L’Intelligence Economique (IE), notion apparue au début des années 1990 est d’une importance capitale pour affronter la compétition économique mondiale. Cependant l’IE reste pour beaucoup un mystère, dans sa définition comme dans son encadrement juridique.
Un moyen de se protéger dans la guerre économique
Dans notre époque en perpétuelle avancée, ancrée dans un cadre de « guerre économique », les prouesses technologiques sont autant d’armes nouvelles pour la concurrence.
L’intelligence économique s’érige, pour les entreprises mais aussi pour l’État, comme un moyen d’affronter ces différents fléaux. Elle se base sur la collecte d’informations pour permettre de développer les stratégies nécessaires pour résister aux différentes attaques : fuites d’informations et autres dangers auxquels les acteurs économiques sont perpétuellement exposés.
Parmi les outils utilisés par les différents acteurs de l’intelligence économique, la majorité sont des instruments d’information dits « Open Source ». Le premier d’entre eux ? Internet ! Donnant accès à une large base de données à travers les moteurs de recherche il permet de mettre en place différentes stratégies de recherche d’image, de veille, et de trouver des résultats d’occurrence positive ou négative sur des personnes, des entreprises qui ont un impact économique.
Cet aspect informationnel ne peut cependant pas toujours se contenter de moyens « virtuels » comme ceux fournis par Internet. C’est pourquoi de véritables mécanismes sont mis en place entre les différents acteurs de l’intelligence économique. Le travail effectué par les analystes servira régulièrement de base pour différents autres acteurs amenés à agir sur le terrain dans le cadre de vérifications d’informations, de suivi des évolutions d’une information en temps réel etc. L’intelligence économique met par ailleurs en
place des outils de défense de l’information en faisant appel à différents spécialistes en informatique, ingénierie de sécurité mais aussi aux spécialistes de la formation et de l’audit (KER-MEUR SA, GEOS…). La participation de ces spécialistes permet de démontrer et de corriger certaines menaces, internes ou externes aux entreprises, pour une meilleure gestion des risques.
Une pratique légale
Une approche dans le flou législatif
Une des notions les plus importantes en intelligence économique concerne le secret des affaires, notion controversée à en croire les conceptions opposées de différents acteurs. Claude Mathon, avocat général à la Cour de cassation et président de l’Association des conférenciers en sécurité économique (ACSE) déclare que « le secret des affaires n’existe pas ! Il n’en existe aucune définition juridique, c’est une notion purement littéraire ». Au contraire le ministre de l’Économie et des Finances en propose une définition « Le secret des affaires protège les informations relatives à la rentabilité de l’entreprise, à son chiffre d’affaires, à sa clientèle, à ses pratiques commerciales, à ses coûts, à sa part de marché ainsi qu’à d’autres données sensibles.»
C’est pourquoi le 16 juillet 2014, la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires a été déposée à l’assemblée nationale par le député et président de la Commission des lois Jean-Jacques Urvoas. Celle-ci devait permettre aux acteurs économiques français de mieux se prémunir contre l’espionnage industriel. Mais face à la pression des journalistes invoquant le risque de restriction de la liberté de la presse avec notamment les « lanceurs d’alertes », le projet a été abandonné fin janvier. Il a néanmoins été repris par l’Union européenne. Suite à une proposition en novembre 2013 par la Commission européenne, la commission juridique du Parlement européen a donné son feu vert à la directive le 16 juin 2015. Si celle-ci est votée par le Parlement et approuvée par le Conseil de l’Union européenne, alors les 28 États de l’Union européenne devront prendre les mesures nécessaires pour que leurs lois définissent le secret des affaires et des sanctions pour ceux qui les enfreignent.
Une nouvelle fois, la presse est montée au créneau, via une pétition lancée par Élise Lucet, toujours sur le fondement de liberté de la presse et des menaces que cette directive engendre pour l’information.
Si la loi ne définit pas d’obligations ni d’interdictions à l’intelligence économiques, certaines pratiques sont toutefois prohibées. Ces normes pourraient même être utilisées dans un cadre de recherche d’information et par conséquent dans le monde de l’intelligence économique. Ainsi, rémunérer l’acquisition de renseignements auprès d’une personne dépositaire de l’autorité publique est prohibé (435-1s du Code Pénal), ainsi qu’intercepter des correspondances et en prendre frauduleusement connaissance. Même interdiction pour les écoutes illégales (Article 226-15 du Code pénal).
L’intelligence économique est une activité qui reste dans le flou législatif, comme dans une « zone grise ». Aucune définition légale, aucun article ne traite réellement en profondeur de l’intelligence économique. Elle reste donc encore sujette à litiges. Les prochains mois seront importants pour son devenir mais aussi pour le droit de la presse français dans sa globalité. Les éventuelles suites données à la directive européenne seront déterminantes.