A l’heure actuelle, l’Europe fait face à l’un des flots de migrants les plus massifs de son histoire. Toutefois, parmi eux se cachent des victimes de la traite des êtres humains difficiles à identifier et à secourir. Dès lors la nécessité de distinguer immigration clandestine et traite des personnes devient cruciale afin de mieux protéger les libertés fondamentales de ces individus.
Fin janvier, Europol estimait à plus de 10 000 le nombre d’enfants migrants disparus ces deux dernières années. Ce chiffre effrayant pose la problématique de l’avancée du trafic humain au sein de la crise migratoire. En effet, si la traite des personnes semble gagner du terrain, cela s’explique par la difficulté que rencontrent les autorités pour lutter contre ce fléau.
Le développement de la traite des personnes au sein de la crise migratoire européenne
Depuis quelques années, l’Union Européenne fait face à l’une des crises migratoires les plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon les Nations Unies, plus de 9 000 migrants ont traversé la Méditerranée pour la seule année 2015. La grande majorité d’entre eux tente de rejoindre l’Europe à l’aide de passeurs qu’ils rémunèrent entre 1 000 et 2 000 dollars sans aucune garantie de résultat. Cependant, la réalité à laquelle ces migrants sont confrontés est plus complexe. En effet, dans un rapport publié en Mai 2015, Amnesty International a mis en lumière l’apparition de filières criminelles visant à l’exploitation de ces migrants. L’essor de la traite des personnes dans ces régions résulte de la vulnérabilité de ces migrants qui deviennent les proies idéales pour ces trafiquants.
A travers plusieurs témoignages, l’organisation dépeint inlassablement le même schéma. Pensant avoir à faire à des passeurs traditionnels, les migrants se retrouvent pris au piège et séquestrés dans des conditions les plus souvent inhumaines. Pour retrouver leur liberté, deux options s’offrent à eux : payer une rançon ou travailler pour rembourser leurs dettes. Malheureusement, ces organisations criminelles ne sont pas les seules à jouer de la vulnérabilité des migrants. En 2013, l’Organisation Internationale pour les migrations s’inquiétait déjà du développement de la traite des êtres humains dans ces régions où le nombre de mariage forcé a explosé ces dernières années notamment dans les camps de réfugiés avec le développement « d’agences matrimoniales ». Pour une jeune syrienne le prix s’élèvent aux alentours de 60 euros, 125 si celle-ci est encore vierge. D’autres enfants sont quant à eux envoyés dans les grandes villes pour y travailler. Ils y sont le plus souvent exploités et exposés à de nombreuses situations les mettant en danger. Enfin, de vieux réseaux de traite des êtres humains et notamment de prostitution venant du Nigeria usent les routes des migrants et le chaos qui y règne pour mieux dissimuler leurs victimes et leurs sombres entreprises.
Eradiquer le trafic humain : une entreprise difficile
Si le trafic des êtres humains est toujours difficile à identifier et à combattre, la complexité de cette crise migratoire rend la tâche encore plus compliquée. En 2000, un protocole contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes a été adopté par les Nations Unies. Cet instrument juridique est venu définir la notion de victime de la traite des personnes en les qualifiant d’individus transportés par des moyens frauduleux et dans le but d’y être exploités. Le protocole met également en place des mécanismes pour lutter contre le trafic humain mais également aider les victimes via des mesures de protection et de sécurité, de prise en charge et d’aide à l’éducation. Néanmoins, dans le cadre de la crise des migrants, les victimes de ces réseaux ont très peu accès à ce type de mesures du fait de la difficulté que rencontrent les autorités pour les identifier. En effet, les victimes de la traite des personnes se mélangent au flot de migrants qui émigrent clandestinement mais de façon consentie sans être exploité par leurs passeurs. Ainsi lorsque ces victimes sont interceptées, elles sont pour la plupart traitées par les autorités comme des migrants clandestins : aucune aide matérielle ou psychologique ne leur est apportée et les auteurs de ces crimes restent impunis. Dès leur renvoi dans leur pays d’origine, ces individus se retrouvent de nouveau à la merci de leur bourreau sans aucune solution pour sortir de ce cycle infernal.
Ayant pris conscience de l’ampleur du phénomène, un travail pour une meilleure identification des victimes de la traite des êtres humains a été entrepris. En amont, l’Organisation internationale pour les migrations a mis en place un programme visant à la formation des différentes autorités et sociétés civiles en contact avec les victimes potentielles de ces réseaux criminels dans ces régions transitoires. L’Union Européenne n’est pas en reste. Depuis 2011, Frontex a développé un programme d’entrainement pour ses gardes frontaliers dans le but de mieux identifier les victimes de la traite des êtres humains et favoriser le démantèlement de ces organisations criminelles.
Néanmoins, encore trop de victimes de la traite des êtres humains passent à travers les mailles du filet. Une meilleure identification est donc nécessaire pour une lutte plus efficace contre ce fléau qui profite de la vulnérabilité et de la misère d’êtres humains. La nécessité de distinguer les notions juridiques de traites des êtres humains et immigration clandestine apparaît alors fondamentale.
Thalia Gerzso
Pour aller + loin :
Lybia is full of cruelty, stories of abduction, sexual violence and abuse from migrant and refugees”, Amnesty International, May 2015
The Middle East and Africa Annual Report, 2013, IOM
Protocole contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, Organisation des Nations Unies, 2000