Deux étudiants disposant de cursus universitaires et de qualités comparables peuvent avoir une réussite professionnelle très différente. Au bout de 10 ou 15 années d’activité le premier peut être associé dans un cabinet prestigieux, tandis que le second peut se trouver dans une situation bien moins favorable.
La réussite de l’un ou l’échec relatif de l’autre peuvent certes être influencés par des facteurs exogènes tels que le contexte économique, une évolution législative ou la performance d’un cabinet. Il n’en reste pas moins qu’une grande part de votre réussite est entre vos mains. Ce sont les décisions que vous allez prendre au cours de votre carrière et votre comportement qui seront les premiers facteurs de votre réussite. Sont commentés ci-après un certain nombre de décisions et comportements pouvant y contribuer.
Incidence de la conjoncture économique
Le marché juridique est étroitement connecté à l’environnement économique. En période de difficultés économiques les entreprises investissent moins, empruntent moins et ont souvent une stratégie moins ambitieuse. Malgré cela certaines spécialités se portent bien dans ces périodes difficiles. Par exemple, le droit social, des entreprises en difficulté ou la restructuration financière sont en fort développement. Les étudiants qui auront eu la chance ou le flair d’avoir anticipé les matières qui vont se développer au moment où ils débutent leur carrière d’avocat ont évidemment la tâche plus aisée que d’autres.
Type de cabinet
Nous avons vu dans le numéro 7 du Petit Juriste qu’il existe une grande variété de cabinets.
Quelle carrière souhaitez- vous avoir ? Si vous êtes disposés à faire des sacrifices importants pour avoir une carrière professionnelle brillante ou si vous recherchez plutôt un travail intéressant vous permettant de mener une vie professionnelle et familiale équilibrée, vous ne ferez pas les mêmes choix.
Les premiers devront plutôt s’orienter vers les grands cabinets français et internationaux, tandis que les seconds devront plutôt choisir une carrière dans un cabinet de plus petite taille, une entreprise ou une administration. Il n’y a évidemment pas de règle générale.
Cabinet généraliste ou spécialiste
Un autre aspect important est celui du cabinet généraliste par comparaison au cabinet plus spécialisé. En effet, un cabinet généraliste est susceptible de vous offrir des opportunités plus ouvertes par comparaison avec un cabinet spécialisé. Par exemple, si vous débutez votre carrière dans un cabinet spécialisé en droit de la faillite ou en propriété intellectuelle, au bout de quelques années vous deviendrez un spécialiste de cette matière, mais cela ne vous empêchera pas toutefois de changer de cabinet (vers un cabinet généraliste qui souhaite développer ce secteur d’activité).
Pour ce qui est des cabinets généralistes, la grande majorité d’entre eux vous intégreront dans un département plus ou moins spécialisé. Soyez conscients que la spécialisation est devenue une nécessité absolue pour un avocat souhaitant avoir une carrière de qualité. Le droit est en effet devenu une matière d’une telle complexité et aussi d’une telle instabilité qu’un avocat souhaitant avoir une pratique très diversifiée aurait les plus grandes difficultés à fournir une prestation de qualité.
Avocat contentieux ou conseil
Souhaitez-vous être un avocat spécialisé en contentieux ou en conseil ou pratiquer les deux ? Certains d’entre vous pourront avoir une préférence très marquée pour l’un ou l’autre. Si vous n’êtes pas dans ce cas, il est de votre intérêt d’avoir une expérience dans les deux domaines. En effet, un avocat qui aura une expérience en matière contentieuse rédigera et négociera un contrat en intégrant les conséquences d’un contentieux éventuel. C’est un plus.
Expérience à l’international
Souvent les étudiants désirent bénéficier d’une expérience professionnelle à l’étranger. Est-il de votre intérêt d’exercer une activité à l’étranger pendant quelques années ? La réponse ne va pas de soi et dépend de votre choix de carrière. Si l’activité que vous allez exercer à l’étranger est une spécialité non liée à un droit national (eg : arbitrage international, marché de capitaux, financements spécialisés), l’expérience que vous allez acquérir (de préférence, dans un pays anglo-saxon) sera directement utile à votre carrière en France. De plus, la parfaite maîtrise de la langue anglaise sera valorisante.
Par contre, si l’activité exercée à l’étranger porte sur une discipline spécifique à chaque pays (droit fiscal ou immobilier, par exemple), l’expérience que vous aurez acquise à l’étranger ne sera pas directement utilisable en France. Certes, la maîtrise de la langue anglaise sera un plus, mais votre expérience à l’étranger doit alors être de courte durée (1 ou 2 années au maximum) afin de ne pas prendre trop de retard sur vos collègues ayant acquis de l’expérience en droit français pendant cette période.
Votre formation
Au cours de vos premières années d’activité, un aspect déterminant est la qualité de votre formation juridique. C’est l’expertise acquise au cours de ces premières années qui va contribuer le plus à votre réussite. Lorsque vous êtes en mesure de choisir entre plusieurs cabinets privilégiez celui qui vous offrira la meilleure formation. Soyez rigoureux dans le suivi de l’actualité juridique. Un avocat doit toujours être parfaitement informé des changements affectant sa discipline.
Rémunération
Bien sûr la rémunération est importante mais ne choisissez pas un cabinet en fonction de ce critère mais en fonction de sa réputation et de la formation qu’il vous offre. C’est fondamental.
Travail en équipe
A l’exception des cabinets de petite taille où le jeune avocat travaille pour l’essentiel seul, le travail en équipe va constituer l’organisation de base d’un cabinet. Le jeune avocat doit s’insérer dans la ou les équipes au sein desquelles il travaille et se faire accepter par le groupe. Chaque équipe fonctionne selon des règles qu’il convient de comprendre et de respecter : hiérarchie, répartition des tâches, soutien aux autres, discrétion, disponibilité, loyauté vis-à-vis des autres membres de l’équipe… C’est à vous de vous adapter, pas l’inverse.
Respect des délais
Lorsqu’une tâche vous est confiée, si le délai d’exécution ne vous est pas précisé par l’associé ou le collaborateur qui fait appel à vous, demandez ce qu’il en est. Le respect des délais est une règle d’or dans tous les cabinets d’avocats. Si pour une raison quelconque vous n’êtes pas en mesure de respecter un délai, n’attendez surtout pas que le délai soit expiré ou proche de l’être pour en informer le prescripteur. Cela est toujours très mal perçu. Si plusieurs personnes vous confient des travaux qui ne peuvent pas être tous achevés dans les délais fixés, discutez en avec ces personnes (pas toujours facile) et demandez quel travail doit être exécuté en priorité. Le pire scenario est celui ou vous n’avez respecté aucun des délais impartis et vous mécontentez plusieurs personnes. Gardez à l’esprit qu’il y a relativement peu de questions urgentes (ou très urgentes) mais beaucoup de gens pressés !
Demande d’explications complémentaires
L’avocat qui vous confie une tâche vous donnera souvent des explications insuffisamment détaillées ou claires. En cas de doute(s) sur la question posée demandez une clarification à votre prescripteur avant d’y consacrer du temps. Cela n’est pas toujours aisé, mais c’est infiniment préférable à la réalisation d’un travail hors sujet qui fera mauvaise impression.
La gestion de l’erreur
Tout avocat commet des erreurs, même le meilleur. Pour en réduire le nombre prenez le temps de répondre à une question posée (deux vérifications valent mieux qu’une). De plus, qualifiez votre réponse, chaque fois que cela est possible : « Il me semble que… mais je préfère vérifier ». Ceci s’applique tant vis-à-vis de vos collègues que des clients.
En interne, si vous commettez une erreur, ne la dissimulez pas, admettez la (sans l’imputer à un tiers !) et cherchez (si possible spontanément) à la réparer. Vis-à-vis d’un client, le fait d’admettre une erreur, si vous avez trouvé une solution correctrice, est la plupart du temps accepté par ce dernier. Si l’erreur commise peut mettre en jeu la responsabilité du cabinet (non respect d’un délai impératif, par exemple), informez l’associé responsable afin qu’il décide comment gérer la difficulté posée.
Si vous constatez qu’un de vos collègues ou l’avocat d’un autre cabinet a commis une erreur, ne lui faites jamais perdre la face (surtout en présence de son client) mais essayez diplomatiquement de lui faire prendre conscience de son erreur afin que ce soit lui qui la corrige dans la mesure du possible (votre confrère appréciera votre délicatesse et les clients ne seront pas dupes).
Disponibilité
Le fait d’être disponible est de la plus grande importance. L’associé qui cherche, le vendredi soir, un avocat susceptible de lui préparer une note pour le lundi matin, aura une perception très positive du jeune avocat qui l’aura aidé dans ces circonstances. Certains jeunes avocats ont tendance à refuser un travail additionnel par peur d’être débordé. Un refus est fréquemment mal accepté. Faites le maximum pour accepter mais en demandant que les priorités soient définies (pas toujours évident quand les demandes émanent de plusieurs associés !).
Conformisme
Chaque cabinet a ses règles (écrites ou non). Soyez observateurs et attentifs afin d’adopter le mode de fonctionnement et les codes de votre cabinet (y compris en matière d’habillement !).
Capacité d’initiative
N’hésitez pas prendre des initiatives (en respectant les règles internes) et évitez d’être attentistes ou passifs. Si vous manquez de travail, demandez en (c’est l’oisillon qui ouvre le plus grand son bec qui reçoit les plus beaux vers !).
Communication
La très grande majorité de la correspondance interne et externe se fait par voie électronique. Les jeunes avocats considèrent souvent qu’un avis donné par courrier électronique ne nécessite pas la même attention qu’une lettre. C’est dangereux car la responsabilité du cabinet (et la vôtre) peut évidemment être engagée par un courrier électronique. Le fond et la forme de tous vos écrits doit être parfaite.
Gagner la confiance des associés
Ce paramètre est capital. C’est bien sûr la qualité et la fiabilité de votre travail qui vont contribuer, en premier lieu, à vous faire gagner progressivement la confiance des associés. Ensuite de nombreux facteurs tels que votre disponibilité, loyauté, esprit d’équipe, sens des responsabilités… vont faire de vous une personne sur laquelle les associés vont se reposer de plus en plus. Lorsque vous aurez plus de responsabilités et d’autonomie, n’oubliez pas de tenir régulièrement les associés au courant de vos travaux. Cela les rassure et souligne votre esprit d’équipe.
Attitude confraternelle et votre réputation
Votre réputation est votre bien le plus précieux, même lors d’un stage. Le milieu des avocats est un microcosme où la plupart des avocats se connaissent ou ont une idée assez précise de la réputation d’un confrère. Faire preuve de respect, de loyauté et de courtoisie vis-à-vis de vos collègues et confrères est un des principes essentiels de notre profession. Votre excellence professionnelle fera le reste !
Maitre James Vaudoyer
Managing Partner – Avocat associé
Hogan & Hartson
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