Système bancaire affaibli, PME fragilisées, évolution du rôle de l’État, plans de sauvegarde de l’emploi… Les enjeux juridiques pour trouver des solutions concrètes à la crise financière, devenue économique, sont nombreux. Outre les milliards débloqués pour faire face à cette crise, certaines solutions peuvent être trouvées grâce aux perspectives offertes par le droit.
Initiée par la crise américaine des subprimes (crédits hypothécaires), la crise financière actuelle devient progressivement une crise économique. Les 1000 chantiers lancés par le gouvernement français ainsi que les multiples plans de relance adoptés à travers le monde, démontrent les volontés de chacun d’apporter des solutions curatives et rapides aux maux de cette crise.
Au niveau national, de nombreux chantiers sont ouverts et multiples sont les matières juridiques concernées.
Collectivités locales : la solution par les PPP
Au niveau des collectivités locales, les communes sont obligées de trouver des solutions pour faire face à des préoccupations locales : fiscalité locale incertaine, système bancaire en berne, stagnation des concours de l’État, autant de problèmes d’ordre juridique auxquels chaque maire de France doit apporter des solutions propres. En attendant l’application des réformes, ce sont les impôts locaux qui risquent d’augmenter et les projets locaux risquent d’être bloqués par des levées d’emprunt trop longues.
Les solutions seraient de financer les grands projets publics grâce à investissements garantis par la formule des Partenariats Public-Privé (PPP). Si l’État garantit solidement ces partenariats, divers secteurs bénéficieront d’un sérieux effet levier (notamment le secteur du BTP). A ce titre, trois textes d’application de la loi du 28 juillet 2008 sur les PPP devraient être rapidement promulgués.
Enfin, sur ce point, les conclusions de la commission Balladur pourraient offrir de nouvelles perspectives.
Droit public : la réforme des institutions au service de l’économie
Une des nombreuses modifications de la Constitution (loi constitutionnelle du 23 juillet 2008) concerne le rôle du Parlement dans l’évaluation des politiques publiques. Assistés de la Cour des comptes, dont le président Philippe Seguin vient de publier, le 4 février dernier, le rapport annuel de l’institution qui dénonce les dérives et dysfonctionnements dans la gestion des deniers publics, les députés et le gouvernement vont tenter d’assainir les finances publiques de l’État. Reste à espérer que les dépenses seront inférieures aux économies réalisées. Ainsi, dans un moyen terme, des effets positifs s’en feront ressentir sur les finances publiques.
Droit du travail : la mise en œuvre des lois de 2008
La crise engendre un contexte social très difficile pour de nombreux citoyens. Les garanties offertes par le droit du travail et de la protection sociale pourraient offrir des solutions à chacun des travailleurs français. Ainsi, la mise en œuvre de la loi sur la représentativité syndicale pourrait laisser voir apparaître de nouveaux interlocuteurs au sein des entreprises. Les syndicats, petits ou grands, participeront activement à un dialogue social indispensable en ces temps difficiles.
Nous vous parlions dans le numéro 2 du journal d’un nouveau mode de rupture du contrat de travail (la rupture conventionnelle). Les premiers contentieux en rapport avec ce nouveau mode permettront de fixer les limites jurisprudentielles de cette nouveauté juridique. Lorsque ce dernier aura un régime bien défini, il pourra s’avérer très utile pour faciliter la vie de l’entreprise.
Pour 2009, de nouvelles réformes législatives pourraient être discutées au Parlement (réforme du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail), encadrement du travail indépendant (réforme de la sous-traitance).
Le droit fiscal à l’épreuve de la crise
Droit constamment évolutif, la fiscalité va devoir s’adapter à un contexte économique et financier en crise. Les mesures fiscales vont connaître des arrangements essentiels pour les années 2009 et 2010.
D’une part, la condamnation de la France par la CJCE l’an dernier (27 novembre 2008) oblige le gouvernement français à arranger son régime d’intégration fiscale. La liberté d’établissement n’étant pas garantie par la Cour de Justice, l’État va devoir réformer ce système. Grâce à ce nouveau dispositif, il serait possible, selon certains auteurs, d’élargir le régime des sociétés mère filles pour permettre l’intégration des sous-filiales dont le système fiscal est plus avantageux.
D’autre part, la refonte de la notion d’abus de droit a été lancée par la loi de finance rectificative pour 2008 (la notion d’abus de droit est utilisée pour sanctionner des montages juridiques en soit licites mais ayant pour seule motivation de contourner la législation fiscale c’est-à-dire éluder ou atténuer les charges fiscales. Jusque là limitée à certains impôts (droits d’enregistrement, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et taxe sur la valeur ajoutée) la notion d’abus de droit sera étendue, à compter du 1er janvier 2009, à l’ensemble des impôts et intègrera la notion de fraude à la loi telle qu’initiée par la jurisprudence « Janffin » du 27 septembre 2006).
Droit des affaires : la solution LME
La France a choisi une relance économique par l’investissement. Cette dernière passera nécessairement par certaines évolutions en droit des affaires et des sociétés.
La loi LME du 4 août 2008 (Loi de Modernisation de l’Économie) dont nous vous avons commenté de nombreux apports dans les numéros précédents du Petit Juriste, va apporter une série de nouvelles possibilités. Augmentation des délais de paiement, flexibilité des rapports avec les fournisseurs, réforme des parachutes dorés, modification du régime des SAS (Sociétés par Action Simplifiée), conditions d’implantation des grandes surfaces… autant d’avancées qui vont assurer certaines opérations commerciales.
La réforme des parachutes dorés et le contrôle des rémunérations entraineront un maintien de l’équilibre social. Là encore, plus loyal sera le comportement des dirigeants, plus sereins seront les rapports sociaux au sein de l’entreprise. Cela entraînera sans aucun doute, une meilleure implication du salarié dans l’entreprise et donc la possibilité d’apporter à l’entreprise, par son travail personnel, une amélioration de sa santé financière.
Au niveau du droit de la concurrence, la nouvelle Autorité de la concurrence bénéficie de pouvoirs mieux définis et accrus. Grâce à ses facultés propres, l’Autorité pourra mettre en place des investigations précises dans les domaines qui la concernent (ententes, abus de position dominante). Plus saine sera la concurrence, plus facile sera la régulation des marchés financiers. Également chargée de contrôler les concentrations (fusion-acquisitions entre entreprises), et même si le ministre de l’Économie conserve certains pouvoirs, la nouvelle autorité aura un rôle actif dans le contrôle de la concurrence.
Autant de solutions juridiques qui permettront, espérons-le, d’endiguer la crise économique. Il est alors possible d’observer grâce à cette période difficile que le droit n’est pas seulement indispensable pour régler les rapports entre individus. Ce petit résumé non exhaustif des possibilités que vont offrir les différentes matières juridiques pour 2009 démontre la formidable capacité du droit à être une matière essentielle face à la crise.
Une fois encore, il ne faudrait pas confondre Droit et Loi. En cette période, le droit sert non seulement les plans de relance nationaux mais également permet aux différents pays d’apporter leurs lots de solutions.
Messieurs Gérard Beckerman, directeur du magistère Banque-finance de l’université Paris II et Michel Germain, directeur du magistère juriste d’affaires nous donnent dans une interview page suivante, leurs avis face aux perspectives d’issues juridiques de la crise. Ces deux intervenants privilégiés traitent alors de la possibilité d’un contrôle financier accru ou d’éventuels impacts.
Adrien Chaltiel