Avec l’instauration du 3ème paquet énergie en 2009, l’Union Européenne entend accélérer la mise en place d’un marché de l’énergie concurrentiel. Les directives 2009/72/CE et 2009/73/CE poursuivent donc l’ouverture à la concurrence qui a été initiée en 1996 et 1998 avec le 1er paquet énergie. Ces directives prévoient différentes obligations pour les entreprises du secteur de l’énergie, mais il en est une qui retiendra l’attention car elle revêt une importance particulière.
Cette obligation porte sur le découplage, des entreprises verticalement intégrées à l’image des anciens EPIC en charge en France de la production, du transport, du stockage, et de la distribution d’énergie. Les entreprises verticalement intégrées sont des sociétés qui détiennent tous les maillons d‘une chaine de production, (fabrication, transport, distribution etc.). Les directives imposent à ces firmes de procéder le plus rapidement possible à leur dissociation.
Cette dissociation est capitale dans la mise en place d’une vraie concurrence entre opérateurs en permettant à ceux ne disposant pas d’infrastructures essentielles de pouvoir accéder à celles d’un opérateur historique verticalement intégré. Le découplage est un mécanisme structurel supplémentaire de garantie d’égal accès à ces infrastructures afin de permettre aux entrants de pouvoir lutter à armes égales avec les opérateurs historiques.
Pour assurer l’effectivité de ce découplage, la Commission Européenne a envisagé trois formes de dissociation des activités qui s’analysent avec la notion de contrôle telle qu’issue du règlement 139/2004 : ownership unbundling (OU), independent system operator (ISO), independent transport operator (ITO).
OU
C’est la forme de séparation la plus poussée des trois. L’entreprise de production et l’entreprise en charge de l’infrastructure sont deux personnes morales distinctes et aucune des deux ne peut exercer de « contrôle » sur l’autre. Les participations dans le capital ne donnent pas droit de vote ou de nomination des administrateurs ou membres exécutifs et ces participations doivent être minoritaires. Les infrastructures appartiennent à l’entreprise de gestion.
ISO
C’est une forme intermédiaire de découplage. L’infrastructure appartient à l’entreprise de production qui confie son exploitation à une autre société à la personnalité morale propre et qui dispose de moyens techniques et humains suffisants. Il y a un contrat de leasing entre le propriétaire de l’infrastructure et la société de service qui l’exploite (l’ISO). Ici la notion d’indépendance est utilisée pour caractériser les rapports qui existent entre l’ISO et le propriétaire de l’infrastructure. La Commission considère qu’il y a indépendance lorsque l’ISO n’est pas contrôlé au sens de la notion donnée par le règlement 139/2004 (organisation autonome avec des moyens financiers, techniques et humains suffisants pour la bonne réalisation de sa mission, une prise de décision autonome, un engagement de gestion non discriminatoire entre l’ISO et le propriétaire).
ITO
C’est la forme la moins poussée de découplage. L’entreprise reste verticalement intégrée, mais elle crée en interne une branche totalement indépendante du reste de ses activités. Cette forme de découplage est sûrement celle qui fera l’objet de la plus étroite surveillance de la part des autorités de régulation et de la Commission. La firme verticalement intégrée doit se plier aux exigences suivantes. Elle ne peut pas exercer de contrôle au sens défini ci-dessus. Ainsi la partie « infrastructure » de la firme intégrée doit disposer de tous les actifs nécessaires pour mener à bien sa mission y compris si cela conduit à des doublons (humains, logistiques, IT). Les contrats entre l’ITO et le reste de la firme verticalement intégrée (pour les activités sensibles) doivent être approuvés par le régulateur.
La Commission fait donc une réutilisation originale de la notion de contrôle afin de poursuivre sa mission de création d’un marché de l’énergie hautement concurrentiel.
Romain Deflandre
Sources :
Directives 2009/72/CE, 2009/73/CE
Règlements 714/2009, 715/2009, 139/2004
ADLC, Avis n° 02-A-08, 22/05/2002
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