La période estivale 2010 fût aux yeux de tout amateur de football français une immense déception. En son sein, un homme sort du lot comme coupable principal : Raymond Domenech. En 2006, il aurait pu être le héros de la nation, à défaut, il est la cause de tous les maux du football français depuis quatre ans. Son périple s’achève le vendredi 3 Septembre 2010, il est licencié pour faute grave. Finalisé par une transaction conséquente, un remplaçant qui a déjà conquis son pays, l’opinion semble satisfaite de cette échappatoire.
S’il est moralement acceptable, ce licenciement pour faute grave est juridiquement erroné.
Selon le code du travail, il existe deux catégories de licenciements : Le licenciement pour motif personnel, inhérent à la personne du salarié et le licenciement pour motif économique. En l’espèce, il s’agit d’un licenciement pour faute grave. Le Code du travail ne définit pas cette dernière, et la jurisprudence s’en tient à une définition pragmatique : la faute du salarié est constituée d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables à ce dernier, constituant une violation des obligations contractuelles dont l’importance rend impossible le maintien de la relation au sein de l’entreprise. La preuve incombe à l’employeur.
Les faits reprochés à Raymond Domenech par la Fédération Française de Football sont de deux mois les prédécesseurs du licenciement : cette procédure constitue donc une violation de l’article L 1332-4 du Code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».
Voici les faits imputés Raymond Domenech : avoir sciemment dissimulé au président Escalettes l’attaque verbale d’Anelka à la mi-temps de France-Mexique (Cf. « Une » de l’équipe du 19 juin 2010) le 17 juin ; avoir lu le communiqué des joueurs grévistes de Knysna, le 20 juin, alors qu’il était contraire aux intérêts de son employeur ; avoir refusé de serrer la main du sélectionneur de l’Afrique du Sud à l’issue de l’ultime défaite des Bleus, le 22 juin. Raymond Domenech a été reçu le 25 août pour son entretien préalable. Le délai de prescription imposé par le code a donc été dépassé. Son avocat, Emmanuel Mauger, ajoute : « Une faute grave, c’est souvent un acte d’insubordination, des violences ou des insultes à l’égard de l’employeur, des ordres non-respectés ». Dans le cas Domenech, cela ressemble davantage à des problèmes de « comportement ».
Cependant, le droit commun pourrait être écarté au profit de la Charte du Football Professionnel. En effet, la Cour de cassation lui a reconnue valeur de convention collective, ce qui la fait donc prévaloir, sauf silence. Mais à nouveau, un obstacle de taille : la Charte ne dit rien, elle constitue un néant juridique quant au licenciement d’un sélectionneur national. L’on peut toutefois trouver dans l’article 51 du Chapitre 2 du Titre 1 une vague allusion à la compétence de « La commission juridique » pour à peu près tout ce qui touche au football professionnel.
La jurisprudence n’est pas plus loquace sur la question et l’on peut déplorer le manque cruel de réponses sur ces problématiques aux enjeux économiques majeurs. Une décision de la Chambre sociale de la Cour de cassation se rapproche vaguement du cas d’espèce (Cass. soc., 4 juin 2009, n° 07-41.631, FS D, SA Le Football Club Sochaux Montbéliard c/ Fernandez) mais ne fait que confirmer la compétence de la commission et emprunte autant au droit commun qu’à cette convention collective relativement muette pour rendre une décision neutre.
Force est de constater que la FFF aspire à entériner ce fiasco par une transaction (environ 2 millions d’euros), ce qui est une façon de reconnaître que l’employeur n’est pas fondé, en droit, à limoger son salarié. Depuis, Raymond Domenech a été nommé trésorier bénévole de l’UNECATEF (l’Union Nationale des Entraîneurs et Cadres Techniques du Football Français) et participe à un débat réunissant des représentants de joueurs (UNFP), des clubs (UCPF) et des entraîneurs (UNECATEF) au sujet des « droits sociaux régissant le football« .
Dino Jaegle