Afin d’améliorer la lutte contre la corruption, la loi Sapin II est venue doter le droit pénal d’un nouvel instrument en matière de corruption ou autres délits portant atteinte à la probité.
La loi Sapin II du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a introduit la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) dans le droit pénal français. Celle-ci s’inspire directement du modèle américain, le « deferred prosecution agreement ».
Consacrée par l’article 41-1-2 du Code de procédure pénale, elle s’adresse aux personnes morales mises en causes pour corruption, trafic d’influence, blanchiment, blanchiment aggravé, ainsi que pour blanchiment de fraude fiscal.
LA MISE EN OEUVRE DE LA CJIP
Elle peut être mise en œuvre sur proposition du Procureur de la République. Elle n’est possible que si l’action publique n’est pas encore mise en mouvement. Toutefois le juge d’instruction en charge de l’affaire a également la possibilité de transmettre le dossier au Procureur de la République, afin que ce dernier puisse la proposer à la personne morale concernée. La personne morale n’est pas obligée de l’accepter et la CJIP ne pourra en aucun cas être mise en place sans son accord.
LE CONTENU DE LA CJIP
La convention est susceptible d’imposer trois sortes d’obligations à la personne morale mise en cause, à savoir, le versement d’une amende, la mise en place d’un programme de mise en conformité sous le contrôle de l’Agence Française Anticorruption(AFA) et la réparation des dommages subis par les éventuelles victimes identifiées. Toutes les sommes dues par la société devront être versées dans un délai butoir d’un an.
Le programme de mise en conformité sous le contrôle de l’AFA pourra comporter plusieurs mesures, définies à l’article 131-39-2 du Code pénal, notamment un code de conduite définissant les différents types de comportements à proscrire. La société sera obligée de verser des frais à l’AFA, qui publiera sur son site le contenu du programme de mise en conformité.
LES EFFETS DE LA CJIP
La convention prendra plein effet lorsque le Président du tribunal de grande instance, saisi par une requête du procureur de la République, la validera au terme de débats publics et contradictoires. Le ministère public devra au préalable inviter les victimes identifiées à l’audience.
La personne morale bénéficiera d’un droit de rétractation de dix jours. A l’issue de ce délai, si elle ne s’est pas rétractée, elle sera tenue de respecter pleinement ses obligations.
En cas de non respect des obligations contenues dans la CJIP, le ministère public devra lui notifier l’interruption de la convention et l’action publique pourra être mise en mouvement. La personne morale pourra récupérer l’amende versée au Trésor public, toutefois elle ne récupérera pas les frais versés à l’AFA.
En cas de réussite, la CJIP viendra éteindre l’action publique.
UNE MESURE PRAGMATIQUE POUR REPONDRE A DES ENJEUX ECONOMIQUES
La grande particularité de la CJIP est que sa validation n’emporte pas de déclaration de culpabilité et ne présente pas les effets d’un jugement. En effet, il s’agit d’une mesure alternative aux poursuites, qui s’inscrit dans une volonté de désengorgement de la justice. Cela implique donc que la CJIP n’entraîne pas une condamnation inscrite dans le casier judiciaire de la société et évite ainsi l’exclusion de la personne morale des marchés publics. Cela constitue l’intérêt majeur de cette convention. Cependant, les dirigeants de la société peuvent tout de même être poursuivis en tant que personnes physiques et ainsi voir leur responsabilité pénale engagée.
Le décret n° 2017-660 du 27 avril 2017, publié au Journal officiel du 29 avril 2017, détermine les modalités d’application de la convention judiciaire d’intérêt public. Dans la pratique, cette dernière n’a pas encore été appliquée.
Elodie Malval
Sources :
-http://www.cabinetaci.com/droit-penal/droit-penal-des-affaires/les-infractions-portant-atteinte-a-la-probite/
– loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi Sapin II du 9 décembre 2016
-article 41-1-2 du code de procédure pénale
-article 131-39-2 du code pénal
-décret n° 2017-660 du 27 avril 2017
-article du journal le monde « En France, un cador de l’antiblanchiment à la tête de l’anticorruption » paru le 4 avril 2017