La question de l’effectivité des droits et libertés constitue l’une des problématiques les plus débattues en droit contemporain. Si la proclamation des droits et libertés est aisée, leur effectivité est plus délicate.
L’arrivée au pouvoir des partis populistes dans les pays d’Europe centrale, la pauvreté, la crise migratoire en Europe, les conflits régionaux, le développement du numérique et les attentats meurtriers de ces dernières années ont contribué à un recul significatif des libertés publiques, même dans les États dits pourtant de droit.
Des mécanismes et acteurs juridiques favorables à la protection des droits et libertés
Les droits et libertés sont proclamés à travers de nombreux textes internationaux, européens et nationaux. Une fois les droits proclamés et garantis, il convient d’en assurer le respect et, en cas de manquements, de sanctionner leurs violations. Un certain nombre de mécanismes et d’acteurs permettent de favoriser leur effectivité.
Au niveau interne, il existe de nombreux mécanismes juridiques favorables à la protection des droits et libertés. En droit français, il convient de mentionner la question prioritaire de constitutionnalité prévue à l’article 66-1 de la Constitution, qui permet à un particulier de saisir indirectement le Conseil constitutionnel lorsqu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. En outre, le référé-liberté créé par la loi du 30 juin 2000, prévu à l’article L521-2 du CJA selon lequel le juge des référés peut être saisi à la demande d’un particulier dès lors qu’il y a urgence, si un droit fondamental est atteint et si cette atteinte est grave et manifestement illégale. Tel a été le cas concernant la décision du Conseil d’État de 2017, Commune de Calais.
Au niveau universel, il existe également des outils para-juridictionnels de protection aménagés au sein de l’ONU. Par exemple, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU exerce un contrôle politique sous la forme d’un examen périodique universel sur la base de rapports que les États membres sont invités à présenter périodiquement au sujet de la situation du respect des droits de l’Homme.
Le recours aux acteurs juridictionnels permet également de protéger ses droits. Parmi ces acteurs, le juge est le garant essentiel des droits et libertés. Il est investi d’une mission de protection des droits et libertés aussi bien contre l’exécutif que contre les empiétements des tiers. Le Conseil constitutionnel a affirmé dans sa décision de 1989, Entrée et séjour des étrangers que « la garantie des droits est assurée aussi bien par le juge judiciaire que par le juge administratif ».
L’effectivité ne repose pas uniquement sur le juge. Les organes non-juridictionnels contribuent aussi à la protection des droits fondamentaux. Les autorités administratives indépendantes qui disposent d’un certain nombre de pouvoirs, viennent pallier les insuffisances de la justice telles que le formalisme judiciaire, le coût des frais de justice ou encore la lenteur des procédures contentieuses qui constituent un frein à l’effectivité de la protection des droits. Par exemple, le défenseur des droits, prévu à l’article 71-1 de la Constitution, est chargé de garantir l’accessibilité et l’effectivité des droits de toute personne qui le saisit, si possible en évitant d’avoir recours au juge. Il permet de donner effet aux droits que les réclamants considèrent comme mis en cause et améliore le droit et la loi par une action auprès des pouvoirs publics constituée de rapports, avis, recommandations et interpellations médiatiques. Les organisations non-gouvernementales telles que Amnesty International et la Ligue des droits de l’Homme sont des organisations qui défendent un intérêt public, concourent aussi à la sauvegarde des droits et libertés à travers leur rôle d’information, d’enquête, de conseil, de mobilisation de l’opinion publique et d’observation devant les juridictions.
De nos jours, l’effectivité des droits de l’Homme est de mieux en mieux garantie à travers la multitude d’acteurs et de mécanismes juridiques qui contribuent au respect de ces droits, à leur protection ainsi qu’à leur sauvegarde. Néanmoins leur effectivité connaît encore certaines faiblesses. La souveraineté des États constitue l’un des principaux défis de l’effectivité des droits fondamentaux. Certains pays comme la Chine ou la Corée du Nord font passer théoriquement le développement économique avant la garantie des droits individuels et politiques. Le respect des droits de l’Homme demeure un processus en devenir.
Jean-Yves André, étudiant en M1 droit international, à l’université Paris Nanterre
Pour aller plus loin :
- Guillaume Gilbert, « Le droit au juge : droit ou slogan ? » – https://www.canalacademie.com/
- Valentin Zuber, « Les soixante-dix ans de la DUDH. Un anniversaire en demi-teinte – https://www.cairn.info/
- Site du Conseil d’État, Décision n°412125 du 31 juillet 2017, Commune de Calais, Ministre d’État, ministre de l’Intérieur – https://www.conseil-etat.fr/
- Site des Nations-Unies, rubrique Réfugiés et migrants, « Le respect des droits de l’Homme est dans l’intérêt de tous selon le chef de l’ONU » – https://refugeesmigrants.un.org/