Le recours aux technologies numériques dans la lutte contre la pandémie de Covid-19 s’est imposé à travers le monde. Les gouvernements du monde entier se sont ainsi tournés vers la collecte de données et le traçage numérique de la population dans le but de tester et d’isoler de façon rapide des personnes potentiellement infectées. Dans ce contexte, comment concilier la surveillance numérique et le respect des libertés individuelles ?
La mise en œuvre des mesures de surveillance numérique soulève des questions importantes concernant la protection de la vie privée des particuliers. L’association Amnesty International a fait part de son désarroi, début avril, devant l’édification d’un « Big Brother sanitaire ». L’association a établi le respect de plusieurs conditions strictes que les États doivent remplir pour protéger les droits humains et empêcher une surveillance excessive. En premier lieu, les mesures mises en place doivent entrer dans le cadre de la loi. En second lieu, ces mesures doivent être nécessaires, proportionnées et temporaires. La mise en place de ces mesures doit également se faire dans la transparence avec un suivi adapté. Le recours aux technologies de surveillance numérique pour combattre la pandémie doit donc se faire dans le respect des droits humains.
L’encadrement des mesures de surveillance numérique au niveau européen
La Commission européenne a présenté, le 16 avril 2020, aux États membres qui explorent de nouvelles méthodes de collecte de données, des orientations rappelant leurs obligations en matière de droits humains. Ces obligations découlent du règlement général sur la protection des données (RGPD). Les États membres doivent respecter les obligations de ce règlement, en particulier les dispositions 5, 6 et 9. En outre, la Commission rappelle aux États que toute ingérence dans la vie privée doit toujours être légale, nécessaire et proportionnée. Ces orientations permettent donc de définir de manière précise les données collectées, dans quelles circonstances et préciser les pratiques interdites.
Par ailleurs, le Comité européen de la protection des données (CEPD) a publié le 21 avril 2020 des lignes directrices sur l’utilisation de la géolocalisation et des outils de traçage des contacts dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Il rappelle notamment que l’usage de ces outils doit être strictement nécessaire et proportionnel. Il souligne également la nécessité d’une anonymisation « robuste », et recommande la transparence sur les méthodes d’anonymisation employées.
L’application française StopCovid présentée devant le Parlement
En France, l’application StopCovid fera l’objet d’un vote au Parlement mercredi 27 mai. Selon le secrétaire d’État chargé du numérique Cédric O, elle pourrait être opérationnelle à partir du 2 juin 2020. Elle a pour objectif d’alerter les personnes l’ayant téléchargée qu’elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au Covid-19 et disposant de la même application. Elle permet la recherche de contacts (contact tracing) grâce à l’utilisation de la technologie « Bluetooth » sans recourir à la géolocalisation des individus.
La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) a émis un avis favorable à l’utilisation de l’application StopCovid car elle estime que l’application est conforme au RGPD en respectant le concept de « protection des données dès la conception ». De plus, la Commission souligne qu’un certain nombre de garanties sont apportées, en particulier l’utilisation de pseudonymes. Toutefois, elle rappelle que le déploiement de cette application n’est possible que si son utilisation est suffisamment avérée et si elle est intégrée dans une stratégie sanitaire globale.
Le Conseil national du numérique (CNN) a également émis un avis favorable concernant l’application StopCovid en soulignant l’utilité de cette application de proximité dans la lutte contre le Covid-19. En outre, il affirme que l’application « s’inscrit dans une stratégie exceptionnelle de santé plus globale tout en tenant compte des risques existants pour les libertés et droits fondamentaux ». A suivre.
Jean-Yves André, étudiant en M1 droit international, à l’université Paris Nanterre.
Pour aller plus loin :
BACCIARELLI Anna, « Applications de traçage des contacts : un tes pour le droit à la vie privée en Europe », 24 avril 2020, Amnesty International :
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/04/contact-tracing-apps-privacy-in-europe/
- Commission européenne, orientations du 16 avril 2020 sur les applications soutenant la lutte contre la pandémie de COVID-19 en ce qui concerne la protection des données :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020XC0417(08)&from=EN
- Avis de la CNIL n°2020-046 du 24 avril 2020 portant sur un projet d’application mobile dénommée « StopCovid » :
- Avis du Conseil national du numérique du 24 avril 2020 sur l’application StopCovid :
https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/2020.04.23_COVID19_CNNUM.pdf
- Lignes directrices 03/2020 du Comité européen de la protection des données, « traitement des données relatives à la santé aux fins de la recherche scientifique dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 » :
Merci beaucoup pour cet article très intéressant. Cet article arrive à couvrir le sujet dans son ensemble et résume très bien la situation.
Chaque jour, les gouvernements et entreprises du monde entier se servent d’informations personnelles sur des internautes qui n’ont pas donné l’autorisation de les utiliser.
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Bonne journée,