La sélection à l’entrée du master 2 est une étape indiscutablement redoutée par les étudiants en licence et master 1. Les récentes décisions des tribunaux administratifs ont propagé une véritable onde de choc dans le monde universitaire, ébranlant au passage l’ensemble du système de sélection mis en place dans les facultés françaises depuis l’harmonisation européenne LMD.
Des sélections jusqu’alors sans base légale
Au cœur de vifs débats, les affaires visant à remettre en cause la légalité de cette sélection se sont multipliées ces dernières années. A ce propos, les tribunaux administratifs de Bordeaux, de Chalons-en Champagne, mais également de Strasbourg avaient accueilli la demande d’étudiants amers de ne pas avoir pu accéder au master tant convoité[1].
Si l’article L.612-6 du Code de l’éducation et l’article 16 de l’arrêté du 25 avril 2002 prévoient bien la possibilité de limiter les admissions en master selon « les capacités d’accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat », deux problèmes liés à l’application de cette sélection ont été soulevés.
Le premier concerne l’article L.612-6 dont les dispositions conditionnent expressément la sélection à la mention de la formation concernée sur une liste « établie par décret après avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche». Néanmoins, ce décret n’est jamais intervenu.
Le second concerne l’arrêté du 25 avril 2002dont les dispositions ont été abrogées par l’arrêté du 22 janvier 2014.
Un décret d’application en cours de discussion
Ce flou juridique ne pouvant perdurer, le Conseil d’Etat a été saisi de deux demandes d’avis de contentieux (n°s 394594, 394595). Ce dernier est venu affirmer qu’en l’absence de liste limitative établie par décret, aucune limitation à l’admission des candidats ne pouvait avoir lieu pour les formations de deuxième cycle ne faisant pas l’objet d’une inscription sur la liste établie à cette fin. Cet avis est valable pour l’accès comme pour la poursuite des études en second cycle, Master 1 comme Master 2 donc.
Si de prime abord, cette affirmation semble mettre un terme à toute ambigüité, la réalité est un peu moins tranchée. En effet, à l’heure actuelle aucun texte clair et sans équivoque ne se prononce sur le procédé d’admission applicable à la rentrée prochaine pour les masters.
Ainsi, les incertitudes perdurent et nécessitent l’intervention du gouvernement pour rétablir avec promptitude la sécurité juridique des étudiants et des présidents d’université.
Selon un communiqué du ministère de l’éducation nationale un décret « permettant de sécuriser le fonctionnement actuel du cycle de master »[2] devrait intervenir prochainement.
La conférence des présidents d’université rappelle l’enjeu crucial et la nécessité d’établir une sélection permettant de veiller à la valorisation des diplômes, la réussite de l’insertion professionnelle et de la « consolidation du potentiel scientifique de notre pays »[3].
Une proposition de liste limitative établie par les présidents d’université devait être communiquée à la Dgesip[4] au plus tard le 14 mars afin de permettre au Cneser[5] d’effectuer un projet de décret pour le 18 avril prochain[6].
Contrairement aux espoirs des principaux syndicats étudiants, la sélection des masters sera belle et bien de mise pour les futures rentrées universitaires.
Le décret de l’urgence (Mise à jour)
La rentrée universitaire – et surtout ses préparatifs – se rapprochant, un projet de décret soumis au conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche dresse une liste limitative visant spécifiquement les masters autorisés à effectuer une sélection.
Au sein de cette liste, pas moins de 1304 intitulés de formation de diverses universités sont présents. Autrement dit, c’est une part s’élevant à 42% des masters qui sera autorisée à procéder à cette sélection et ce, dès la prochaine rentrée universitaire. Plus spécifiquement, le droit fait l’objet, à lui seul, de 250 mentions.
Il convient également de relever que l’article 2 du décret précise explicitement que « La liste des mentions du diplôme national de master pour lesquelles l’admission en seconde année peut dépendre des capacités d’accueil de l’établissement d’enseignement supérieur telles qu’il les a fixées et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat, selon des modalités définies par l’établissement, est fixée en annexe au présent décret. » Ainsi, les établissements bénéficient toujours d’une certaine marge de manoeuvre. Ce décret viendrait alors régulariser une situation pratiquée depuis environ une quinzaine d’année sans qu’il n’y ait de véritables conséquences pour la rentrée universitaire prochaine.
Autrement dit, la sélection telle qu’elle était dores et déjà pratiquée est désormais officialisée ou plutôt légalisée et l’attractivité de certains masters va pouvoir être pondérée par ce mécanisme de sélection mis en place.
Face à l’attractivité de certaines filières et la capacité d’accueil, la pérennisation de ce mécanisme était nécessaire. Aussi, ce système semble beaucoup plus adapté et largement moins subjectif que l’idée aberrante de la mise en place éventuelle d’un tirage au sort pour les bacheliers d’Ile de France qui souhaiteraient accéder aux études universitaires dans le domaine de la médecine (sous réserve que le nombre de candidats soit supérieur à la limite fixée, ce fameux problème de l’offre et de la demande). A ce propos, repenser l’examen du baccalauréat s’avérerait être une idée beaucoup plus acceptable.
Pour en revenir à la sélection des masters, certaines interrogations perdurent.
Tout d’abord, il est possible de s’interroger sur l’avenir des titulaires d’un master 1 dont l’accès aux masters 2 leur sera refusé. La difficulté ici n »émane pas véritablement de cette situation puisqu’en droit il est possible de se présenter à de nombreux concours et de s’insérer dans le milieu professionnel avec un bac +4. Le problème émanerait ici davantage de la fameuse course aux diplômes et des réalités liées à l’insertion professionnelle.
Aussi, en consultant la liste, il ressort le problème lié à l’harmonisation des mentions et spécialités des différents diplômes présentés par les universités. En effet, pour certaines universités la dichotomie droit privé et droit public est reprise même si les frontières entre ces deux domaines sont de plus en plus étroites et tendent à disparaitre. D’autres visent spécifiquement le nom d’une formation, ou encore portent un regard beaucoup plus global en visant directement l’intégralité de la formation sans préciser l’intitulé de chaque master pouvant la composer. Il convient alors de s’interroger sur une nécessaire harmonisation de ce système de spécialité, mention, et découpage des masters en droit. Ne faudrait il pas tout simplement indiquer au sein de cette liste « droit » en référence à l’ensemble des filières juridiques ? Aussi, qu’en est il véritablement des masters en histoire du droit ? Tout laisse penser qu’il pourrait subsister certaines failles…
Pour finir, et pour éviter tout litige, il semblerait nécessaire de définir les modalités de sélection au sein des règlements des masters. De plus, il subsiste des difficultés quant à l’emploi du terme de « cycle » au sein du décret mais également au regard des crédits UE obtenus par les étudiants. (voir en ce sens l’article de Me F. Verdier)
Pour conclure brièvement : En surface, le projet de décret vient enfin rétablir une certaine sécurité juridique en pérennisant une sélection qui s’avère nécessaire. Si la situation devenait délicate et se trouve désormais éclaircie, une petite partie immergée de problèmes non résolus semble persister.
Ambre de Vomécourt
[1] Voir également : F. Verdier, « Les refus d’admission en Master 2 sont illégaux », publié le 22 juillet 2015 et disponible sur notre site internet.www.lepetitjuriste.fr
[2] Th. Mandon, « Sécuriser les parcours de réussite du master : avis du Conseil d’Etat du 10 février 2016, communiqué disponible sur le site http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/
[3] Conférence des présidents d’Université, « halte à l’hypocrisie, la sélection en master existe, assumons-la », communiqué disponible sur le site http://www.cpu.fr/
[4] Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle
[5] Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche
[6] S. Lecherbonnier, Master : le ministère fixe les contours de la liste des M2 sélectifs, educpros.fr, publié le 23 février 2016