La prescription est définie par Gérard Cornu comme étant un « mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit, par l’écoulement d’un laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi ». [1] Bien que souvent présentée comme un obstacle pour l’assuré inscrit dans sa démarche d’indemnisation, la prescription en assurance trouve sa justification quand on se situe dans le rôle particulier de l’assureur à plusieurs titres.
Les effets du contrat d’assurance ont une durée limitée, de la même manière que le contrat en lui-même. Cette forte temporalité se justifie tout particulièrement pour les sinistres, où l’assureur n’est pas un simple organisme régleur mais aura dans certains cas à entreprendre et à décider de mesures notamment conservatoires.
Le contentieux relatif à la prescription, tout particulièrement en matière d’assurance est particulièrement abondant. La Cour de cassation est en effet amenée plusieurs dizaines de fois par an, à juger d’affaires y ayant spécifiquement trait[2].
Une prescription spécifique au droit des Assurances
L’article L114-1 du Code des assurances édicte que « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans, à compter de l’évènement qui y donne naissance ».
Cependant, pour les assurances vie où le bénéficiaire est distinct du souscripteur ce délai est porté à dix ans.
Cette prescription spéciale date de 1930 et déroge à celle quinquennale de droit commun.
Elle trouverait son origine dans une réponse apportée aux assureurs à leurs problématiques d’archivage.
En opposition au droit commun, cette forclusion ne saurait être aménagée conventionnellement[3] comme le rappelle l’article L111-2 du Code des assurances. Elle est en effet considérée comme étant d’ordre public.
Rappel dans la police d’assurance des dispositions de la prescription sous peine d’inopposabilité
En application de l’article R112-1 du Code des assurances, les polices d’assurance doivent rappeler « la durée des engagements réciproques des parties ».
Jusqu’en 2005, le non-respect de cette obligation n’était pas sanctionné par les juridictions. Réclamée par la doctrine[4], cette rectification fut apportée par la jurisprudence[5].
En l’absence de rappel, la prescription biennale est inopposable à l’assuré. Une simple référence aux articles du Code des assurances, sans que leur contenu soit énoncé est alors considérée comme suffisante[6].
Un revirement jurisprudentiel se produit cependant en 2011[7]. Une seule évocation aux articles ne suffit plus à la Cour de cassation qui réclame désormais un rappel intégral du contenu des articles du Code des assurances. Cette transcription des dispositions du Code n’est néanmoins pas suffisante puisqu’il est également demandé aux assureurs de faire mention du délai de prescription, de son point de départ ainsi que d’énoncer les causes d’interruption aussi bien spéciales que de droit commun de la forclusion.
Ainsi, dans sa décision du 10 décembre 2015, la deuxième chambre civile rappelle l’inopposabilité de la prescription biennale par l’assureur n’en ayant pas rappelé les dispositions de sa police, tout particulièrement en ce qui concerne le point de départ de celle-ci.
Celle-ci réaffirme donc la solution dégagée en 2011 par la Cour de cassation et ce sans qu’il y soit apporté de modifications.
Quel avenir pour la prescription biennale ?
Cette forclusion spéciale est aujourd’hui contestée par un certain nombre d’auteurs, notamment depuis la réforme de la prescription de 2008, qui n’a pas fait le choix d’inclure l’assurance dans son champ d’application.
Comme le souligne Jean Bigot cette réforme n’a pas eu lieu « pour des raisons inexpliquées et inexplicables »[8]. Ce dernier plaide en effet pour une réforme de la prescription et pour l’application du délai quinquennal aux prescriptions assurantielles. Cela aurait notamment pour effet de supprimer l’actuelle prescription décennale applicable aux assurances vie.
La Cour de cassation à travers ses rapports annuels invite également le législateur à se saisir d’une réforme de la prescription biennale ; elle relève ainsi dans son rapport pour l’année 2011 qu’à « sept reprises depuis 1990, les Rapports annuels ont soulevé la question du délai de prescription»[9].
Bien que décriée, la prescription biennale ne semble pas aujourd’hui être réellement menacée, les précédentes réformes de l’assurance ne s’y étant pas pour le moment intéressées (notamment la loi n°2014-344 du 17 mars 2014[10] relative à la consommation dite loi Hamon), ce sans doute en raison d’un désintérêt à la fois politique et sociétal pour cette question.
[1] Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Presses universitaires de France, 2014.
[2] J. Kullmann ss Lamy Assurances, Editions Lamy, 2015 n°1075
[3] Article 2254 du Code civil
[4] J. Bigot, note sous TGI Paris 16 avril 1984, RGAT 1985. 237
[5] Cass. 2ème civ. , 2 juin 2005, 03-11.871
[6] Cass. 2ème civ. , 10 novembre 2015 04-16.156
[7] Cass. 2ème civ. , 30 juin 2011, 10-23.223
[8] Jean Bigot, Pour une modernisation du Code des assurances, La Semaine Juridique Edition Générale n°49, 5 décembre 2011
[9] Rapport annuel 2011 de la Cour de cassation, La Documentation Française
[10] JO du 18 mars 2014 p5400