Alors que l’on attend toujours que la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire se prononce sur la proposition de loi n° 1036 visant à interdire la pratique de la chasse à courre à cor et à cri, on fêtera bientôt l’anniversaire de la présentation de cette proposition de loi devant l’Assemblé Nationale le 15 mai 2013. L’occasion de comprendre les enjeux d’une telle proposition et de faire le point sur la pratique de la chasse à courre, en France comme en Europe.
Si en France, comme dans de nombreux pays, la pratique de la chasse divise l’opinion, elle apparaît bien souvent comme le moyen le plus efficace de répondre à la nécessité écologique de régulation des espèces.
Encadrée par le législateur aux articles L 420-1 et suivants du Code de l’environnement, la pratique de la chasse tente aujourd’hui depuis quelques années de se débarrasser de l’image de tradition désuète et parfois violente qu’elle inspire pour s’inscrire dans une problématique de développement durable et de préservation des espèces.
La chasse, une pratique tentant de s’inscrire dans une démarche de préservation de l’environnement.
Ainsi, dans sa modification par la loi n° 2012-325 du 7 mars 2012, si l’article L 420-1 du code de l’environnement rappelle le caractère culturel de la chasse, il décrit cette pratique « comme une activité à caractère environnemental qui contribue à l’équilibre entre le gibier, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique ».
Cet objectif de maintien et de gestion des écosystèmes par la pratique de la chasse est louable et vise à reconnaitre à la pratique cynégétique une dimension écologique que l’opinion publique ne lui connait que trop peu.
Pourtant, on observe aujourd’hui une ombre au tableau qui empêche la chasse française de se défaire de l’étiquette de pratique barbare et de convaincre pleinement de son utilité écologique : la pratique de la chasse à courre, aussi appelée vènerie.
La chasse à courre : une pratique contestable et contestée à l’échelle européenne.
Autorisée par les articles R 424-4 du code de l’environnement, cette pratique héritée de l’Ancien Régime et à l’origine réservée à la noblesse consiste à poursuivre le gibier à cheval tout en en lançant à sa poursuite une meute de chiens. Après des heures de course, à bout de souffle et encerclé par la meute, l’animal est mis à mort par l’un des participants à l’aide d’une dague.
Jugée cruelle et archaïque par un certain nombre d’états, la chasse à courre est aujourd’hui en déclin sur le plan européen. En effet, de nombreux pays membres de l’Union européenne ont déjà interdit ou restreint considérablement cette pratique, comme c’est le cas en Allemagne et en Belgique.
Le dernier état européen en date à avoir interdit la vènerie est le Royaume Uni en 2004. Etant donné que la chasse à courre constituait un véritable spectacle populaire (il faut savoir qu’elle réunissait chaque année des centaines de personnes lors du célèbre Meet de Heylthrop), l’interdiction de la vènerie a reçu un très mauvais accueil des associations de chasse qui ont tout de suite engagé des actions contre le gouvernement britannique à l’origine du texte. Cependant, la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans une décision du 24 novembre 2009 les a déboutés de leurs demandes et a appuyé l’initiative britannique en déclarant la chasse à courre comme « moralement et éthiquement répréhensible ».
L’immobilisme de la législation française en la matière.
Cette position adoptée par les juges européens ne semble pas avoir eu d’incidence sur la législation française en la matière, ni éveiller chez le législateur une quelconque volonté d’alignement sur le modèle éthique et environnemental européen… Pourtant, l’interdiction de la chasse à courre n’est pas une idée nouvelle et a déjà fait depuis une vingtaine d’années, l’objet de plusieurs questions en Assemblée Nationale. Au regard de la souffrance et du stress qu’elle engendre chez les animaux chassés, qui sont poursuivis jusqu’à mourir quasiment d’épuisement puis mis à mort d’une manière on ne peut plus brutale, la pratique de la chasse à courre se présente aujourd’hui comme incompatible avec les questions d’éthique relatives à la souffrance animales posées ces dernières années dans la plupart des activités impliquant des animaux (élevage, abattage,…).
De plus, contrairement à la chasse au tir, qui constitue la chasse majoritairement pratiquée en France, la chasse à courre ne poursuit aucun but de nécessité écologique, mais est uniquement pratiquée dans une optique de loisir et de spectacle. Elle pourrait en cela être rapprochée de la corrida puisqu’elle ne trouve sa justification que dans la tradition et le cérémonial.
Outre les questions de souffrances animales qu’elle engendre, la pratique de la vènerie peut se révéler délétère pour l’environnement, et donc en opposition complète avec les principes de bonne gestion, de protection des espèces et de régulation propres à la chasse et défendus par le Code de l’environnement. En effet, outre les nuisances sonores et les débordements auxquels elle peut donner lieu (le dernier incident en date que l’on peut rappeler ici étant la poursuite d’un animal jusque dans le salon d’un particulier!), l’accroissement de ce type de chasse n’apparait pas compatible avec la diminution de la surface des espaces naturels en France. Or, comme le rappelle Madame Pompili, parlementaire à l’origine de la proposition de loi de 2013, la vènerie connait une véritable progression aujourd’hui. Non pas que cette pratique se démocratise (au contraire, elle est de plus en plus dénoncée par l’opinion publique) mais la France, de par sa législation attire tous les veneurs venant d’états ayant interdit ce type de chasse!
Au regard de ces faits, on constate ainsi à quel point une action du législateur serait opportune en la matière. En attendant cette intervention législative, la jurisprudence se montre très sévère contre les manifestants qui s’opposent en pleine forêt aux parties de chasse à courre et qui ont tous été condamnés par de récents arrêts sur le fondement de l’entrave à l’action de chasse. Reste à savoir quelle suite la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire donnera à la proposition de loi visant à interdire la pratique de la vènerie….
Pour en savoir plus :
- Article L 420-1 et suivants du code de l’environnement.
- http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1036.asp
- http://www.courrierinternational.com/une/2013/01/03/chasse-a-courre-david-cameron-pris-entre-deux-feux
Pauline GOETSCH