Pour soutenir les acteurs économiques et les aider à faire face aux répercussions graves de
la crise sanitaire, le gouvernement a été autorisé par la loi du 23 mars 2020 à prendre
par ordonnance toute mesure permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des
loyers afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités et
suspensions susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement, la plus notable étant
l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020.
Les personnes éligibles aux dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020
Seules les personnes qui exercent une activité économique sont concernées, les particuliers
sont ainsi exclus du champ d’application de l’ordonnance. En outre, pour être concerné, il faut
que votre contrat de bail commercial remplisse cumulativement les deux critères suivants :
1° Ces dispositions s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement
intervient entre le 12 mars 2020 inclus et le 10 septembre 2020 inclus, c’est donc l’échéance de
paiement qui compte et non pas la période pour laquelle les loyers et charges sont dus.
2° Type des bénéficiaires : des précisions sur les bénéficiaires seront faites ultérieurement par
décret gouvernemental. Il est fort probable que seront concernées les TPE, les professions
libérales, artisans, commerçants pour lesquels avec un effectif maximal de 10 salariés, un chiffre
d’affaires annuel inférieur à 1 million d’euros, un bénéfice imposable inférieur à 60 000 euros,
une baisse du chiffre d’affaires de 50 % entre mars 2019 et mars 2020 ou ayant fait l’objet d’une
interdiction d’accueil du public.
La révision des loyers à la baisse
L’imprévision
Le preneur peut invoquer le changement de circonstances imprévisibles, en raison de
l’impact économique causé par la pandémie du Covid-19, pour renégocier le contrat de bail.
Cela renvoie à l’article 1195 du Code civil relatif au cas d’imprévision. Attention, cela ne
concerne que les baux conclus ou renouvelés après le 1er octobre 2016.
La révision triennale
En tant que preneur, si vous êtes titulaire de votre bail depuis au moins trois ans ou si la
dernière révision date d’au moins trois ans, vous pouvez bénéficier d’une révision du loyer à la
baisse en vertu de l’article L.145-38 du Code de commerce. Cette révision est effectuée lorsque
le loyer ne correspond plus à la valeur réelle du bien loué en raison d’une modification des
facteurs locaux de commercialité qui aurait entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur
locative. On comprend dans facteurs locaux de commercialité différents éléments, tels que les
fermetures administratives de commerce ou l’impact de la fermeture de commerces voisins ; il
s’agit donc d’éléments qui ont bel et bien subi une modification à cause de l’épidémie et des
mesures de protection sanitaire qu’elle a engendré. Dans ce cas, la révision sera déplafonnée.
L’exonération des loyers
Sur cette question, il faut savoir que la jurisprudence affirme qu’une impossibilité absolue
d’exploiter autorise le preneur à opposer une exception d’inexécution, ce qui en pratique
l’autorise à obtenir judiciairement une annulation de sa dette locative. C’est le cas de force
majeure définie à l’article 1218 du Code civil. Il est fort probable que l’appréciation de la force
majeure soit retenue par la jurisprudence et on estime que les commerçants ayant été astreints
à une interdiction d’ouverture au public peuvent invoquer un manquement à l’obligation de
délivrance et de jouissance paisible du bailleur pour la période considérée.
Néanmoins, la Cour de cassation a récemment conclu que le champ d’application de la force
majeure exclut désormais l’obligation de payer une somme d’argent. Ainsi le droit positif tend
à donner un caractère suspensif et non exonératoire à un événement de force majeure empêchant
de payer le loyer commercial. Il se trouve, cependant, que la situation exceptionnelle et les
nombreuses critiques pourraient justifier un retournement de jurisprudence.
Elsa Lalanne