Avec l’annonce du confinement le 16 mars 2020, les études notariales, comme la plupart des entreprises françaises considérées comme non essentielles, se sont trouvées dans l’obligation de fermer. Il a donc fallu trouver des réponses pour assurer la continuité de l’activité des notaires. S’est alors posée la problématique de la signature d’actes authentiques en cette période si particulière.
La profession de notaire et l’évolution technologique
Cela fait plusieurs années que le domaine du notariat cherche à digitaliser sa profession. Dès 2008 a eu lieu la mise en place de signatures électroniques sécurisées pour les actes authentiques, qui sont alors enregistrées sur une plateforme centralisée accessible par tous les professionnels du métier : le Micen. Le Conseil supérieur du notariat a par ailleurs encouragé les études depuis 2017 à s’équiper de systèmes de visioconférences.
Le cadre juridique d’application du décret du 3 avril
Suite à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en France (1) et à la fermeture des offices notariaux, le journal officiel du 4 avril 2020 a publié un décret (2) autorisant la signature d’actes authentiques par comparution à distance pendant cette période. Ce procédé a pris fin le 11 juillet 2020 en même temps que l’état d’urgence sanitaire (3). Pour rappel, un acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter, en l’espèce un notaire. Il peut être établi électroniquement s’il respecte les conditions de conservation fixées par le Conseil d’Etat en décret (4). Cela implique donc une sécurité juridique importante.
Ce nouveau décret a permis aux notaires et à leurs clients de maintenir la signature de ces types d’actes juridiques tout en respectant les conditions requises par le Code civil durant cette période d’urgence sanitaire. Ce texte vient donc déroger au décret du 26 novembre 1971 qui dispose que si une partie ne peut se trouver présente dans la signature de l’acte, alors elle devra comparaitre devant un autre notaire qui recueillera son consentement et participera à l’établissement de l’acte (5).
Un mécanisme particulier
Ce processus comporte le même déroulé qu’un acte authentique classique, à la seule différence qu’il se déroule par visioconférence, d’où la nécessité pour les études de s’en fournir. Aujourd’hui, c’est plus de 40 % d’entre elles qui en possèdent. Ainsi, les parties et le notaire en charge de l’acte réalisent une séance au moyen d’un système de visioconférence, où l’acte est projeté sur écran pour que chacun puisse le voir. Il peut être modifié par le notaire si les parties en émettent le souhait. La signature par voie électronique par chacune des parties et le notaire conclue la fin du rendez-vous.
Une sécurité juridique nécessaire
Un acte authentique requiert une sécurité juridique certaine. Cela nécessite la mise en œuvre de mesures très précises. Ainsi, le système de visioconférence se doit d’être fiable et crypté afin de respecter le secret professionnel. La signature est vérifiée par un organisme agréé par l’ANSSI (6) afin d’assurer l’identité de chacune des parties. Cet outil requiert le degré de sécurité de signature électronique le plus élevé.
Une alternative intéressante
L’intérêt de cette mesure réglementaire réside dans le fait qu’elle assure une sécurité juridique importante tout en permettant aux notaires et à leurs clients de signer des actes authentiques sans pour autant se trouver dans la même pièce. Ce procédé représente une alternative intéressante à la procuration, car les parties peuvent assister au rendez-vous de la signature de l’acte même si elles se trouvent dans différentes zones géographiques, et ainsi éviter d’impliquer une personne tierce en tant que mandataire. Pour les notaires, il représente un outil supplémentaire à proposer à leurs clients pour assurer leur satisfaction. Qui plus est, ce nouveau moyen s’inscrit parfaitement dans la volonté des notaires à pousser la profession vers une évolution technologique et électronique qui puisse garantir la sécurité de leurs actes. Comme susmentionné, ce procédé a pris fin avec la levée de l’état d’urgence sanitaire. Etant donné son intérêt, la question peut légitimement se poser d’asseoir cette pratique en dehors de toute période d’urgence. Même si l’inconvénient de cette pratique est la perte du contact humain chez le notaire, elle présente tout de même une alternative intéressante au présentiel lorsque ce dernier est difficile à mettre en œuvre.
Salomé Prouhet, M1 Droit privé à l’Université Catholique de Lille
(1) : loi n°202-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, article 4
(2) : décret n°2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire, publié au JORF du 4 avril 2020 (n°0082)
(3) : loi n°2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire
(4) : article 1369 du Code civil
(5) : décret n°71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, article 20
(6) : Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041781728&categorieLien=id
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000511476&categorieLien=cidhttps://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000042101318&dateTexte=20200820