Ségolène Dugué, l’atout du cabinet Cohen Amir-Aslani, nous livre son parcours et nous éclaire sur ses fonctions.
Le Petit Juriste : Quel est votre parcours universitaire et professionnel ?
Ségolène Dugué : J’ai fait une prépa aux grandes écoles, puis l’Ecole Supérieure de Commerce de Rennes. Par la suite j’ai effectué un MBA (Master of Business Administration) pendant deux ans à l’université de Laval au Canada. Dès mon retour en France, en 2006, j’ai été embauchée par le cabinet Cohen Amir-Aslani. Auparavant j’ai travaillé durant une année dans l’humanitaire en France, et deux années dans le grand nord du Canada. En février prochain, je fêterai mes dix ans au sein du cabinet.
LPJ : Pourquoi vous êtes-vous orientée vers un cabinet d’avocats ?
SD : Je ne me suis pas orientée de mon propre chef vers un cabinet d’avocats. C’est une opportunité qui s’est présentée à moi ; j’ai rencontré les associés du cabinet qui m’ont fait la proposition d’intégrer leur structure. J’étais réticente au départ car avec ma formation, je ne voyais pas ce que je pouvais leur apporter. Ils ont cependant insisté, en me disant qu’ils avaient besoin d’une personne comme moi, qui avait une vision business, qu’ils souhaitaient apporter à leur cabinet. Ils m’ont convaincue et j’ai accepté.
LPJ : Qu’est ce qui selon vous, a poussé les associés, il y a dix ans, à vous mettre en avant au sein du cabinet ?
SD : Gérard Cohen et Ardavan Amir-Aslani sont des visionnaires qui ont toujours eu comme volonté de pousser la relation avec leurs clients au-delà du droit pour créer des affinités. Le monde juridique étant très concurrentiel, si l’on s’arrête à la simple consultation juridique, le client va vite nous échapper. Au-delà de défendre ses intérêts, on doit le prendre dans sa globalité, et c’est ce qu’on demande à nos collaborateurs.
LPJ : Comment vous êtes-vous adaptée aux codes du monde des avocats ?
SD : Je n’avais pas d’idée préconçue du travail en cabinet d’avocats, et donc aucune idée des codes et de la hiérarchie qu’il pouvait y avoir. Par ailleurs, je rentrais d’une expérience professionnelle au Canada où les gens étaient très proches et se tutoyaient. Il n y’avait pas vraiment de hiérarchie contrairement à un cabinet d’avocats, où il en existe une réelle.
Il y avait donc beaucoup de codes que je n’avais pas : par exemple je ne passais pas par les assistantes pour parler à un associé, j’étais présente aux rendez-vous clientèle, etc. Mon comportement a beaucoup intrigué, tant les collaborateurs que le personnel administratif qui n’avait pas l’habitude de voir une personne non avocate, avoir accès aux clients.
Je dirais donc, que de façon personnelle, je n’ai pas eu du mal à m’adapter car je ne prêtais pas attention aux codes. Les membres du cabinet ont eu au départ un peu de mal à s’adapter à ce nouveau mode de fonctionnement. Par la suite, les collaborateurs et le personnel administratif ont compris et accepté l’intérêt de mon poste ainsi que ma façon de travailler. Ils ont compris également que je ne voulais en aucun cas bouleverser l’équilibre de chacun, et que tout ce que je faisais était uniquement dans l’intérêt du cabinet. Comme il n’y avait pas eu de précédent dans les autres cabinets, c’était un poste et une vision assez nouvelle.
LPJ : Quelles tâches effectuez-vous ?
SD : Généralement, un directeur général dans un cabinet d’avocats, est cantonné aux tâches purement administratives : de la gestion, de la communication, du développement. En aucun cas il ne traite ou assiste aux rendez-vous clientèle. Pour ma part, j’ai trois casquettes : administrative, business développement et relation clientèle.
Lorsque je gère la partie administrative du cabinet, cela va de la supervision des ressources humaines à la stratégie du cabinet sur le long terme.
Pour la partie business développement, je dois développer des outils destinés à attirer des nouveaux clients. Le cabinet fait partie de réseaux internationaux que je développe, et pour ce faire, je le représente à travers le monde. Je suis la seule non avocate à le faire.
Je travaille également sur les dossiers de nos clients ; pas sur une approche juridique, évidement, car que je n’ai pas les compétences pour ce domaine, mais sur une approche commerciale ; je les aide à développer leur business et j’anticipe leurs attentes.
LPJ : Est-ce une façon de fidéliser votre clientèle ?
SD : Oui, c’est une façon de les fidéliser, mais pas seulement. C’est important de ne pas avoir une simple vision juridique du client pour être au plus près de ses besoins. A titre d’exemple, je suis allée faire une tournée cadeaux pour nos clients ; je sais exactement ce qu’ils aiment et le petit présent qui fera mouche.
LPJ : Qu’est-ce que vous demandez d’autre à vos collaborateurs ?
SD : Toute la difficulté du métier d’avocat, réside dans la relation clientèle : savoir gérer un client, le rassurer, savoir parler honoraires, une fois que le dossier fini, penser à retourner vers lui pour savoir ce qu’il en est, comment il va, son évolution etc. C’est pour cela que nous impliquons nos jeunes collaborateurs à la vie sociale du cabinet. L’idée est de les coacher pour qu’ils puissent savoir prendre le lead quand il le faut. C’est une plus-value, qui va leur servir à eux, mais également à nous, car la gestion du client prend tellement de temps qu’elle ne peut pas être uniquement à la charge des associés.
LPJ : Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre poste ?
SD : Ce que j’aime le plus, c’est la liberté qui m’est confiée doublée d’une très forte confiance. Si je venais à quitter mon poste aujourd’hui j’aurais l’impression de ne pas avoir fait le quart de ce que je dois faire. Cela fait dix ans que je travaille pour le cabinet, pourtant chaque jour, j’apprends de nouvelles choses.
LPJ : Vous êtes l’instigatrice de la Grande Famille, comment vous est venue cette initiative ?
SD : Les associés voulaient créer un prix étudiant plutôt orienté vers les grandes écoles et universités. Cependant, aller récompenser des jeunes étudiants qui sont déjà dans un schéma d’excellence, n’avait pas d’intérêt à mon sens. Je voulais récompenser au contraire des jeunes qui ne l’étaient pas, et les aider à mettre le pied à l’étrier, en les parrainant par chaque membre du cabinet. C’était aussi une façon d’impliquer davantage, avocats et personnel administratif du cabinet.
Alors que je n’avais pas encore identifié la cible, c’est une rencontre qui a déterminé mon choix pour les IUT de Seine Saint Denis. C’était intéressant que ces deux mondes diamétralement opposés, se rencontrent. J’avais encore une fois la volonté de casser les codes.
C’est ainsi qu’est née la Grande Famille.
LPJ : Pour conclure, quels conseils donneriez-vous aux futurs professionnels ?
SD : Tout d’abord, ils doivent peaufiner au maximum leur CV. A ce titre, la photo est essentielle. Le but n’est pas de voir si le candidat est beau ou non, mais de constater une attitude professionnelle sur la photo. Par exemple, ne pas mettre une photo de soi en vacances, et même si cela semble évident, je l’ai déjà vu sur certains CV.
Il faut également détailler davantage les expériences professionnelles plutôt que d’énumérer toutes les matières étudiées. Je regarde aussi si les compétences acquises en formation sont en adéquation avec la pratique de notre cabinet
De plus, il ne faut pas négliger les activités extra-professionnelles et éviter les traditionnels sport, cinéma, lecture, si ce ne sont pas des choses qui vous animent réellement. Il faudra en entretien, être capable d’expliciter réellement ce que l’on aime, car nous recherchons tous ce petit plus qui fera la différence.
Par ailleurs, il faut cultiver son réseau le plus tôt possible, en tant qu’étudiant, stagiaire ou jeune collaborateur, et comprendre que les camarades de cours, seront un jour de potentiels associés, confrères ou recruteurs.
Propos recueillis par Cheherazade CHIKHI