La directive distribution en assurance, entrée en vigueur le 23 février 2016, doit être transposée en droit français au plus tard au 23 février 2018. Elle annonce de grands changements pour les intermédiaires d’assurance dans un but de protection accrue du consommateur.
La directive 2002/92/CE du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance avait déjà modifié en profondeur le droit s’appliquant aux intermédiaires d’assurance en prévoyant des règles de protection du consommateur et une concurrence équitable entre les acteurs intervenant sur ce marché. Mais c’était sans compter sur l’extension du marché de l’assurance, l’apparition de nouveaux modes de distribution et surtout la crise financière de 2008 qui ont nécessité une nouvelle intervention du législateur européen afin de rétablir une confiance quelque peu perdue du consommateur et encadrer les nouveaux modes de distribution. Et c’est chose faite avec la nouvelle directive.
Tout d’abord, une précision terminologique s’impose. La nouvelle directive parle non plus d’intermédiation en assurance comme son prédécesseur mais de distribution en assurance. En effet, la directive de 2002 s’appliquait aux intermédiaires d’assurance définis comme les personnes exerçant « toute activité consistant à présenter ou proposer des contrats d’assurance, ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, ou à les conclure, ou à contribuer à leur gestion, et à leur exécution, notamment en cas de sinistre » (article 2 alinéa 3 de la directive du 9 décembre 2002, reprise par l’article L511-1 du Code des Assurances). Cette définition concernait principalement les agents généraux d’assurance, mandataires de compagnie d’assurance, ou encore les courtiers, chargés de mettre en relation des assurés potentiels avec des assureurs. Mais la nouvelle directive parle de distribution de l’assurance, qu’elle définit comme « toute activité consistant à fournir des conseils sur des contrats d’assurance, à proposer des contrats d’assurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, à conclure de tels contrats, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre, y compris la fourniture d’informations sur un ou plusieurs contrats d’assurance selon des critères choisis par le client sur un site internet ou par d’autres moyens de communication et l’établissement d’un classement de produits d’assurance comprenant une comparaison des prix et des produits, ou une remise de prime, lorsque le client peut conclure un contrat directement ou indirectement au moyen d’un site internet ou d’autres moyens de communication » (article 2, paragraphe 1 de la directive).
La directive reprend en fait la définition qui existait déjà en réalisant des ajouts pour soumettre aux obligations de la directive davantage d’acteurs intervenant sur le marché de l’assurance, et notamment les comparateurs d’assurance sur Internet qui se sont multipliés depuis une dizaine d’années. Ces derniers, bien souvent, se proposaient de comparer objectivement les offres des assureurs et proposer les plus rentables d’entre elles alors même qu’ils étaient rémunérés par les compagnies d’assurance pour promouvoir leurs produits, ce qui pouvait induire en erreur le consommateur qui se fiait à ces derniers. Le but est donc de protéger le consommateur contre les nouveaux acteurs qui n’étaient pas des intermédiaires d’assurance stricto sensu et qui échappaient donc aux règles contraignantes de la directive en les soumettant aux mêmes obligations. La nouvelle définition inclue également les entreprises d’assurance dès lors qu’elles se livrent directement à une activité de distribution sans intermédiaire en faisant appel par exemple à leur réseau interne ; le législateur européen a décidé d’inclure les entreprises d’assurance dans le périmètre de la distribution (alors qu’elles ne sont pas des intermédiaires d’assurance) afin d’éviter qu’elles ne contournent les obligations de conseil et d’informations imposées par la directive.
Cette différence terminologique mise de côté, la nouvelle directive impose aux distributeurs d’assurance de se soumettre à une formation continue d’au moins quinze heures par an dont elle fixe le programme, qui est adapté à la fonction des distributeurs, aux types de produits qu’ils proposent ou encore à la branche dans laquelle ils exercent. Cette exigence de formation continue est tout à fait novatrice et s’inscrit dans la volonté du législateur européen d’harmoniser les niveaux de compétence des distributeurs au sein de l’Union Européenne.
Une autre nouveauté de la directive concerne la transparence de la rémunération des distributeurs. L’article 19 prévoit que l’intermédiaire doit informer son client sur la nature de la rémunération qu’il reçoit lors de la conclusion du contrat d’assurance. Sans aller jusqu’à la divulgation du montant de la commission, l’intermédiaire devra notamment préciser s’il reçoit des honoraires, des commissions ou tout avantage économique suite à a conclusion du contrat.
Par contre, la directive n’impose pas le devoir de conseil pour la vente de chaque produit d’assurance, même si les Etats membres peuvent en décider autrement (certains experts pensent que la France l’imposera pour la souscription de tout contrat d’assurance), mais elle exige en l’absence de ce devoir de conseil de proposer néanmoins un contrat adapté au besoin du client : ici, c’est l’obligation d’agir au mieux des intérêts du client qui fait surface, obligation essentielle de la nouvelle directive qui instaure par ailleurs des règles de prévention de conflit d’intérêts afin de ne pas compromettre la primauté des intérêts du client.
Un point phare de la directive enfin concerne la notion de « gouvernance produit » introduite en distribution de l’assurance. En vertu de cette notion, chaque assureur qui créera un produit d’assurance devra contrôler sa commercialisation depuis sa création jusqu’à sa souscription par les clients. La directive impose à un assureur créateur d’un produit d’assurance de se soumettre à ce qu’elle appelle une « procédure de validation » dans le but de définir le marché cible, et évaluer ainsi les risques pesant sur ce marché et adopter une stratégie de commercialisation adaptée. Cette mesure a pour but d’empêcher la distribution de contrats d’assurance abusifs et d’adapter tous les produits d’assurances aux besoins réels des clients.
Il convient de préciser dernièrement que la directive a d’ores et déjà prévu des modifications qui pourront intervenir en confiant des actes délégués à la Commission Européenne, qui va pouvoir prendre si nécessaire des textes complémentaires pour préciser certains points de la directive, mais aussi l’Autorité Européenne des assurances et des pensions professionnelles qui sera chargée d’établir des avis. Il ressort donc que les choses ne sont pas complètement fixées, ce pourquoi il est précisé que la directive sera réexaminée au plus tard le 23 février 2021.
Rosa Yiligin
Pour en savoir +:
- « Distribution d’assurance : de la DIA à la DDA », Pierre-Grégoire Marly, L’essentiel droit des assurances mars 2016 n°3.
- « La directive sur la distribution d’assurance », Richard Ghueldre et Charles-Eric Delamare-Deboutteville- Revue générale de droit des assurances, juillet 2016, numéro 16.