Droit des assurances : la couverture des risques pandémiques en question

Séverine Tavennec 29 avril 2020 Droit des assurances

« Les assurances doivent participer à la reconstruction économique du pays, même si ce n’était pas prévu dans les contrats » affirmait Gérard Darmanin, ministre des comptes publics, dans son discours du 14 avril 2020. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises demeurent inquiètes quant à la pérennité de leur activité. Dès lors, dans quelle mesure la pandémie mondiale de Covid-19 met-elle au jour les enjeux liés au sort des contrats d’assurance ?

Garantie perte d’exploitation et risque pandémique

La garantie perte d’exploitation peut-elle être mise en œuvre dans le cadre de la pandémie de Covid-19 ? En droit des assurances, la garantie perte d’exploitation incluse dans les contrats d’assurance est conditionnée par la réalisation d’un dommage matériel. Cette exigence n’est cependant pas remplie s’agissant des conséquences pécuniaires résultant de la pandémie de Covid-19. Ainsi, seuls les assurés ayant souscrits un contrat « perte d’exploitation sans dommage matériel » pourront être couverts des risques sanitaires que nous connaissons aujourd’hui.

Cependant, des exclusions au contrat d’assurance sont très souvent prévues pour les pandémies. Selon l’article L112-4 du Code des assurances, « les clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ». Son interprétation est stricte puisque les clauses qui ne seraient pas en caractères très apparents sont inopposables à l’assuré. De même, l’article L211-11 du Code de la consommation prévoit que le contrat d’assurance, archétype du contrat d’adhésion, s’interprète en faveur du débiteur de l’obligation, soit contre l’assureur. Dès lors, à défaut d’ambiguïté, un contrat qui exclue explicitement la pandémie, par une clause à caractère très apparent et qui a été accepté par l’assuré dans les formes requises par l’article L112-2 du Code des assurances, ne peut être opposé à l’assureur.

Vers la création d’un nouveau produit d’assurance ?

Face aux pertes engendrées par le coronavirus pour les entreprises et particuliers, la question de la création d’un nouveau produit d’assurance (« Product Oversized Governance ») est plus que jamais au cœur des débats. Néanmoins, couvrir de tels risques serait difficilement envisageable en raison des coûts importants des primes qui y seraient associés. Faudrait-il dans ce cas faire jouer la réassurance, soit le fait qu’une entreprise d’assurance se fasse assurer à son tour pour les risques qu’elle a pris en charge et qu’elle assure ? De même, la coassurance, soit la division des risques entre plusieurs assureurs, serait-elle une garantie suffisante pour envisager la création d’un tel produit d’assurance ? Ces mécanismes auraient pour but de favoriser davantage de protection aux sociétés d’assurance, qui peuvent paraître réticentes à créer des produits d’assurance sur des risques quasi-inassurables au regard de leur ampleur.

L’espoir semble renaître du discours de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, qui a annoncé dans son allocution du 23 mars dernier, après une négociation ardue avec le comité de présidence de la Fédération française des assurances (FFA), que les compagnies d’assurance s’engageraient à indemniser jusqu’à un plafond de 200 millions d’euros conformément au fonds de solidarité créé par le gouvernement et à travailler à la conception d’un nouveau produit d’assurance dans l’hypothèse d’une catastrophe sanitaire majeure.

Maxime Loriot en M1 de droit et économie à Paris-2 Panthéon-Assas

Sources :