La compétence de l’UE dans le domaine du sport

Pendant la campagne présidentielle, l’Union européenne a été vivement critiquée par les candidats. A quelques heures des résultats du 1er tour, quelques éléments pour apprécier la compétence de l’UE en matière sportive. 

 

 

Les premières règlementations du sport :

Le sport ne fut pas toujours au centre des préoccupations européennes : en 1957, le premier l’objectif de la CEE était la réalisation du marché intérieur commun. Le contenu du Traité de Rome[1] identifiait, dans son article 3, des objectifs liés à sa réalisation, comme, entre autres, la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux. Le sport apparaissait alors comme une sphère indépendante. Pourtant, les premiers cas liés au sport traités par la Cour de Justice de la Communauté Européenne le furent sur ce fondement.

En 1974, l’affaire Walrave et Koch[2] fut la première intervention de la communauté dans le domaine du sport. L’Union Cycliste Internationale avait exigé que l’entraineur et le coureur cycliste soient de la même nationalité. La Cour considéra que le droit de la communauté avait vocation à s’appliquer, mais seulement lorsque le sport constituait une activité économique. Elle jugea également l’UCI responsable de la violation de la liberté de mouvement des travailleurs en raison d’une discrimination fondée sur la nationalité. Dans l’affaire Doña[3], la Cour insista sur l’incompatibilité des mesures restrictives sur la nationalité avec le droit communautaire. Cette jurisprudence fut confirmée ultérieurement par l’affaire Deliège[4].

En 1978, un accord fut conclu entre la Communauté européenne et l’UEFA[5] , l’instance Européenne du football, pour l’abolition des mesures discriminatoires. Mais, confrontée à l’inactivité de l’UEFA, la Commission Européenne fut contrainte de changer la législation. La Commission ordonna la suppression des quotas au 1er Janvier 1985. L’UEFA modifia sa règle et introduit un nouveau système en 1991 : la règle du « 3 + 2 »: 3 joueurs étrangers et 2 autres avec au moins 5 ans dans le championnat. Le juge interne dû intervenir à nouveau pour mettre fin à l’impunité de l’UEFA.

 

Le passage à l’ère moderne : l’arrêt Bosman :

Le système des transferts de joueurs dans le football professionnel était basé jusqu’alors sur un seul principe : un joueur, même à la fin du contrat, ne pouvait quitter son club librement. Tout transfert d’un joueur dans une nouvelle équipe était soumis à l’accord de son ancien club, et au versement d’une indemnité de réinstallation. Dans le cadre d’un transfert international, la fédération du pays d’origine devait produire un certificat de transfert dans le pays d’arrivée.

L’arrêt Bosman[6] du 15 décembre 1995 est venu confirmer la lecture économique des règles sportives de l’affaire Walrave et Koch[7]. Le système des transferts de joueurs, source de financement des activités sportives entre les clubs, ne peut pas être incompatible avec le principe de la libre circulation des travailleurs. Un club ne peut pas exiger le paiement d’une indemnité en cas de départ de l’un de ses joueurs à la fin du contrat vers un nouveau club. En outre, les Associations ou Fédérations sportives nationales ou internationales ne peuvent pas prévoir de mesures visant à limiter l’accès de la communauté aux joueurs qu’ils organisent des compétitions.

Cette décision eut d’importantes répercussions sur le marché : entre 1995 et 2011, le nombre de transfert de joueur fut multiplié par 3,2 et les montants attribués par 7,2. Même si la Cour jugea que le marché devait être considéré comme tout autre marché et soumis aux mêmes règles, des exceptions se développèrent. Dans l’affaire Lehtonen[8] par exemple, la Cour jugea que l’existence de périodes de transfert, limitant la liberté de mouvement, avait pour objectif de ne pas fausser la concurrence.

 

D’un droit jurisprudentiel à une compétence fondée sur un Traité :

Le passage au XXIème siècle s’est caractérisé par une accélération de la législation sur le sport et son insertion dans les Traités européens.

La déclaration numéro 29 sur le sport du Traité d’Amsterdam « souligne l’importance sociale du sport et en particulier son rôle de ferment de l’identité et de trait d’union entre les hommes. »[9]

Dans le Traité de Lisbonne[10], la compétence de l’Union est clarifiée et fait partie du droit primaire. L’article 6 du TFUE[11] insiste sur la compétence de l’Union pour mener des actions dans certains domaines particuliers dont le sport. Il est lié à l’article 165 du TFUE qui rappelle la volonté de l’Union de promouvoir les enjeux européens du sport, tout en gardant sa spécificité, liée notamment aux structures basées sur le volontariat. Cet article insiste également sur la fonction sociale et éducative du sport, et sur l’indispensable protection de l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes.

 

L’inclusion du sport dans le Traité en 2009 vient ainsi concrétiser un changement d’optique, entamé plus de dix ans auparavant. Le sport est désormais envisagé comme une activité économique, qui doit respecter les règles du marché intérieur, tout en présentant certaines spécificités.

L’Union Européenne doit désormais veiller au modèle sportif européen, sans pour autant que les « enjeux européens du sport » ne soient vraiment définis.

Baptiste Laville 

Références : 

[1] Traité instituant la Communauté Economique Européenne, T.C.E, 1957.

[2] CJCE, 1974,Walrave et Koch contre Union Cycliste Internationale, aff. C-36/74.

[3] CJCE, 1976, Gaetano Donà contre Mario Mantero, aff. C-13/76.

[4] CJCE, 2000, Christelle Deliège contre Ligue francophone de judo and others, aff. jointes C-51/96 et C-191/97.

[6] Affaire C-415/93 Union Royale Belge des Sociétés de football association ASBL v Jean-Marc Bosman [1995] ECR I-4921

[7] Ibid. 2.

[8] affaire C-176/96 Jyri Lehtonen et Canada Dry Namur-Braine/Fédération royale belge des sociétés de Basketball et Ligue belge-Belgische Liga

[9] Traité d’Amsterdam modifiant le traité sur l’union européenne, les traités instituant les communautés européennes et certains actes connexes

[10] Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union Européenne et le traité instituant la Communauté Européenne (2009)

[11] Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne

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