Le tout récent rapport Badinter relatif aux principes essentiels du droit du travail et censé servir de base à la rédaction du prochain Code du travail essuie déjà de vives critiques. Son auteur s’en est expliqué devant la presse le 25 janvier 2016.
C’est à la demande du premier ministre Manuel Valls que le 24 novembre dernier, Robert Badinter s’est vu confier la tâche de rédiger un rapport devant servir de préambule à la rédaction du futur Code du travail. Il s’agissait pour l’ancien ministre de la justice et président du Conseil constitutionnel, accompagné d’un comité de huit éminentes personnalités, de « procéder à une analyse des dispositions actuelles du droit du travail pour mettre en lumière les piliers sur lesquels repose l’édifice »[1].
Sur la forme, le rapport se compose de 61 articles divisés en huit sections. La première d’entre elles touche aux libertés et droits de la personne au travail, considérées par Robert Badinter comme étant « le coeur du droit du travail français ». Parmi les principes qui y sont dégagés, on retrouve le droit au respect de la dignité dans le travail (article 2), le principe d’égalité dans l’entreprise (article 4) ou encore l’interdiction du harcèlement moral ou sexuel (article 7).
A droit constant, nihil nova sub sole
Robert Badinter ne s’en cache pas, le comité qu’il a dirigé a travaillé à droit constant. « A regret parfois », précise-t-il néanmoins dans son introduction. Les dispositions présentées dans le rapport n’apportent donc rien de nouveau. Ainsi retrouve-t-on à l’article 5 l’interdiction de toute discrimination ou encore, à l’article 12, le principe selon lequel le contrat de travail est à durée indéterminée.
Depuis la publication du rapport, les critiques ne manquent pas de fuser. Si certains l’accusent d’enfoncer des portes ouvertes, Robert Badinter est encore ciblé pour avoir laissé la voie libre au détricotage des 35 heures. L’ancien garde des sceaux, aujourd’hui âgé de 87 ans, indique en effet à l’article 33 de son projet que « la durée normale du travail est fixée par la loi. Celle-ci détermine les conditions dans lesquelles les conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente ».
Là où le patronat y voit une mesure bien trop timide, les syndicats l’accusent de laisser au projet de loi de réforme porté par Myriam El Khomri le choix de mettre fin au régime des lois Aubry de 1998 et 2000. L’ensemble des ministres et députés en décideront.
« Laissons les critiques et regardons du haut du pont l’eau du fleuve couler »[2]
Robert Badinter avait pourtant prévenu. Et dès la première phrase de son introduction. La mission qui lui avait été confiée par Manuel Valls consistait simplement à « dégager les principes juridiques les plus importants », rien de plus. Certains y ont pourtant vu un véritable projet de loi.
Face au tumulte né de la publication de son rapport, Robert Badinter a tenu à s’exprimer devant la presse et rappeler sur l’antenne de France Inter que ce projet « n’est pas une œuvre d’imagination. On ne nous a pas demandé cela, on nous a demandé de dresser à droit constant le droit tel qu’il est aujourd’hui, le tableau des principes fondamentaux. Laissons les critiques et regardons du haut du pont l’eau du fleuve couler ».
Alexis Dumas
[1] Extrait de l’introduction du rapport Badinter
[2] Extrait de l’interview accordée par Robert Badinter à France Inter