était pas suffisamment long pour évaluer, de manière certaine, l’inefficacité thérapeutique en cours et la consolidation de l’état de santé de l’enfant ». Le juge administratif décide également de mettre en avant « l’importance particulière » de l’avis des parents. L’assistance publique-Hôpital de Marseille conteste alors la décision et forme en recours devant le Conseil d’Etat en dénonçant toujours « l’obstination déraisonnable ».

La décision du Conseil d’Etat

Dans sa décision du 08 mars 2017, le Conseil d’Etat confirme la décision du tribunal administratif et ordonne la poursuite des soins du patient. Pour le Conseil d’Etat en effet les conditions de l’article L 1110-5-1 du code de la santé publique, à savoir « l’obstination déraisonnable » n’est pas remplie.

La Haute juridiction administrative se fonde dans son considérant 22 sur le fait qu’en dépit des rapports médicaux des experts, « l’état de conscience de l’enfant n’est- pas en l’état de l’instruction- déterminé de manière certaine » et que «  malgré le pronostic extrêmement péjoratif établi par les experts médicaux, compte tenu des éléments d’amélioration constatés de l’état de conscience de l’enfant et de l’incertitude à la date de la présente ordonnance sur l’évolution future de cet état, l’arrêt des traitements ne peut être regardé comme pris au terme d’un délai suffisamment long pour évaluer de manière certaine les conséquences de ses lésions neurologiques ». Elle confirme également dans son considérant 23 « l’importance particulière » de l’avis des parents « qui s’opposent tous les deux à l’arrêt des traitements ».

Aux termes de cet article L1110-5 al 1 du code de la santé publique, le Conseil d’Etat démontre la nécessité d’une certitude médicale que le patient maintenu artificiellement en vie ne verra pas son état s’améliorer. Or en l’espèce, les expertises médicales n’étaient pas certaines quant à l’avenir de l’état de santé du patient. Dans l’affaire Lambert au contraire, l’arrêt des soins avait été permis en considération du fait que tous les soins possibles avaient été prodigués et qu’une situation d’obstination déraisonnable était caractérisée (décision qui fût néanmoins censurée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme).                                                                                   

(1) CE, 8 mars 2017 AP-HM.

Nelly Bytchkowsky.

 

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