Partant d’un constat, celui de l’unanimité politique autour de la nécessité d’une réforme territoriale, le Comité BALLADUR 2, institué le 22 octobre 2008 a livré des conclusions qui ont créé une vive polémique le 3 mars 2009. Il est remarquable que le rapport en lui-même entretient un climat lourd de conséquences. Son titre n’est autre que : « Il est temps de décider ». Et justement, le Comité a décidé d’adopter 20 propositions, jugées cruciales pour l’avenir de notre administration.
Les propositions
Il n’est pas question ici d’énumérer toutes les propositions du Comité, mais d’analyser celles qui font le plus débat. La plus décriée est évidemment celle qui concerne le regroupement des 22 régions existantes en 15 régions seulement. Devant la levée de boucliers qu’a provoqué cette annonce, il a été précisé que cette réforme se ferait sur la base du volontariat. On ne peut que se montrer sceptique dés lors sur l’avancement de cette mesure. Difficile d’imaginer en effet une région se saborder d’elle-même pour se fondre dans sa voisine mieux lotie. Pose également problème la question du « Grand Paris », c’est-à-dire une entité réunissant Paris et les départements de la Seine-Saint-Denis du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Ici, ce sont toujours les élus de la région, toute couleur politique confondue qui dénoncent une mesure portant atteinte aux politiques de proximité et au développement à long terme des collectivités concernées.
Détail des propositions BALLADUR :
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Favoriser les regroupements volontaires et les modifications des limites territoriales des régions pour en réduire le nombre à une quinzaine.
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Favoriser les regroupements volontaires de départements.
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Désigner par une même élection conseillers généraux et conseillers régionaux à partir de 2014.
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Supprimer les cantons et définir des circonscriptions infra-départementales pour l’élection simultanée des conseillers régionaux et départementaux au scrutin de liste.
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Achever d’ici 2014 la carte de l’intercommunalité et rationaliser le paysage des syndicats de communes.
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Supprimer les « pays » au sens de la loi du 4 février 1995.
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Instaurer l’élection des organes délibérants des EPCI (établissement public de cooppération intercommunale) à fiscalité propre au suffrage universel direct en même temps et sur la même liste que les conseillers municipaux.
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Créer par la loi 11 métropoles à compter de 2014 (Lyon, Lille, Bordeaux, Marseille, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon, Rennes).
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Créer des « communes nouvelles » se substituant sur une base volontaire aux intercommunalités.
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Confirmer la clause de compétence générale au secteur communal et spécialiser les compétences des départements et régions.
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Engager la clarification des compétences et des collectivités locales.
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Objectif annuel d’évolution de la dépense publique locale avec débat parlementaire.
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Réviser les valeurs locatives foncières tous les six ans.
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Compenser la suppression de la taxe professionnelle par une taxation des fondée sur la valeur ajoutée et le foncier de l’entreprise.
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Limiter les cumuls d’impôts locaux sur une même assiette d’imposition.
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Créer en 2014, après consultation, le Grand Paris correspondant au territoire de Paris et des trois départements de la petite couronne.
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Modifier le mode de scrutin de l’Assemblée de Corse.
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Instaurer dans les régions et DOM une collectivité unique après consultation.
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Supprimer les services intervenant dans le champ de compétences des collectivités locales.
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Réduire d’un tiers les effectifs des exécutifs locaux.
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Les critiques
Les critiques ont donc surtout porté sur deux points : les suppressions de régions et la création du « Grand Paris ». Il est très étonnant de constater que si les quolibets ont été vifs, peu d’explications ont été données sur la nécessité de la réforme, et surtout, sur les raisons de son impopularité politique. L’enchevêtrement des compétences et des textes conférant tantôt des matières aux collectivités locales, tantôt à l’Etat, tendent à rendre incompréhensible l’administration territoriale. De même, les nombreuses pertes financières dues aux doublons et aux manques de financement des collectivités contribuent à la dette publique d’une manière non négligeable. Et surtout, la multiplication des communautés de communes, des communautés d’agglomérations, et autres pays, entraînent une incompréhension générale sur les compétences des différentes institutions. En attendant, sans être enterrée, la réforme semble être repoussée sine die.
On peut finalement se poser deux questions : pourquoi cette réforme est-elle si impopulaire sur ces points précis et unanimement dénoncés, et pourquoi la France tente de mettre en œuvre une réforme territoriale en 2009 là où la plupart des pays européens l’ont déjà faite dans les années 70-80 ? La réponse tient en une seule formule, qui n’existe qu’en France : le cumul des mandats. En effet, s’il a été limité par une loi de 2000, cette dernière ne couvre pas l’ensemble des fonctions. Ainsi, un député, en plus d’avoir un mandat de maire ou de conseiller, peut cumuler les postes au sein d’une communauté de commune, d’un pays… Les élus sont donc prêts, et même exhortent leurs collègues, à engager cette réforme indispensable, tant que leurs propres mandats ne sont pas concernés.
Antoine Faye
Pour en savoir plus : |
Décret du 22 octobre 2008 portant création du comité pour la réforme des collectivités locales |
Rapport d’information (…) sur la clarification des compétences des collectivités territoriales, bibliothèque des rapports publics, Assemblée des départements de France, 15 octobre 2008. |
LAMBERT Alain – Les relations entre l’Etat et les collectivités locales, Bibliothèque des rapports publics – La Documentation française.fr |
Et bien sur, le site du Comité : http://www.reformedescollectiviteslocales.fr/home/index.php |